#40jours #31 | l’homme qui fume

De la Cinémathèque de Tanger, Place du 9 avril, vers le Petit Socco, entre 17 et 18h.

séquence 1/ plan fixe serré sur le panneau du tarif des billets dans le hall d’entrée vide et net de la Cinémathèque. cut . Travelling sur les affiches de films arabes actuels dans le hall, puis sur les portraits type Harcourt de stars internationales. cut

séquence 2/ plan fixe large sur les feuilles les plus hautes de palmiers de la Place. Du vent agite les feuilles sur fond de ciel bleu pur. On reste là un certain temps, à voir les palmes, les mouettes, les goélands, les pigeons voler. Au loin un avion passe dans le ciel. Traces des fumées blanches des réacteurs cut

séquence 3/ plan fixe, de courte durée : une fumée épaisse blanche verticale de cheminée de bateau avec le même fond de ciel bleu pur. cut

séquence 4/ plan fixe et serré sur la fumée d’une cigarette s’envolant en spirale , lumière latérale. Plan s’élargissant sur une belle main osseuse d’homme aux ongles sales. Main immobile à hauteur de cuisse sur un jeans usagé, sale, un peu trop grand. Le plan s’élargit, en suivant la cigarette de la cuisse aux lèvres. On ne voit pas le haut du visage, pas les yeux. Un homme fume une cigarette debout, adossé à un mur clair, à l’extrémité d’une terrasse de café de la Place. Plan sur l’intégralité du visage, beau mais marqué, de l’homme qui fume toujours. Il mate tout ce qui se passe. Tout ceux qui passent. Sans ciller, sans bouger, comme si seule sa cigarette importait. cut

séquence 5/ plan fixe, cadrage dit « américain » de l’homme qui fume, immobile. Passe devant lui un serveur avec un plateau de tasses de café au lait. Il marche vers le bout de la terrasse avec son plateau. cut

séquence 6/ plan fixe, cadrage bas, hauteur bassin, cadre sur l’homme qui fume encore, là où il était, et devant la caméra passent des corps. Netteté de l’image sur l’homme qui fume, et devant lui image floue de gens qui passent, inidentifiables et assez nombreux les gens. Des femmes, en djellaba, chargées de gros sacs de commissions au bout des bras. Leurs voiles volent. Tissus aux couleurs vives. Des femmes aussi en tenues occidentales moulantes. Des garçons courent, un ballon passe, des hommes par petit groupe passe par à-coups. Tout est flou au premier plan mais identifiable. cut. Une vieille basket  sans teinte écrase le mégot de cigarette. cut

séquence 7 / plan fixe, gros plan sur la main d’un coiffeur d’homme qui coupe des cheveux sombres (dans un salon de 4 mètres carrés). Néon qui clignote et murs verts vifs délavés, tâches d’humidité. Vieille main qui manie paire de ciseaux Dans le petit miroir mural tacheté, on ne voit les yeux du client. . Le cadre s ‘élargit sur le salon, de grosses mouches noires volent, la caméra remonte sur le visage du très vieux coiffeur sans lunette, corps desséché, vêtu d’un costume cravate trop grand, d’un autre temps. Fin de la coupe de cheveux, passage du blaireau de l’after-shave sur le cou, les joues du client. Le client sort. La caméra le suit de dos.

Dans la rue face à lui :

des étales de paires de fausses Nike, des fausses Converses multicolores, des passants, des corps qui montent, d’autres qui descendent, tous entre lui et les marchandises. Des corps flous, car la netteté caméra reste sur piles de boites de chaussures. Une boîte tombe de la pile, une main la ramasse, elle disparaît du cadre. cut.

séquence 8 / gros plan en plongée sur les pieds d’un homme, babouches usagées, pantalon trop long, carrelage à motif géométriques au sol. La caméra recule, le plan s’élargit. On est dans la vaste salle d’un café aux murs jaunasses, au premier étage d’un immeuble. Cet endroit fut beau comme ceux des romans de Marguerite Duras. Plafond haut, grandes portes-fenêtres ouvertes sur un vaste balcon (balustrade en fer forgé) au dessus de la rue. Partout de petites tables, certaines recouvertes de verres à thé. La plupart vides ou avec un journal plié en deux, un quotidien en arabe ou en français. Assis, attablés par deux ou trois, tous de dos, uniquement des hommes. Tous sont tournés vers l‘intérieur, vers un écran de télé mural où est diffusé un match de foot. Image télé aux couleurs sursaturées. Un but est marqué. cut.

séquence 9 / balcon du café, cadre moyen, visage et buste, de face, l’homme qui fumait dans la rue de la séquence 4, assis, seul à une table. Il fume. Il regarde vers le bas. La caméra suit son regard sur les passantes dans la rue en pente Le trafic de la rue, des femmes par deux ou trois et des hommes seuls ou par deux. Il attend. Seul. On ne sait pas ce qu’il attend. Il regarde au loin vers la mer. cut  plan large sur la mer bleu, cadre avec mer et ciel très bleus, ligne d’horizon au milieu de l’image. Puis entre dans le cadre une épaisse fumée blanche qui monte. La caméra cadre plus large sur la fumée et sur la cheminée de bateau. cut.

A propos de Pascale Sablonnières

photographe autrice et professeure dans une école d'arts plastiques, j'écris. j'écris, en lien ou pas avec des images, en lien ou pas avec des œuvres visuelles, ou avec ce qui se passe ou ne (se) passe pas. http://www.pascale-sablonnieres.fr/ https://montreuilsurpage.blogspot.com/ https://dungesteverslautre.blogspot.com/

6 commentaires à propos de “#40jours #31 | l’homme qui fume”

  1. On voit l’oeil de la photographe dans ces plans qui se succèdent et nous emprisonne dans la scene. J’ai senti la fumée. Belle journée

    • À dire vrai j’ai essayé de me mettre à la place d’un réalisateur.
      Quel travail de penser à tout. Oui l’odeur du tabac blond sous la chaleur quand il ne se passe presque rien d’autre…Bonne soirée

  2. Un vrai film ! L’homme fume, la cheminée fume. Entre les deux, des séquences du monde…
    Merci Pascale !

    • Merci Fil, à Tanger l’attente domine tout ou presque malgré l’effervescence ambiante. Alors on fume pour passer le temps à attendre un éventuel départ en bateau…

  3. Technique. Pourtant, je vois très bien le film, je suis dans le film. Ça fonctionne super bien. Merci pour ces images.

  4. Merci Jean-Luc. je manquais de vocabulaire pour faire plus encore scenario, mais j’aurais aimé pousser plus.