#été2023 #00 | prologue

Pour le protéger ses parents lui raconte une histoire, un conte de sa propre existence épuré de tous les dangers qui grondent. C’est l’enfant de ce livre qui s’étonne de ce qui se passe autour de lui, en lui et qui s’en étonne encore et m’entraine, c’est lui ou c’est moi suivant les instants. L’un comme l’autre, nous avons habité de nombreuses maisons, vécu de nombreuses vies. Ensemble nous avons trouvé la surprise du premier regard, l’émerveillement, l’innocence ; que nos regards émergent de l’obscurité pour que des mots choisis se révèlent, que des phrases se couvrent  de lettres. Si nos récits poussent sur le terreau de nos souvenirs de prime jeunesse,  dès que nous les ornons d’expériences tardives nous risquons de tout noyer dans un océan aux vagues contradictoires. Pour commencer je me retrouve les bras ballants, à la recherche de sensations, de visions que les mots ne sont pas, peuvent-ils juste en donner l’illusion ; et la certitude que nous aurons cette force pour raconter quelque chose, ne repose sur rien. Pourtant ce livre offert à un autre m’a été partagé comme une offrande qui me revenait sans conteste, une indication silencieuse autant que son histoire qui ne se raconte que par ce qui n’est pas écrit, comme les stigmates sur le bras de mon père sont recouverts d’une absence de paroles. Il m’a manqué le préambule à mes origines, mes peurs s’en sont emparé. J’ai pu les soirs me glisser sous les draps et dans la peau de ce personnage, sans excès de prudence pour ne pas effacer l’essentiel, la douceur de l’enfance comme une échappée belle. Je me suis aussi souvenue de ma visite un mois de novembre « au camp » qu’on ne nommait pas, de mon passage au cimetière parisien, sortie à la station Barbara, ça ne s’invente pas. De cette magnifique traversée printanière parmi les tombes, aux inscriptions de noms qui nous rassemblent… de la chaleur du soleil apaisant nos blessures.

6 commentaires à propos de “#été2023 #00 | prologue”

  1. Magnifique ! « et la certitude que nous aurons cette force pour raconter qqch ne repose sur rien », « une histoire qui ne se raconte que par ce qui n’est pas écrit », merci Raymonde. Inspirant.

  2. « C’est l’enfant de ce livre qui s’étonne de ce qui se passe autour de lui, en lui et qui s’en étonne encore et m’entraine, c’est lui ou c’est moi suivant les instants […]. Pour commencer je me retrouve les bras ballants, à la recherche de sensations, de visions que les mots ne sont pas, peuvent-ils juste en donner l’illusion ; et la certitude que nous aurons cette force pour raconter quelque chose, ne repose sur rien. Pourtant ce livre offert à un autre m’a été partagé comme une offrande qui me revenait sans conteste, une indication silencieuse […] Il m’a manqué le préambule à mes origines, mes peurs s’en sont emparé. J’ai pu les soirs me glisser sous les draps et dans la peau de ce personnage, sans excès de prudence pour ne pas effacer l’essentiel, la douceur de l’enfance comme une échappée belle. […] Je me suis aussi souvenue de ma visite un mois de novembre « au camp » qu’on ne nommait pas, de mon passage au cimetière parisien, sortie à la station Barbara, ça ne s’invente pas. ».
    Un livre qui raconte l’histoire d’un père écouté par sa fille par personnage interposé, un livre de retrouvailles qui vous « revenait sans conteste ». Un livre à réécrire au présent ?

  3. douce lecture avec beaucoup de silence
    j’ai retenu : « J’ai pu les soirs me glisser sous les draps et dans la peau de ce personnage, sans excès de prudence pour ne pas effacer l’essentiel, la douceur de l’enfance comme une échappée belle. »
    Merci d’exprimer cette difficulté d’entrer dans le personnage pour le partager avec nous tous…

    • Merci Françoise pour vos appels au partage, celui du temps est universel et totalement subjectif.

  4. et bien je pensais, tout en vous lisant: en dire trop ou ne pas en dire assez, et je me le suis répété,en aparté, pour ne pas l’entendre trop mais assez tout de même : en dire trop ou pas assez, en dire trop ou pas assez, comme une petite chanson, et c’était un rythme, et ce fut peu à peu et tout à fait soudain le même rythme que ce que je lisais, je vous accompagnais en chantonnant en aparté. en chantonnant sans excès de prudence, mon Dieu, une bien jolie cadence…