#histoire #12 | Hostel & Motel

Saguenay
Il traîne sa valise, ses pas crissent sur la neige. Il avance vers les néons rouges qui clignotent « Motel panoramique ». Il pousse la double porte. Presque toutes les chambres donnent sur la rivière Saguenay. Il monte l’escalier en métal. La valise cogne contre chaque marche. Sur la coursive extérieure, ses pas résonnent, et dans un son grave, les roues de la valise font vibrer la passerelle. Le vent glacial le saisit. Il examine les portes en bois, cherche le numéro de sa chambre. La clé magnétique débloque la porte. Il tape des pieds avant d’entrer pour nettoyer ses semelles. L’intérieur est fonctionnel. Un lit double, un petit bureau contre le mur sous la télévision, une table ronde et deux chaises, le tout en bois clair. Au sol, un revêtement en PVC imite le parquet et absorbe le bruit de ses pas. Dans la salle de bains, une baignoire en émail, un lavabo et des toilettes. Il se retourne vers la chambre. La climatisation encastrée dans le mur souffle de l’air tiédasse. Il augmente le thermostat. Sur le bureau, une bouilloire et quelques sachets de thé. Il écarte le voilage de la fenêtre. Il ne voit pas très loin, la neige tombe à gros flocons. Il tire les doubles rideaux.

Istanbul
Le taxi te dépose devant l’hôtel, dans le quartier de Beyoğlu, à deux rues de l’avenue Istiklal, pas très loin de St.Antuan Kilisesi1. La porte-tambour en verre fumé tourne avec lenteur. Un souffle tiède t’enveloppe dès le seuil franchi et contraste avec l’air vif de novembre qui te piquait les joues.
Le hall s’ouvre sur une cinquantaine de mètres carrés. Le sol recouvert de marbre beige veiné de gris reflète la lumière des suspensions de laiton pendues au plafond. Deux fauteuils en velours bordeaux encadrent une table basse en bois sombre où traînent de vieux magazines. Au mur, des reproductions de calligraphies ottomanes alternent avec des miroirs étroits aux cadres dorés.
En avançant tu ne peux t’empêcher d’observer les clients : un couple de Français quadragénaires, doudounes pliées sur le bras, consultent un plan de la ville ; une famille allemande avec trois enfants aux cheveux de paille attend sa clé de chambre, les parents fatigués par le vol sont assis sur un canapé, les enfants surexcités courent autour des valises. Kinder, es reicht. Matthias setzt sich zu dir2. Un homme seul, la soixantaine, cheveux gris tirés en arrière, col roulé sous une veste en velours côtelé, répond à son téléphone portable. Merhaba nasılsın ? Oteldeyim, seni bekliyorum 3. Rien qui évoque le travail, ni costume ni attaché-case.
Derrière le comptoir en marbre noir, une jeune femme d’une trentaine d’années, cheveux châtains noués en chignon strict, te sourit. Elle porte un tailleur anthracite et un foulard en soie prune autour du cou. Elle a de faux ongles si longs qu’elle saisit les objets d’une étrange manière.
Le garçon d’étage qui s’avance vers ta valise doit la vingtaine. Mince, presque maigre, costume bordeaux un peu trop large aux épaules, une chemise blanche et un nœud papillon noir. Une fine moustache au-dessus de la lèvre supérieure. Il saisit la poignée de ta valise avec empressement. Tu le suis et tu remarques sur ta gauche, un panneau en laiton sur lequel est écrit « Restoran 1. kat – Restaurant — 1st floor ».

1 Eglise Saint-Antoine de Padoue
2 Les enfants, ça suffit. Matthias vient t’assoir.
3 Je suis à l’hôtel, je t’attends.

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