# 40 Jours # 38 | Les lignes de partage des mots

« Car l’eau est partout, dans les sols, dans les nappes, dans l’air, circulant, s’infiltrant, s’infiltrant, s’évaporant entre eux, désignant leur interdépendance, nous faisant  rêver à leur solidarité. La ligne de partage des eaux n’est donc pas seulement cette ligne géographique qui sépare des bassins versants mais elle est aussi la ligne politique qui relie des individus et des groupes qui ont quelque chose en partage : de l’eau, un territoire, un paysage.« 

Extrait SYNOPSIS Documentaire Dominique Marchais
La ligne de partage des eaux  2014

Transvasement

La captation des mots, comme la captation des eaux ou des terres est l’une des plus grandes préoccupations humaines depuis l’aube des temps. Pour autant, faudrait -il un protocole pour les suivre dans les tuyaux souvent peu étanches ? Mathilde ne fait que se souvenir de tout ce qu’elle a entendu et constaté depuis sa naissance à ce propos. Elle a toujours été fascinée par les circuits de l’eau, conduites forcées ou au contraire recueil de l’eau de source comme en montagne, avec un simple morceau de bois creux. En ville les fontaines sont rares et elles sont hyperchlorées; rien n’y pousse depuis longtemps, la ville n’aime pas la mousse et économise l’eau. Dans les vieux villages, l’eau publique reste aujourd’hui rationnée, mais elle n’est pas souvent potable, il faudrait faire des analyses souvent et ça coûte trop cher. Il suffit d’un cadavre d’animal pour empester la bonne manne et les odeurs suspectes alarment facilement. En montagne on est encore au Paradis, mais pour combien de temps. Les hommes et les animaux se disputent l’espace, et ils ont des vilains mots pour se parler de territoire et de prairies gardées. Tout cela ne prête guère à l’optimisme et à la naïveté. Mathilde le sait.Certaines frontières sont aussi des fleuves, c’est pourtant la même eau et les mêmes hommes. Allez comprendre !

La ligne de partage des eaux, c’est aussi un livre à la Passe du Vent de Fabienne SWIATLY,en 2011, toujours ce peu de pages et ce volcan d’émotions… Un livre dans un corps de femme…

Mise en bouteille

Om (ou Aum ॐ) est un des symboles les plus sacrés de l’hindouisme : il est utilisé comme préfixe et parfois suffixe aux mantras hindous. Il est considéré comme la vibration divine primitive de l’Univers qui représente toute l’existence ; ainsi : « La syllabe Om est Brahman.

Ainsi, faire vibrer « OM » ou « AUM » ensemble en début et/ou fin de pratique permet de retrouver ce processus créateur à l’origine de tout, de chacun d’entre nous, de notre monde, de notre univers. Les vibrations s’unissent et au-delà s’unissent aussi les consciences individuelles vers la conscience universelle

WIKI DICTIONNAIRE
OM OM OM

sous le soleil implacablement

Marco rit nerveusement ce matin, en écoutant une vidéo, il entend une voix qui dit OM OM OM , quelqu’un qui parle des Hommes ? Hommes en général, dont femmes incluses Je vais me remettre à la méditation se dit-il. Avec la chaleur écrabouillante de Juillet , même les chats hésitent à partir se promener dans les jardins. Chat noir corbeau collier rouge, tu ne le connais pas. Ici les frontières entre les propriétés , les immeubles n’existent pas pour les matous en chaleur, sauf quand on les enferme après castration pour en faire des chats boudhas. Mais il existe des nourritures light pour les chat.e.s, alors même que des milliards d’êtres humains ne mangent pas à leur faim. Ces dernières années en France, en plus des migrants et des SDF, c’étaient des étudiant.e.s qui émargeaient à ce qu’on appelait autrefois la soupe populaire. Les restaus du coeur et toutes sortes d »associations à l’affût des gaspillages ont pris le relais, mais autant vouloir remplir sans cesse le tonneau des Danaïdes, l’inégalité d’accès aux ressources est devenue arrogante et puante. On est revenus aux temps de la Comtesse de Ségur et de ses pauvres à caresser et instrumentaliser. Le nivellement par la guerre, n’y compter pas trop; sauf pour les opportunistes, et il n’en manque jamais la frontière entre solidarité et profit qui est parfois très ambigue, il suffit que la matière première soit confisquée quelque part.

