#recto verso #15bis | avec ou sans suite

1 C’est la première fois qu’on entre. La maison respire le fermé. La dame qui a ouvert la porte a des cheveux noirs
1bis peut-on encore respirer si tout est fermé
2 noir n’est pas une couleur, d’après lui
3 Ici se trouve le salon de jardin. Quatre chaises, une table pliantes, dans un placard. Le placard respire la poussière. Une toile d’araignée rêve au plafond
3 bis l’histoire de la poussière n’est pas seulement celle de la domesticité
3 ter une araignée au plafond est aussi une expression
4 Je n’avais pas raconté mon rêve à cause du cheval
4 bis Cheval est un mot qu’on ne dit pas ici : banni le mot ( faire une liste des mots bannis c’est une liste sujette à mouvement comme les notes qui s’ensuivent )
4 ter Viens que je t’attache les cheveux; elle me tresse pour ne pas dire queue de cheval
5 Queues des cerises ou celle du chat.
6 Si tu coupes la queue du lézard elle repousse.
7 Vrai
8 Faux
9 Dans sa petite valise elle garde une clé: vrai. ( ça doit avoir un rapport avec le cheval)
9 bis Ou pas
10 La clé ouvrait une porte. La porte exista.
11 Il y a ce qui exista et ce qui aurait pu.
12 Ce qui existerait si
12 bis un jour je dirai la légende
12 ter sur le papier officiel il est mort à l’hôpital : indigent. Dans l’histoire il meurt autrement .
13 Il y a ce qui est
13 bis Il y a ce qui tombe
13 ter est ce qu’on l’a tombé avait demandé l’enfant après
14 Un caillou sur le rebord de la fenêtre. Un panier suspendu avec de l’ail qui pourrit. Un almanach au mur. Une toile cirée rouge. Un broc.
14 bis Ici. Maintenant. Des choses.
15 Choses qu’on a vraiment touchées.
16 Murs. Lieux. Même ceux des rêves
17 Cette maison louée pour les vacances.
18 Demain il va pleuvoir dit la dame en levant la tête vers le ciel qui a du bleu.
19 Bleu ou bleu je demande à l’oreille de mon frère. Bleu blanc dit Pierre.
19 bis Plus tard je lirai un livre: Blanc-bleu on dit pour qui n’a pas de casier
20 Il y a aussi une cheminée dit la dame
21 des enfants nous fument.
22 Partir en fumée
23 Casier à bouteilles.
24 Consignes.
25 Monument aux morts.
25 bis un monument aux morts avec un cheval; dans la ville de T il y avait une statue équestre; c’est la mort qui chevauchait
26 Un jour elle a renversé le lait de la bouteille par terre. Je crois qu’elle pensait à la mort.
27 Flaques.
28 J’aime voir le ciel ou d’autres choses se refléter dans d’autres choses. Le ciel et les arbres dans une flaque. Son visage dans la vitre la nuit. Les gens dans le miroir imprimé du bar.
29 La dame aux cheveux noirs passe devant le miroir du couloir je vois bien qu’elle se regarde.
30 Qui est la plus belle demandait la voix du conte.
31 On ne peut compter que sur soi disait sa voix qui montait. Son cou rougissait
32 Le jour où j’ai dit cheval elle m’a battue avec la brosse. Le dos de la brosse. Après j’ai eu une fièvre de cheval.
33 Comment fait le boucher pour compter jusqu’à dix puisqu’il n’a plus d’index et ni de majeur à la main droite.
34 Ah il était gaucher
35 Manger de la viande de cheval pour être fort c’est ce qu’on disait avant.
36 Il y a une camionnette qui passe tous les jours dit la dame.
Pain. Lait. Viande le mardi.
37 Il colportait des miroirs sérigraphiés publicitaires. De beaux paysages. Ici une sirène. Là un cheval. Les gens aiment beaucoup les « chevals » il disait.
38 Cheveux, chevaux, écheveaux ça se ressemble
39 Si je ne te natte pas il y aura tes cheveux dans la soupe
39 bis se faire des cheveux
39 ter les cheveux de la morte dans sa bouche quand il descend l’escalier : les choses lues sont des choses vécues par procuration
40 Vous avez ici la première chambre à trois lits : un deux trois ( comme si nous ne savions pas compter) Il y a aussi un lit pliant. Elle tire un rideau pour nous montrer
41 Lit de camp
42 Camp de la mort
43 Le lit de camp sent le sang à cause du fer dit Pierre en se penchant. Pierre respire les choses. C’est comme une maladie. Il a toujours une odeur sur le bout de la langue.
44 La clé qu’elle garde autour du cou à un ruban sent le fer elle aussi. Le ruban est en velours. Les bords sont usés
45 Elle pose sa petite valise sur la chaise au pied du lit de la deuxième chambre qui donne sur la route. On voit un tracteur. On voit une casquette et un coude. Le paysage va loin avant les arbres. Je crois que le ciel a mal à cause du rouge.
