#boost #13 / Becket / me te se… je tu il… parle

Allongé. Encore. Le dos au drap ou le drap au dos peu importe, à quoi bon distinguer. Rien ne bouge sauf ce qui ne peut s’en empêcher. Les paupières parfois haut bas ça passe le temps. Ou l’illusion. Le noir le presque noir puis encore plus noir. Et puis pas. Un soupir sans souffle de dedans pas tout à fait Continuer la lecture #boost #13 / Becket / me te se… je tu il… parle

#boost #12 / Micolet / Chez Éric ou bien Chez Julia ?

Codicille : exercice difficile je ne sais si je suis entrée quelque part… chez Éric ou chez Julia  Chez Éric ?Non, avant.C’était chez Julia. Oui, c’est ça. Le taureau comme signe.Un taureauà Montfuron, pays des moutonset des pignons —menu provençal promis. À notre palais urbain,à notre palais rustique,à nos palais qui cherchent encore. On descendles marches en pierrefendue, pour ne pas se cognerla tête —voûte basse, cave vieillede plusieurs siècles,restaurée en restaurant. Odeur de thym dans les pierres,mobilier rustique,bois de chêne vert. Ils poussentcomme les petits painsde la multiplication — ou les souvenirs — de table en table,les voixmontent comme la conduction de la chaleur des platsdans les nappes à carreauxet les verres humides. Julia rit,nonc’est quelqu’un d’autre ? Un regard,un taureau sur l’étiquettede la bouteille. AOC.Montfuron rouge.Ne pas trop en boire. La voûte tangue.Tu te souviens ?Moi, non. Justele boiscontre la joue. Une pierrefroide,sous la main. Et cette voix,loinqui dit encore : tu sais,c’était avant.Chez Julia. Chez Julia,c’était haut,oui — vue large,le ciel piquéd’antennes et de martinets. Des collines à perte d’œil,le vent dans les oliviers,des pins noueux comme des veines. Le soirs’étiraitdans les pierres chaudes. On voyait loin,au-delà du champ,le Luberon comme un silence. Parfois des brebis,des cloches —et rien d’autre. Puis —plus tard, peut-être des étés après —c’est devenu chez Éric. Chez Éric,la vue butesur une haie bien taillée. Continuer la lecture #boost #12 / Micolet / Chez Éric ou bien Chez Julia ?

#boost #11ter | Manuela Draeger |  à chacun sa nuit

Cristal Je ne savais pas qu’on pouvait perdre les yeux de quelqu’un. Je les cherchais, pourtant, dans chaque flaque, chaque spirale de brume. J’avais glissé ma main dans la tienne comme on glisse un fil dans une aiguille, pour recoudre le bout de la nuit. Mais le rideau ne s’est jamais levé. Le marchand de rêves nous a pris nos jours. On les lui a offerts, pliés en quatre, entre des  morceaux de silence. Depuis, je marche. Les arbres me parlent, mais à l’envers. Je trébuche sur des souvenirs qui font des bulles, et je ne sais jamais s’ils viennent de moi ou de toi. Quand l’oiseau au bec d’argent a chanté, j’ai cru que tu allais répondre. Mais tu n’as pas  répondu.Alors elle est venue. La fille brumeuse. Elle portait mes secrets dans ses poches.Elle m’a tendu un mot : « Cristal ». Il s’est collé à mon palais comme un éclat d’hiver. Depuis, je parle avec précaution.Depuis, chaque mot que je ne dis pas me grandit. Cendre Je ne cherchais pas ses yeux. Je fuyais les miens.Je marchais parce qu’il fallait marcher. À chaque pas, je croyais m’éloigner du cri.Mais la terre était molle, pâteuse. Elle suintait comme une plaie mal refermée. Les histoires anciennes nous suivaient à la trace. Elles rampaient dans les racines, coulaient le long des branches.Je voyais des bulles éclater dans la boue, pleines de visages flous, de voix étouffées.Tout ce que je ne voulais plus entendre. Tout ce qui collait aux chaussures de l’oubli. Et puis il y eut l’oiseau. Muet d’abord. Puis chantant une phrase incomplète. Je reconnus la mélodie :c’était celle de nos jeux d’enfants, quand on croyait encore que rien ne mourait. Elle est venue. Elle était faite de rien, de brume et de nerfs, et pourtant, elle pesait.Elle m’a donné un mot : « Cendre ». Il avait le goût d’un adieu qu’on garde dans la bouche.Je l’ai avalé. Depuis, je deviens transparente. Le narrateur Ils marchaient dans le même paysage, mais ne se voyaient plus.Cristal avait la mémoire fragile. Cendre, la mémoire trop lourde.Entre eux, le marais faisait son travail de silence. Il avalait les cris, recrachait les images. Je les observais de loin, comme on lit une carte sans légende.Le sol retenait leurs empreintes, mais refusait de les suivre.Ils croisaient les mêmes arbres, les mêmes oiseaux muets,mais chacun les entendait différemment. C’était un territoire aux langues multiples.Ils ne marchaient pas dans le même conte ou bien ne le savaient-ils pas. Quand la fille de brume est apparue, j’ai compris que ce n’était pas un piège,mais une épreuve douce, une initiation en clair-obscur.Elle ne parlait pas vraiment, elle murmurait dans les os.Je la vis leur donner un mot à chacun — des mots faits pour tenir le cœur en équilibre. Puis elle disparut, dans un souffle de nuit froissée.Et moi, je restai là, à les regarder continuer.Leur silence disait tout.Leur solitude était pleine.Ils avaient traversé ensemble, leurs ombres ne s’étaient jamais croisées.

