# 40 jours # 13 / Tôles terrain vague

Gonds soudés roux. Bordent. Cloques érubescentes. Crevasses forées de vermeil. Vrilles. Ondulées. Rongées de pustules carmin. Lames de sels gris rosâtre. Et rutilantes à côté. biffant le rouge passant. Dentelles mordues. Réveillant un doux incarnat. Rugueux. Pourtant. Dans les fêlures. Rouille. Ruine. Affleure. Consume. Mange. Congestionnée. Attaque des amas. Piqués d’orange. Piqués de noires formations. Rage dévore. Griffe. Nécrose. Rouillure craque. Blesse. Détruit en gerçures vermillon. Trace des signes. Sang ravagé. Vorace. Creuse. Écroule. Des plaques brunies. Racle. Crevasse. Abime. Couvre de terre de sienne. Brûle. Oxyde la tôle. En gerçures de moire. Ocre. Rogne. Fend. Ardente pelure. Ajourée. Les ferrures malades rubicondes crissent. Rouge dissolvant. Dessine des jaunes striés. Gonds dessoudés. Grincent. Éparpillent. Poussière rouillarde. Animée dans le souffle d’air. Colorée. Pulvérulente. Altération. Lamine. Perce. Acide cramoisi. Troue. Usure. Lèpre presque violine. Suinte. Un clou torse. À boursoufflures orangées. Tirant sur le vert d’or. Cristallisées. Ferraille. Acier oxydable. Fragile métal. Altéré pourpre. Feu des surfaces. Grille pliée sous l’amarante. Érosion. Réduction lie-de-vin. Fond encore gris. Porosité qui gagne. Par la couleur. Par les traînées noirâtres. Un noir pâli. Virant sanglant. Réduit peu à peu. Plaque froissée. Corrodée. Grippe. Cavités jaunies. Rupture plissée purpurine. Coulure amenuisée grenat. Poudroiement couperosé. Friable marque. Fard couleur brique. Raye. Ébrèche. Gratte. Sans pitié.

A propos de Fil Berger

Fil Berger, je, donc, compose les textes qu’il écrit avec des artefacts sonores et graphiques et ses pièces musicales avec des artefacts d’écriture et graphiques. Le tout cherche, donc, une manière d’alchimie modeste située entre ces disciplines. Il a publié des livres d’artiste avec le plasticien Joël Leick chez Æncrages et Dumerchez. Quelques revues comme Paysages écrits, Traction Brabant ont retenu des textes. Il a travaillé et composé des pièces musicales documentées sur CD. Il a partagé pendant plus de vingt ans des moments de création avec des chorégraphes, des plasticiens, des auteurs, des improvisateurs et des compositeurs. Il a animé des ateliers d’écriture et de partitions graphiques avec des personnes de toutes sortes. Fil Berger, je, donc, est un improvisateur qui compose et performe en forgeant ses propres outils, ses champs lexicaux, ses instruments, sa présence au monde en les mettant sans cesse en variation continue. Son travail est la recherche de convergences multiples entre... l’idée et la pratique du « baroque » et... la pratique et l’idée de l’insurrection « œuvrière » autonome.

14 commentaires à propos de “# 40 jours # 13 / Tôles terrain vague”

  1. Paysage avec âme, sans pitié, cependant sensible et comme disait Leforestier, la rouille une plaie utile,

  2. La corrosion qui n’échappe pas à l’érosion et à la décomposition, pendant que ton projet se construit, solide !

    • Helena, merci pour ton retour !
      Oui, ça commence à prendre forme…
      Merci encore !

    • Merci mille fois, Pascale, pour ce retour généreux.
      L’oxydation est un phénomène magnifique.

  3. C’est absolument splendide… et ça me fait rudement songer aux toiles de David Lynch, c’était une expo sensationnelle à Paris un été 2014 peut-être, cette recherche inédite de consistance et de matière

    • J’aime beaucoup cette référence, sans avoir vu l’exposition,
      Je vais aller voir sur le Net.

  4. j’essaie de me faire une image de tes « dentelles mordues » et de toutes les souffrances endurées par la couleur et proposées par ce texte entre incarnat, orange et lèpre
    richesse de l’évocation qui pénètre et froisse la peau
    Sans pitié, tu l’as dit, tu l’as signé…

  5. Un très grand merci à toi, Françoise !
    Je me suis aussi plongé dans ton magnifique mordoré…

  6. Grand grand merci pour ce texte-pépite, ces trouvailles de mots pour dire les choses : « cloques érubescentes » / « soudés roux » / « rongées de pustule carmin » / « En gerçures de moire.  » / « Rupture plissée purpurine. »…et j’en passe… Tant à citer… je t’avoue les avoir cherchés cherchés ces mots pour mon container rouillé. Et puis tu l’as fait. Je ne cesse de ponctuer ma lecture de « c’est ça, mais c’est ça, c’est exactement ça » et pour avoir rôdé moi-même, je pèse mes mots… Par ailleurs suis très sensible à ces tôles, objets photographiques de prédilection.

    • Émilie, grande joie de découvrir ton retour !
      Merci !
      J’ai beaucoup aimé ton container, qui, lui aussi, est plein d’images colorées puissantes. On peut sentir ton regard photographique et ton attrait pour la rouille et les fulgurances de l’oxydation !

  7. Merci pour les sensations que transmet ce texte, c’est très troublant de voir la matière apparaître sous nos yeux avec une poignée de mots bien choisis. On croirait voir un volcan se réveiller !

    • Un grand merci à toi, James !
      Ton retour me touche beaucoup.
      J’ai vraiment aimé écrire ce texte.