Marco n’a pas trop le moral ce matin, il a encore rêvé de camp, en fait non, il a rêvé de l’aéroport de Francfort et du passage douanier, de la langue allemande gutturale et de la sévérité parfois rigolarde des contrôleurs, de ce grand homme noir, très bien habillé, très poli, à qui on demande d’enlever sa ceinture, et qui se retrouve à retenir son pantalon… Scène flash qui redouble les souvenirs de maltraitances nazies… Un copié-collé de l’ignominie perpétuelle, les scènes de prison, la fouille au corps, l’intrusion, l’humiliation…. Frontière égale ségrégation, racisme, corruption, tous ces mots viennent facilement dans la tête. Mathilde lui a rencontré cette histoire et voilà qu’il en a cauchemardé… Elle s’est même souvenu de ce film avec les files indiennes de déporté.e.s tondu.es, séparé.e. s par sexe ? montrant leurs mains aux SS et ensuite trié.e.s pour la mort ou le travail, c’était dans un film… ARBEIT SCHNELL , ces mots résonnent dans la tête de Mathilde comme des coups de poignard. Marco ne peut pas comprendre tout à fait, il n’a pas la langue ennemie dans le crâne comme elle, elle dit qu’elle ne pourra jamais pardonner. Marco se tait quand elle parle de cela. Il ne peut pas la soulager de ce poids. Il la laisse pleurer ou se mettre en colère sourdement; c’est comme une eau noire qui s’écoule de sa bouche , elle ne la retient pas.

Marco a réussi à téléphoner à Géraldine avant de quitter la ville. Plus que jamais , il faut qu’ils se parlent.

canicule féline

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A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

4 commentaires à propos de “# 40 Jours # 38 | Les lignes de partage des mots”

  1. m’est revenu en mémoire « le Partage des eaux » d’Alejo Carpentier, livre onirique que j’avais adoré dans ma jeunesse, toujours dans ma bibliothèque… (pas par le contenu, juste à travers les mots cités au commencement)
    et tu développes ton fil avec tes personnages, un peu en marge de la proposition, mais toujours relié quand même
    ai aimé ton évocation des chats et de leurs territoires sans frontières
    dire aussi que ce Marco est très émouvant…

  2. Merci pour cette référence que je ne connaissais pas. Contente de découvrir sa présentation un peu au hasard sur internet : Fuyant New York et la civilisation, un musicien gagne la forêt vierge du Venezuela. Ainsi commence une série d’aventures fabuleuses d’où s’élèvent, comme d’une symphonie, les grands thèmes de New York, de la Forêt, de l’Eau, de la Révolution…

    Prix du meilleur livre étranger.
    Après avoir lu « Le partage des eaux « , le mot « talent nous paraît impropre, notre enthousiasme ne s’en contente pas. Un grand poète s’impose à nous par son style et sa culture, le foisonnement de ses images et de ses pensées, la hauteur et la continuité de son inspiration (Max-Pol Fouchet, « Carrefour »).

    Je te signale à mon tour, un livre de Fabienne SWIATLY qui porte le même titre , c’est une plaquette parue à la Passe du Vent , devenue La Rumeur Libre éditions. C’est un ensemble de textes très fort. Je viens de mettre le lien sur la # 38

    Mes personnages sont étonnants pour moi, on dirait qu’ils ont pris le vent et qu’ils en profitent. Ce sont des gens qui lisent beaucoup et s’aiment beaucoup également.

  3. J’ai aimé cette balade intelligente (je sais pas trop si c’est le bon adjectif. Savante ? Curieuse ?) au fil de l’eau. Sur une ligne de frontière libre. Merci Marie-Thérèse.