« Des masques qui se transforment...
Des masques qui se transforment. Ainsi tous ces visages croisés, et les corps ternes dont tous on se revêt dans les supermarchés, les transports, les salles d’attente. Ou quand on s’aperçoit derrière les volants, dans les parkings ou aux feux rouges. La peinture est l’art de révéler ses maques, ça va de Goya et Bacon – ou bien plus vieux – à celle qui les fait au couteau et les balance chaque soir sur son Internet, et même son propre masque. Toi aussi souvent tu fouilles dans le tien. Parfois l’âge prend trop de place dans le rapport à toi-même, mais ce n’est pas facile à contourner, ça pèse, ça tord. En littérature c’est le contraire : les silhouettes se font abstraites, les visages ressemblent aux mannequins des vitrines, quand elles sont éclairées dans la nuit tombées tôt de l’hiver, et que c’est une ville que tu ne connais pas. Lisses mannequins sur lesquels on aurait couché de l’écriture. Tu creuses ton masque avec les doigts. Les ongles et le visage ont affinité. Tu n’aimes pas les miroirs, mais dans tout arrangement géométrique des formes arbitraires du monde et de la ville c’est un peu de ton visage qui se révèle. Alors tu le sais : parfois vient un visage sans masque. Son intensité touche à l’insupportable. Il n’y aurait pas d’autre définition de l’humain. Ça existe aussi dans un vers, dans une phrase. Tu continues, malgré ton propre visage, malgré tous les masques, à cause cette intensité-là. Parfois seulement en rêve, parfois seulement menace, aussi.
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 11 juillet 2017
merci aux 239 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page