#nouvelles#boucle2 | à la poursuite d’Anastasia Mortensen

1 _ premières rencontres
2 _ Anastasia Mortensen

2 _ Anastasia Mortensen

Se peut-il qu’Anastasia Mortensen soit l’auteure du Livre de pierre qui régit le monde des Endormis depuis, croyait-on, près de deux mille ans ? C’est l’hypothèse d’un couple de chercheurs composé de Barnard Oswald, historien états-unien et professeur émérite à l’Université de Colombia (New York) spécialiste de l’Antiquité et de la Canadienne Gervaise Streckton, professeur en sciences sociales à l’Université McGill de Montréal. Selon l’article co-signé par les deux scientifiques nord-américains paru dans la revue New Science (B. Oswald, G. Streckton « The stone book is not a stone », New Science #1285-Volume V, 2021, pp.34-67), la découverte du Livre de pierre le 7 septembre 1995 dans une grotte du désert de Gobi par l’explorateur néerlandais Arjen McNamara serait une mise en scène. Si de nombreux doutes ont accompagné cette découverte (comme le relève l’ouvrage de l’historien chinois Heng Jian-Yun « 错误的发现 – The false discovery, Pilgrim éditing, 1999), les révélations des chercheurs nord-américains présentent tout autant des zones d’ombre. Les éléments désignant l’auteure de roman policier Anastasia Mortensen comme la véritable auteure du livre tant recherché depuis douze siècles (le Livre de Pierre est l’ouvrage fondateur de la civilisation des Endormis qui a régné sur l’Asie depuis la chute de la dynastie Tang en 883 jusqu’à l’avènement de Gengis Khan et l’hégémonie de l’Empire Mongol en 1290) seraient trop légers pour convaincre unanimement les historiens.

Anastasia Mortensen [ˈanastazja ˈmɔːrtənsən] est une écrivaine possédant la triple nationalité états-unienne, danoise et française. Elle est née le 13 août 1967 à Marseille (France). Ses parents biologiques sont français. Paul et Jacqueline Roques décèdent tous les deux moins de trois heures après sa naissance (victimes d’un empoisonnement au mercure, l’enquête diligentée par la police n’a pas réussi à établir le caractère criminel). Seulement six heures après être venue au monde, la petite fille qui n’a pas encore de nom ni de prénom, est adoptée par un couple américano-danois Lizbeth et Hans Mortensen qui lui donneront leur nom et la baptiseront Anastasia, prénom d’origine grecque lié à la résurrection. Le couple Mortensen venait de perdre leur enfant mort-né dans la même maternité quelques heures avant d’adopter la petite orpheline.

Anastasia Mortensen passe les trois premières années de sa vie en Argentine, à Cordoba et à Buenos Aires. À la suite du divorce de ses parents adoptifs, elle part vivre aux États-Unis, dans le nord de l’État de New York, avec sa mère et ses deux frères. Elle est la petite soeur de Viggo Mortensen, acteur, réalisateur, scénariste, producteur, musicien, photographe, peintre et poète américano-danois. Anastasia Mortensen a un fils prénommé Paul (comme son père biologique).

À l’âge de seize ans, Anastasia Mortensen publie son premier roman en français Du sang sur les draps (éditions de Minuit, 1983). Ce premier ouvrage est salué par la critique et reçoit le prix Interallié. Néanmoins, un débat est ouvert sur la réelle identité de l’auteur du livre par le journaliste Jean Droitecourt qui fustige l’adolescente dans une tribune (Arrêtez de nous mentir, le Figaro, 23 octobre 1983). Dès lors, Anastasia Mortensen n’aura de cesse de jouer de son identité pour signer des ouvrages de toutes sortes, allant d’un manuel de couture (Le point coulé en confiance, éditions Marabout, 1995) jusqu’à un guide ornithologique (Les oiseaux de nos forêts, Delachaux et Niestlé, 2002). À l’inverse, sa trace se perd dans l’utilisation fréquente de pseudonymes. À ce jour, il est établi qu’elle a utilisé les signatures de Claude Veillard (Le clocher meurtrier, Mercure noir, 1990), Irène Wilberg (La saga des aventures de l’inspecteur Moutarde, parue chez Grasset) et Jean-Paul Louis (Noirs desseins, éditions XO, 2010). Il semblerait qu’elle ait écrit sous d’autres noms plusieurs autres ouvrages.

Discrète sur la scène publique, le nom d’Anastasia Mortensen est associé à divers mouvements contestataires dans le monde sans que l’on connaisse réellement l’implication de l’écrivaine. Aux Etats-Unis, un groupe nommé Mortensen’s Circle est considéré comme étant une branche physique du mouvement cyberactiviste des Anonymous. On a retrouvé trace de ses actions lors des manifestations autour du meurtre de George Floyd ou de l’affaire Wikileaks.

