#rectorerso #04 | je reviens, encore

Ce que l’on sait. Ce que l’on invente. Ce que l’on ressent. Les départs, les enfants endormis, les promesses.

Je me demande pourquoi les enfants endormis me poursuivent.

Corbera le nom. Corbera le lieu réel. Le papier peint. Les gestes. Les silences, le manque. Les absents. Les fantômes. Des peurs. Les répétitions. J’entends les voix basses dans la cuisine, les objets qui parlent, les silences. Il y a les mains qui plient, les mains qui rangent, les détails et l’odeur du placard. Les restes. Ce qui colle aux mains, ce qui colle à l’enfance.

Je me demande comment écrire le silence sans le trahir.

Les photographies. Les visages. Les regards. Le grain. Les énigmes. Les hypothèses. Un nom sans histoire. Un corps manquant. Les dates, les archives, leurs promesses, leurs impasses. La mémoire en chacun de nous, ce qu’on a appris.

Je me demande que faire d’un souvenir qui n’est pas tout à fait le mien.

Il y a des des portes cochères, des cages d’escaliers, des plaques posées sur les immeubles. Le cinéma. La tombe de Melville. Une tâche de fuel irisée par la pluie. 

Je me demande que faire des seuils, des portes cochères, des paliers, des cimetières.

Il me faut la Corse, les ferries, l’horizon, les îles. Le bruit des vagues. Il me faut des pierres, la chaleur, des nuits blanches et l’aube qui vient. Le sel. 
Une chambre d’enfance.
Je me demande ce qu’on quitte quand on prend un ferry.

La mémoire dans le corps. Les odeurs de peau, de café, de cigarette. Le velours. Les fragments. Ce que j’oublie.

Je me demande quoi faire de tout cela.

Je reviens, encore, je ressasse et je ne referme rien.


(aurais aimé aller plus loin, mais obligations ce we, et pas envie de me laisser distancer, on verra)

A propos de Caroline Diaz

Née un 1er janvier à Alger, enfant voyageuse malgré moi. Formée à la couleur et au motif, plusieurs participations à la revue D’ici là. Je commence à écrire en 2018 en menant un travail à partir de photographies de mon père disparu, aujourd'hui c'est un livre, Comanche. https://lesheurescreuses.net/

8 commentaires à propos de “#rectorerso #04 | je reviens, encore”

  1. Je me demande, en fait, si un souvenir appartient à quelqu’un. Dire qu’il est et qu’on l’attrape comme un papillon avant de le relâcher et le regarder s’envoler. Très mental, de la matière qui coule comme un ruisseau de réflexions. Aurais visité plus loin, aussi. Merci.

  2. L’emprise, c’est ça, tout à fait ça : un truc lancinant, toujours là, toujours présent en nous qui nous dicte nos mots. Merci de l’avoir si bien dite.

  3. Je me demande que faire d’un souvenir qui n’est pas tout à fait le mien. A qui appartiennent les souvenirs et a fortiori les souvenirs de famille. Question universelle qui nous renvoie aux nôtres de souvenirs.
    Merci Caroline

  4. C’est tout simple et c’est puissant cette façon de dire sans vouloir presque y toucher. Merci

  5. « Je me demande que faire d’un souvenir qui n’est pas tout à fait le mien. » Quelle belle question ( et les enfants endormis j’y pensais justement hier pour ses 31 ans ce corps tout petit la tête qui pèse dans le creux de l’épaule )

  6. Un écho en écho des échos,
    Encore en pelotes les fils, mais les teintes et textures à ta disposition,
    Belle suite,
    Cat

  7. Comme dans plusieurs commentaires ci-dessus, « Je me demande que faire d’un souvenir qui n’est pas tout à fait le mien. » m’a interpelée, parce que c’est cela que tu fais, que tu travailles, qui te travailles, et que tu le fais bien. Bon courage avec cette matière qui lève !