- Les mauvaises herbes dans les jardins n’ont-elle pas été assez aimées ?
- J’ai eu un jardin potager et j’adorais arracher les mauvaises herbes.
- Je les arrachais puis je les enfouissais dans la terre.
- Nos parents étaient très beaux au point que même nos ami.es venaient chez nous pour les voir, eux.
- Il y avait aussi beaucoup de terre sablonneuse dans le potager, c’était doux au toucher.
- Nos parents étaient très beaux et nous les quatre filles se sentions si laides, inexistantes, inutiles et de trop.
- Nous étions là pour les regarder, les admirer, nous étions leur public.
- Pour enfouir les mauvaises herbes, il faut vraiment beaucoup creuser, tourner et retourner la terre et creuser encore.
- Néanmoins, certaines mauvaises herbes peuvent être utilisées pour faire du bon compost.
- Le compost est bon à recycler, bon pour la terre.
- Un jardin de 100 m2 sert à nourrir une famille de quatre personnes.
- Nous étions invisibles ou trop envahissantes à leurs yeux mais nos regards étaient rivés sur eux.
- Lorsque l’on regarde d’en bas, on ne voit pas la réalité.
- Mon fils m’a dit un jour qu’il savait qu’il avait grandi car tout ce qui était présent chez nous lui paraissait maintenant si petit.
- Il est toujours mieux de s’agenouiller devant un petit enfant pour lui parler, les yeux dans les yeux.
- Il est souvent doux de s’agenouiller, c’est une posture agréable.
- Parfois, je suis follement émue devant une statue à genoux.
- C’est difficile de dessiner quelqu’un agenouillé.
- Je soupçonne mes parents d’avoir eu des enfants pour être contemplés.
- Les quatre filles du docteur March, c’est ainsi que notre père nous appelait, c’est ainsi qu’il nous imaginait et qu’il aimait à nous rêver. Selon la légende, il aurait rencontré notre mère qui travaillait en France chez Helena Rubinstein ou dans une maison d’édition à Londres ou peut-être était-ce à une soirée avec son frère, il l’avait rencontré, jeune anglaise, habillée de grandes bottes de cuir et d’un manteau en fourrure dans les années 70.
- C’est devant le tambour d’une machine à laver au lavomatique d’une rue parisienne qu’ils se seraient promis de vivre ensemble et de faire tout plein d’enfants roses et de vivre heureux.
- J’ai revu récemment le film de Greta Gerwig Les quatre filles du docteur March inspiré du roman de Louisa May Alcott. Devant le défilement d’images qui s’offraient à mon regard, je n’ai cessé de me demander à quels moments mon père nous avait vu ainsi. Est-ce parce que notre mère est anglaise et que nous étions à l’époque quatre filles qu’il fantasmait sur sa progéniture en omettant totalement la réalité qu’il avait devant les yeux ? Ou bien est-ce parce que l’image de ces quatre filles étaient l’idéal à ses yeux de ce que nous aurions dû devenir ? Ou son image à lui ? Père, héros, de quatre filles épanouies promises à un joli avenir au charme british.
- La terre du compost peut devenir pratiquement noir et c’est un bon signe.
- Cela prend du temps d’avoir un bon compostage.
- J’aimais bien faire les petits tas d’herbes.
- J’aimais bien les regarder se détériorer, se dessécher, presque s’effriter.
- Je les retournais régulièrement d’un côté et de l’autre.
- Il paraît que dans notre enfance, nous venions dans le lit parental le matin, prendre le petit déjeuner et faire des câlins, pas un seul souvenir, pas une image, aucun ressenti dans ma tête ou mon corps.
- Je regarde les photos de famille étalées devant moi et je m’interroge : où se logent les souvenirs qu’on n’a plus ?
- Comment pardonner l’impardonnable ? Est-ce obligatoire ?
- Les statues qui sont à genoux demandent-elles pardon ?
- J’essaie de me souvenir d’un lieu où j’en ai vu une, chez Camille Claudel peut-être ?
- Camille Claudel pour moi c’est Isabelle Adjani.
- Pourtant je n’aime pas beaucoup cette actrice, Isabelle Adjani mais elle était une excellente Camille Claudel.
- C’est une scène de ce film que j’ai présenté au concours du conservatoire de théâtre.
- J’ai eu une très bonne note.
- J’avais tellement de colère en moi, de tristesse aussi, à l’époque.
- J’étais douée pour crier et supplier.
- Et je pense que c’est lorsque je suis tombée à genoux sur scène que j’ai eu le concours.
- Je n’avais plus rien à perdre et j’ai tout donné.
- Le bon compost sert à la régénération de la terre, c’est utile.
- J’ai aimé avoir un jardin potager même si il y avait des mauvaises herbes.
- J’allais les enlever à six heures du matin pour ne pas me faire attraper par les membres du bureau.
- Dans les associations de jardins familiaux, on vous envoie des lettres d’avertissements si vous avez des mauvaises herbes.
- Pour mes parents, nous étions les mauvaises herbes ou les vilains petits canards, cela dépendait des jours.
- Tu ne dois pas tuer tes parents mais ont-ils eu conscience de nous avoir un peu fait mourir et ne devraient-ils pas payer en retour ?
- Je me suis débarrassé de leurs miasmes, je me suis débarrassé de tout ce qui est eux.
- Je voulais qu’ils deviennent des petits pois que l’on pousserait d’une pichenette, allez allez rouler plus loin, allez jouer dans le jardin comme ils aimaient à dire pour ne plus nous voir.
- Au bout de la troisième lettre d’avertissement, j’ai écrit à mon tour, une lettre enflammée au président de l’association.
- On s’est rencontrés et nous sommes devenus très amis.
- Plus tard, j’en ai fait un spectacle des jardins et j’ai lu sur scène les lettres d’avertissements, c’était génial on en a bien ri ensemble.
- Creuser la terre pour enfouir les mauvaises herbes, creuser des trous pour enfouir les morts.
- Je les ai enterré avant leurs morts.
# Mardi 14/10/2025 |On aimerait.
On aimerait s’élever, on aimerait. On aimerait toucher les cieux, on aimerait. On aimerait être au sommet, on aimerait. On aimerait sentir le vent et se sentir porté. On aimerait s’envoler et filer et raser de près les nuages et devenir oiseau, devenir. On aimerait. On aimerait. Que le corps ne soit plus roi, que le corps ne soit plus Continuer la lecture # Mardi 14/10/2025 |On aimerait.
