#mardis | Marée basse

Tous les jours, tu rentres en vélo. Au sommet du replat, ne plus pédaler. Laisser aller. Doucement, lentement, posément. Jusqu’à t’arrêter. Appuyer le vélo sur le piquet de la clôture et descendre le sentier, en marchant, doucement, lentement, posément. Souffler, respirer la mer, poser les yeux sur elle pour savoir où elle en est. Tu viens quand elle descend. Les vagues sont à peine des vagues, juste de fins draps d’eau remontés sur la plage avec un bord plus pâle et toutes ces vaguelettes montent à peine jusque-là, quand la suivante monte rechercher celle d’avant qui s’est aventurée à peine plus loin qu’elle. La mer descend doucement, lentement, posément. Alors tu la regardes descendre. Assise dans les herbes tout en haut de la plage, tu ne la déranges pas, il ne faut pas déranger la mer quand elle descend, il faut que la mer descende comme si tu n’étais pas là, doucement, lentement, posément. Ne plus bouger, presque plus respirer, ne faire aucun mouvement, tenir tes genoux sages enlacés dans tes bras. Et regarder la mer, la regarder descendre et ne plus la voir descendre, ne plus la voir bouger, se retirer, s’en aller, te laisser voir le fond, le dessous de la mer, jusqu’au fond de la mer où vient se déposer tout ce qui est dans la mer, mais qui n’est pas la mer. Tu regardes la mer descendre elle descend doucement, lentement posément, et tu voudrais vraiment qu’elle descende pour toujours, doucement, lentement, posément, qu’elle descende jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’eau dans la mer, jusqu’à ce qu’elle soit vide, sans plus aucune goutte d’eau. Alors tu en es sûre tu retrouverais ta mère qui est partie dans la mer doucement, lentement, posément.

A propos de Juliette Derimay

Juliette Derimay, lit avidement et écrit timidement, tout au bout d’un petit chemin dans la montagne en Savoie. Travaille dans un labo photo de tirages d’art. Construit doucement des liens entre les images des autres et ses propres textes. Entre autres. À retrouver sur son site les enlivreurs.