Eternité d’instants

J’aime perdre mon regard dans les nuages. Des formes, du coton, qui s’effilent et disparaissent. Celui là est un lapin. Celui là un vaisseau spatial. J’aime beaucoup la science-fiction. Peut-être est-il vrai et il se cache sous forme de nuage. J’apprécie laisser mon imagination transformer mon monde. Là, assis sur ma terrasse de bois, les yeux dans le bleu, le vent agite mes cheveux. J’aime l’odeur portée par le vent. Du bois, de l’herbe, un peu grasse, de l’eau, un peu de terre mouillée. Je reconnais les senteurs. Je les côtoies depuis longtemps. Être dehors, c’est comme être à l’intérieur d’un livre. J’aime beaucoup lire, mais je ne lis plus. Les soucis gagnés en grandissant m’en éloigne. C’est dommage. Je pense qu’un peu de fantaisie allège la vie. J’entend les oiseaux qui viennent gratter le bois au-dessus de moi. Ils se logent sous les poutres et je les observes. Mon chat lève sa tête et les fixes. Il est un peu gros, et se recouche rapidement en ronronnant. Je plonge ma main dans sa douce fourrure. Je sens sa chaleur, ses légères vibrations contre ma paume. Je sens la flamme de la vie en lui, bien qu’il soit endormi. Je reporte mon regard à l’horizon. Des vignes à perte de vue. Des fils de fer portant du raisin. Bientôt ils seraient cueillis. Ecrasés. Macérés. Transformés en vin. Exportés. Vendus. Mais d’ici là, j’en aurais mangés quelques-uns. Ce n’est pas bien. Mais qu’est-ce que quelques raisins ? J’aime leur petite forme ronde. J’aime les sentir éclater dans ma bouche. Leur jus frais et sucré est agréable. Mon petit érable agite ses branches affables. Je vois ma chatte dormir dessous. Elle est toute noire. La lumière couchante du soleil rebondi dessus. Des reflets d’onyx. Je ne crois pas qu’ils soient porteurs de malheur. J’ai déjà eu un chat noir. Il m’a rendu heureux. Mes chats me rende heureux. Je les aimes énormément. J’aime les animaux. Je respecte la vie. Elle est précieuse. Rare. Importante. Belle. Porteuse d’espoir. Je veux regarder chaque brin d’herbe. Mais vite mon regard se perd dans leur nombre. Un peu comme nous. Je suis un brin d’herbe. Je suis un individu. Je forme une pelouse. Je ne sens plus ma jambe. Les avoir croisées si longtemps me coupe la circulation. Ce n’est pas grave. C’est un maigre sacrifice pour le bien de mon chat. Je souri. Le temps est bon. Mes soucis s’éloignent doucement. Ils reviendront, je le sais. Mais l’heure est au calme. L’instant est éternité.