1 _ Premières rencontres

Mélange de blancs. Blanc immaculé des draps, rougis par le sang dans des taches éparses, froissé par les mains avec lesquelles tu t’accroches. Blanc d’une peau diaphane qui ne connaît pas encore le soleil. Blanc, des murs blancs, des bruits blancs, une lumière blanche, un instant blanc comme une parenthèse muette suspendue au temps. Un cri blanc. Musique blanche de bips cadencés qui rythment la vie, de voix douces et impérieuses. Il y a eu les râles d’un souffle saccadé. Il y a eu une autre voix qui comptait un-deux-trois pour encourager. Il y a maintenant ce blanc qui coule dans mes veines.

Le visage si longtemps crispé, déformé. Une boule de pâte à martyriser qui recouvre lentement les traits de ton visage laissant pour stigmates de ta douleur des gouttes de sueur qui perlent sur ton front. Allongée sur le lit apaisé, tu disparais dans l’épuisement pendant que ton autre toi se gonfle d’air pour la première fois suspendue par les pieds et des mains autoritaires. Que ton premier souffle soit un pleur, soit un cri sans savoir si tes yeux voient comme moi ce monde à l’envers. Tu es encore deux pour un court moment. Vous êtes encore une le temps de couper le cordon. 

Je ne parle pas. Je dis juste que ce que mon sang m’autorise à expulser de ma bouche, trop occupé à bouillir, projeté dans mes veines par un cœur emballé. « Comment tu te sens ? » résonne timidement en fausse note dans l’ambiance surchauffée de la salle de spectacles. Toi1 me sourit sans n’avoir rien entendu. Toi2 se bat encore pour faire sa place dans le nouveau monde. Je crois avoir entendu dans ton déchirant soupir une réponse à mon souffle. J’imagine que tu me parles de l’âcreté de l’air et de la douceur perdue du placenta de ton autre toi. Toi1 expire « et toi ? ». Moi, ma blancheur me ronge encore.

Les couleurs des bruits reviennent peu à peu. Une sirène de pompiers éclaire le son blanc de l’instant. J’entends des conversations qui viennent de dehors, qui sortent de la terre, qui résonnent dans l’air. Le blanc s’estompe comme un brouillard qui se dissipe laissant dans son sillage les premières couleurs aux tons enrichis. Le rouge n’est plus le même rouge, le bleu a gagné en profondeur, le jaune illumine jusqu’à l’aveuglement mes yeux déblanchis. Ta peau rosit, ton visage s’affirme. Aux deux extrémités d’un cordon fragile, ta vie se dédouble. D’un coup de ciseaux expert, vous voilà deux.

Je te découvre mère, notre première rencontre. Sur l’oreiller surélevé repose ton visage agrandi de femme nouvelle et épuisée. Une lueur en plus, je ne la connaissais pas. J’essaie de rire, tu parviens à pleurer. Tes hormones débordent en larmes de joie qui se répandent dans une rivière folle et se transforment en cascade. Au bord du gouffre, nous avons le vertige. 
Je te découvre fille, notre première rencontre. Posée sur le ventre de ta chair, tu philosophes avec gourmandise des bienfaits de la vie. Jamais ton avenir ne sera si radieux, jamais la vie qui t’attend ne sera aussi longue. Je t’entends rêver si fort que je ne m’entends plus penser. Et ces voix que je ne connais pas qui racontent de drôles d’histoires. Au bord du gouffre, je suis tombé.
Je me découvre père, ma première rencontre. Je vois mes cheveux blanchir et les tiens pousser. Je vois mes cheveux tomber et les tiens blanchir. Je te vois allongée sur ce lit d’hôpital. Je vois la lumière et les bruits et l’air qui me brûle les poumons. Je me vois expulser d’une voix blanche toute l’ombre qui m’habite. Je me vois posé sur ton ventre de fille devenue mère. Je me vois père devenu fils.

Photo de Daniele Levis Pelusi sur Unsplash

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

11 commentaires à propos de “#nouvelles#boucle2 | à la poursuite d’Anastasia Mortensen”

  1. comme le dit très bien Raymonde, on est dans le biologique d’une double rencontre — voire triple –, quelle magnifique idée de t’emparer du avant le coupé de cordon et puis du après, là est sans doute le point réel de la naissance
    et je demeure marquée après la lecture par ce fragment : « jamais la vie qui t’attend ne sera aussi longue ».

  2. Merci Jean-Luc pour cette plurielle et mystérieuse Anastasia Mortensen dont le prénom s’écrit aussi parfois Anastasiya (si j’en crois l’une de mes sources qui préfère rester anonyme).

Laisser un commentaire