#boost #11bis | Manuella Draeger | la disparition

Les jours commencèrent à trembler bien avant qu’ils ne disparaissent. Certains se cassaient en miettes dans les poches, d’autres fondaient en couleurs pâles au fond des bols. Nous tentâmes de les recoller, de les raviver à coups de sabliers renversés ou de lait tiède, mais ils toussaient déjà des heures creuses. La montre du mur s’excusa. Les réveils perdirent la Continuer la lecture #boost #11bis | Manuella Draeger | la disparition

#boost #11 | Manuella Draeger | la gouille aux spirales

Codicille : ce que l’imagination doit à notre histoire… Que j’eus perdu ses yeux en spirales, au fond desquels je cherchai ma route, dans cette boue du bout de la nuit… cette nuit eut-elle un bout que je pus atteindre, si nos mains siamoises avaient pu l’ourler, comme on coud un rideau, trop lent, qui se lèverait sur la prochaine scène Continuer la lecture #boost #11 | Manuella Draeger | la gouille aux spirales

#boost #10 | Saint John Perse | ici et là

Ici Codicille, et là, la refonte des histoires ; en brassée d’ombres, dans le cri – gorge fendue de la terre – une porte qui s’ouvre telle une tête en un crâne dressé contre le vent noir de l’effacement, elle se tient là, face à la peur de l’inexistence partie à la recherche de l’étincelle première : le verbe et la lever Continuer la lecture #boost #10 | Saint John Perse | ici et là

#boost #09 | Kafka | ça brûle

Codicille : Parfois ça pique souvent ça brûle J’ai vécu des moments incendiaires la déflagration d’un volcan intime sans nom qui ronge les os consume les gestes lave les corps dans un feu doux et brutal la chaleur s’infiltre creuse s’accroche brûle le centre de la poitrine plus de repères plus d’horloge — une révolte contre le temps contre l’idée même Continuer la lecture #boost #09 | Kafka | ça brûle

#boost #08 | Michaux | la balade des moments Codicille : c’est fou ce que le temps pose comme questions  Un moment qui rencontre un autre moment, collusion ou collision ? Le langage d’un moment vernaculaire, celui d’une tribu perdue D’un moment à l’autre, ces silences entre eux quand on ne sait plus si on respire encore Quand un moment d’attente est Continuer la lecture

#boost #08 | Michaux | la balade des moments suite 1

Codicille : c’est fou ce que le temps pose comme questions  Un moment qui rencontre un autre moment, collusion ou collision ? Le langage d’un moment vernaculaire, celui d’une tribu perdue D’un moment à l’autre, ces silences entre eux quand on ne sait plus si on respire encore Quand un moment d’attente est plus long que l’ennui Un moment suspendu dans le Continuer la lecture #boost #08 | Michaux | la balade des moments suite 1

#boost #08 | Michaux | la balade des moments

Codicille : c’est fou ce que le temps pose comme questions  Un moment qui rencontre un autre moment, collusion ou collision ? Le langage d’un moment vernaculaire, celui d’une tribu perdue D’un moment à l’autre, ces silences entre eux quand on ne sait plus si on respire encore Quand un moment d’attente est plus long que l’ennui Un moment suspendu dans le Continuer la lecture #boost #08 | Michaux | la balade des moments