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2020.12.07 | station-service l’Étoile du Sud

une autre date au hasard :
2013.12.05 | nature morte hôtel Cergy
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C’était le 26 mars 2015. Je devais faire une lecture le soir à la petite école d’arts de Chatellerault, peut-être à partir d’Autobiographie des objets. C’est une envie que j’avais depuis longtemps : au lieu des 40 minutes d’autoroute, je prends par la vieille Nationale 10, donc 65 kilomètres, mais voir ici voyage au bout de l’Indre-et-Loire et 3h50 et 415 photographies.

Quand je suis passé devant l’Étoile du Sud, à la sortie de Sainte-Maure en Touraine, j’ai tout de suite reconnu une station vue parmi les photos en ligne d’Eric Tabuchi. J’apprendrai en fouillant, au retour, et en mettant en ligne une sélection de mes images, qu’il s’agit d’une de ces stations OZO, au design futuriste, lancées début des années 50, et qu’il y en avait plus de 120 sur le territoire national, reconnaissable à leur auvent. Une procédure de classement a été mise en place pour certaines, dont celle-ci.

Et je la retrouve dans l’Atlas des régions naturelles lancé tout dernièrement par Eric Tabuchi et Nelly Monnier (sur la carte en page d’accueil de l’Atlas, chercher « plateau de Sainte-Maur » puis « recherche ». D’où les questions que pose ma vidéo sur l’Atlas : Eric photographie sous un angle très « neutre » (le mot ne lui conviendra pas), en tout cas « documentaire » (le mot conviendra mieux), et, parce que l’Atlas c’est des milliers de photos, chacune lestée de tags qui les rendent « cherchables » (on n’a pas encore d’équivalent à l’anglais searchable pourtant organiquement lié à notre utilisation des bases de données), il reste à même distance, n’approche pas, n’entre pas : la frustration de ne jamais approcher est sans doute un des éléments qui nous lie le plus affectivement à l’Atlas.

Mon autre question en découle : devant un tel objet, la pulsion de photographier est sans doute la même. Mais je ne m’oriente pas vers un inventaire ou une série de photos sur le même thème, par contre je constitue en série ma relation à cet objet particulier. Sur mon LightRoom du 28 mars 2015, je compte 26 images de l’Étoile du Sud, en voici 10. Ou bien : est-ce que j’en fais trop sur LightRoom justement parce que je ne sais pas assez voir ?

De quoi rêver à un Atlas des régions naturelles où chaque photo nous permettrait d’entrer, basculer le cadre comme dans une photo 360 ? L’autre question posée par la vidéo est celle-ci : je reçois et déballe une magnifique photo achetée sur le site, une photo que je considère emblématique. Le tirage n’a rien à voir avec l’image présente en ligne : leur résolution, le côté juste sorti de la carte SD (je ne sais même pas avec quel type de boîtier travaille Eric), alors que ce que je mets en ligne, de mon côté, c’est ce qui émerge de l’image au moment où je la « développe » dans LightRoom.

Confinement oblige (c’est à 35 km), je ne suis pas retourné voir, à 7 ans de distance, ce que devient l’Étoile du Sud. Peur aussi que la ruine domine. N’empêche, même si je re-photographiais (et je suis bien mieux équipé qu’à l’époque), ce sont celles-ci qui compteront toujours, pas celles que je pourrais refaire.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 7 décembre 2020
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