
Flash-back. Extirper d’un tiroir un carnet Moleskine noir format 9×14. Feuilleter rapidement pour retrouver l’année de celui-ci et laisser tous les autres enfermés dans l’obscurité et l’oubli. Ce qui y est écrit remonte à presque vingt ans. Sur les trois premières pages je relie des notes sur une conférence d’un maître tibétain. Depuis, je me suis débarrassée de tous ses livres, dont un bestseller qui était jusque-là en bonne place dans ma bibliothèque. Des révélations à la fin de sa vie sur ses pervers travers tachaient ses écrits au point de chasser sa présence par ses mots de ma maison. Rien à voir avec les rendez-vous notés, au milieu de citations, de références de livres, de numéros de téléphone, de noms et de prénoms qui ne me disent plus rien, sur les autres pages du carnet. 26 mai 15 h/2 juin 12h30/9 juin 12h/16 juin 13h30/23 juin 12h/30 juin 12h/21 juillet 12h/27 juillet 12 h…tous les jeudis, ou presque, quelque part dans le cinquième arrondissement, métro Jussieu, une petite rue pavée, calme, en pente douce, des immeubles d’un autre temps, une grande porte en bois bleu marine, code 5426. Je déchiffre quelques mots, des bribes de phrases inscrits près de certaines dates après le rendez-vous. Dans les dernières pages du carnet, une nouvelle année s’annonce et je lis à côté d’un des rendez-vous du mois de janvier : finir mon livre et commencer une série de nouvelles . Des souvenirs m’envahissent. Je laisse mon corps s’affaisser dans le fauteuil. Le carnet glisse de mes doigts et tombe à terre, presque sans bruit. Je ferme les yeux. Je suis là-bas, dans cette pièce au premier étage d’un immeuble sur cour, je pourrai en décrire tous les recoins, d’une sobriété accueillante, je suis assise face à la fenêtre et dans une très légère diagonale est assise celle avec qui pendant une heure chaque semaine de ces deux années je vais parler et me taire, rire et pleurer, m’effondrer, m’endormir pour de vrai ou me laisser glisser dans un état hypnotique du fond duquel je sortirai tantôt épuisée, comme je présume après un marathon, tantôt rechargée comme une pile au meilleur de sa puissance. Alors parvient de ma mémoire une expérience, aujourd’hui utilisée en coaching et détournée de son sens initial, née de pratiques fort anciennes. Il s’agissait dans le cadre de cette therapeia d’un échange rapide et spontané de questions réponses avec l’utilisation du mot pourquoi et de laisser l’intellect glisser vers le non savoir. A un moment, souvent inattendu, le silence s’imposait, comme un juste temps de laisser le corps être là pleinement, et de laisser se réaliser à travers lui et l’espace autour comme une « redistribution des cartes ». Ce silence, ni lourd ni léger, à l’œuvre de quelque création indicible, invisible, prenait alors toute la place, tout le temps nécessaire. Une fois dehors le quotidien de la vie reprenait son cours. Depuis, le livre a été achevé, publié, oublié et des nouvelles ont été écrites.
Pourquoi chercher la paix intérieure
Parce qu’on y trouve le silence et plus personne ne parle
Pourquoi plus personne ne parle
Parce que tout se tait le mental surtout
Pourquoi faire taire le mental
Parce qu’il cherche toujours une explication une solution
Pourquoi chercher une explication
Parce que l’humain a besoin de réponses pour vivre
Pourquoi ce besoin de réponses
Parce que les solutions et les réponses rassurent
Pourquoi elles rassurent
Parce que sinon c’est la peur qui gagne
Pourquoi la peur arrive
Parce que le vide fait peur comme au bord d’une falaise
Pourquoi la peur au bord du vide
Parce que c’est la peur de l’inconnu
Pourquoi le connu sécurise
Parce qu’il fait du bruit et évite le silence
Pourquoi faire silence
Parce que dans le silence on peut faire le vide
Pourquoi faire le vide
Parce que dans le vide on voit tout sans besoin de savoir
Pourquoi tout n’est pas visible
Parce que l’univers et ses mystères
Pourquoi des mystères autour du visible
Parce que c’est comme la fleur qui apparait et l’humain cherche pourquoi
Pourquoi l’humain cherche la raison de la fleur
Parce qu’il veut toujours comprendre, alors il parle il écrit
Pourquoi il fait cela
Parce que sinon il pense qu’il pas de raison d’être, comme la fleur est sans raison
Pourquoi une raison à l’existence
Je ne sais pas Je ne sais pas…
Ferme les yeux…
Etonnée par les 3 parties. Séduite. Des étoiles dans la voix…. aussi dans mes oreilles.
…. Merci !!