46 Après la chambre il y a un lavabo et des toilettes. La faïence a jauni comme les dents d’un cheval.
47 Celle du loup sont plus blanches
(47 bis où placer l’histoire de Blanche, c’est cette histoire dans l’histoire qu’il faudra raconter en laissant des trous ) 
48 Ici vous serez bien dit la dame.
49 J’aimerais juste m’assoir et dessiner.  
50 Puis elle montre le disjoncteur.
51 Des orages, oui ça arrive
52 Puis je vois un cheval dans le champ derrière la maison.
53 Elle ne l’a pas vu.
54 Je ne dis rien
54bis il faudra beaucoup se taire. Ter taire terre dent dans dedans
55 sur sa table de nuit il posait ses dents de secours
55 bis sa tête qu’il avait quand on l’avait fait toute belle pour la mort
56 comme si on peut dessiner des morts
57 elle demande à la dame si c’est sa mère qui vivait là avant, ce doit être à cause de la photographie dans le couloir
57 bis longtemps pour vivre elle avait retouché des photographies, mis des couleurs aux visages, ranimé des joues; on lui disait bleu ou verts les yeux, on lui disait Oui c’est ça exactement
58 ressemblances des vivants avec des morts
58 bis certains n’ont plus d’images pour se ressembler : ressembler ou rassembler
59 un âne et un cheval ce n’est pas pareil mais ça se ressemble
59 bis Anne sœur Anne ne vois tu rien venir
60 il y a des questions qu’on ne pose pas
61 je lui demanderai comment il est mort elle me répondra à sa façon en détournant le regard
62 est ce que je t’en pose moi des questions
63 c’est ce qu’on a oublié qui compte dit Pierre en respirant très fort
64 Un jour la maison brûlera
65 Un jour elle peindra des fleurs
66 c’est l’âge que j’ai à présent
67 dire oralement à l’écrit ce qui fut
67 l’auto affliction n’est pas un genre littéraire
68 La dame ressort elle a laissé la clé de la maison sur la table
68 bis être monté sur ressorts: un cheval mal débourré par exemple
69 après que la dame a quitté la maison elle ouvre sa petite valise et elle étend son linge celui de jour et celui de nuit sur le lit de la chambre à un seul lit qui donne sur la petite route; il n’y a plus de tracteur, on entend un train, loin
69 bis Histoire de rail et de mort.
70 Je me souviens de son visage ce jour-là avec le soir; nos souliers sur le perron; le couchant se couchant; juste un peu de vent; sa robe verte sur le fil comme une grande feuille s’absorbant dans le couchant
71 après quelle a fermé la maison elle a osé la clé sur table dans la coupelle de terre, nous sommes montés l’escalier grinçait
72 la première nuit j’eus des cauchemars à cause du cheval dans l’autre champ
73 l’histoire du cheval est une fausse piste
74 j’écris des histoires courtes pour faire une place à toutes les fausses pistes : contournement
75 l’enfant avait les doigts en sang; un bouquet de chardons c’est tout de même un bouquet
76 C’est encore loin l’Amérique : tais toi et nage
77 à Ellis Island elle avait perdu un carnet de dessin tout petit; elle avait regardé le ciel
78 quand quelqu’un se jette à l’eau l’eau ne garde pas trace de la chute
79 Le visage de la jeune fille qui a sauté du bateau a brulé plus tard avec toutes les images
80 le rapport entre les choses est à chercher ailleurs
81 dans la maison louée pour les vacances elle a sorti ses gouaches
82 la même pas la même : sa vie tue en pelotes

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

4 commentaires à propos de “#recto verso #15bis | avec ou sans suite”

  1. Merci Nathalie pour cette tresse des fragments et « cette histoire dans l’histoire qu’il faudra raconter en laissant des trous ». Grands mercis.

  2. C’est toujours un moment goûteux que celui où je lis ces fragments. Une réalité trimbalée frottée de poésie. Merci bien pour ces moments.

  3. On a envie de faire comme au restaurant chinois, de dire le numéro et puis de voir arriver le plat qui n’a rien à voir avec celui de la photo, qui sent quelque chose, qui fume. Je prendrais
    67 (qui m’obsède également)
    67 (conviction partagée)
    Et l’aveu de 75.
    Merci madame.

  4. La 15#bis appelle la #15 que je n’avais pas lue. Deux façons de foutoiriser les mots pour les donner à gueuler ou à susurrer, les déguster lentement ou les bouffer goulument. Tout est bon à prendre sans modération. Le fil se déroule, à nous de faire notre pelote. Merci Nathalie !