Ampliation et codicille sont dans un bateau: qui tombe à l’eau? dans mon cas, le second, et moi avec. Codicille me plonge dans l'embarras de devoir dire comment-quoi, d'anticiper ou de faire retour, d'expliquer; quand il s'agit de dégager du sens ou de parler méthode, d'aller au processus l'envisager, je me dérobe(*). Mettons que tu parles pour un/une autre – ça me plaît bien l'idée d’être autre –, écrivant c’est possible, on peut même être une chaise. En notes qu’as-tu? Qu'as tu fais faisant? Question épineuse pour une chaise surtout si quelqu'un vient juste de s'assoir dessus. Est-ce qu'en amont tu penses à qui quoi, quel est ton projet, tu le rumines longtemps, tu le découvres faisant? pendant? ou bien ? Fais tu retour... : Silence de chaise. Contournement, égarement, – deux mots qu'il serait utile d'ajouter au chapitres des notes. Essayer: Souvent j'écris des choses courtes, des nouvelles, des histoires qui m'arrivent, pas à moi, qui arrivent à ma tête enfin, dedans et réclament d'aller voir la lumière : un mot, une image – comme je photographie beaucoup ça peut partir du souvenir d'une image–, de quelqu'un, hier cette femme debout avec des jambes sales et des souliers cirés, des gens plutôt loin du proche; ou c'est une phrase d'un livre, et ça part, ou pas, là plutôt pas ou trou ; je remarque que si je me donne une consigne trop précise – sauf dans le cas de l'atelier, être tirée par la consigne et ses merveilles –, je pars en courant dans l'autre direction. Il faut que ça arrive comme malgré et que ça se découvre en travaillant – Concernant la proposition 11 j'ai relu des pages, m'y suis promenée, j'ai ramassé des choses, cailloux notes pour mes notes, c'était très intuitif, l'idée de devoir écrire ce codicille me pourchassait; je me suis dit que j'aimerais jouer de l'augmentation progressive, que l'ampliation soit visible (entonnoir en chapeau?)...
M'est venu le titre, après d'autres : Notes au chevet des pages... (est-ce que ces pages sont en sursis) … peut-être que c’est une palette de couleurs ou des papiers déchirés
(*) vieil allemand, «le butin» se dit rauba. En anglais «voler, dévaliser» se dit to rob. Progressivement le mot robe aurait donc fini par désigner ce dont on a délesté une personne. Après avoir été volée, elle n'a plus rien sur elle. Même plus sa robe, devenue «butin» entre les mains des agresseurs. D’après une lectrice de l'atelier très attentive le mot robe serait un leitmotiv de mes textes, une sorte de fil rouge : robe, fil, rouge... sont des mots qui reviennent, bizarre comme on retombe sur ses pieds des fois: marcher avec des mots ou marcher pour faire venir des mots les deux je crois
Choses dont on ne savait rien avant d‘avoir tenté de les écrire
fin
lieux
codicille
trajectoires
personnages
Mots récurrents
fil
noir
robe
neige
rouge
enfant
cendre
couleur
poussières
Choses soulevées par le vent
draps
cheveux
idées noires
coin de nappe
bâche du chantier d’à coté
rideau de la fenêtre restée ouverte dans sa chambre
feuille sur laquelle elle écrit sous les grands platanes au couchant
robe de la fille qui est montée sur le pont et part pour l’ Amérique enceinte du père, ses cheveux volent aussi; plus tard dans le jardin où un chien aboie les langes et les photographies sur le fil et derrière la clôture une femme au visage noir lui sourit, elle ne sait pas quoi répondre elle a peur, comprenant plus tard elle dira : Non je ne savais pas
Histoire
qu’il faudrait reprendre mais le faut-il
Poussière
ténu
terre
trace
dépôt
matité
poudre
disparition
domesticité
amatophobie
élevage de photographe
pigment envisagé par le peintre
composante du milieu interstellaire
qui dialogue avec les étoiles d’araignées
que l’on redeviendrait si l’on n’était pas de cendre
dont on se décharge sur l’autre dans beaucoup de maison
Pour penser à autre chose quand on ne sait pas qui quoi
épeler une pomme
courir deux fièvres à la fois
changer l’ordre des pauses
faire un nœud à son mouroir
dormir dans un drap de sapin
regarder un bœuf dans les yeux et faire voler un œuf
souffler sur les chaises ou pendre ses jambes à un clou
vendre la peau du bébé à l’ours puis jeter sa langue au chien
Phrases plus ou moins absurdes suivant le contexte
plier le ciel
avoir un trou
poser le château et le cheval au jardin
charger la mer et la ranger dans le camion
mettre la lune sur les genoux de l’enfant qui est assis dans l’ombre à la face
cendre
conte
cheminée
disparitions
poussière de feu
ce qui les recouvrait
qui vole dans l’image
Levant
écrire
commencer
thé noir brûlant
Couchant
pleurs d’enfant
ultime grand huit des ors
tout à l’orange en décroissance
de l’orange au bleu en passant par les roses
Couleur
de l’herbe, verte
de la bassine, rouge
bleue de l’arbre au chien jaune
passée, des affiches du mur qui ont l’air de visages déchirés
bleue du sarrau de la mère penchée aux mains comme des battoirs
indéfinie celle de la robe de la libraire qui n’est pas assortie à ses yeux ni à mon souvenir
En double
vision
lune loin
Lumière d’aout
alliances depuis la mort de l’autre
journal de K mais ce doit être en triple
jumelles avec nœud de la photographie de Diane Arbus
Robe
de l’une
d’Emma
celle avec l’accroc
des tableaux d’Ingres
qui tourne, avec un volant
de poussière rose quand elle arrive
blanches du tableau qui a deux titres,
bleue, devant la fenêtre dans la lumière poudreuse
de l’une et de l’autre, la même qui marque leur dissemblance
d’elle qui sera toujours trop petite pour toi qui sera toujours trop grande
qu’on laisse ouverte dans le dos parce qu’on n’a plus le temps de coudre
qui pend au jardin et on dirait qu’elle flotte dans la lumière de la scène noire
Des choristes, toutes les mêmes, qui font un semblant ( une illusion, un effet ) d’ensemble
Fil
à linge
sur le fil du rasoir
avec puis sans pour se parler
avec son s qui prête à confusion
l’expression il, elle est au bout du fil
de sa mère pourtant si fière de l’avoir porté
rouge qui pend de la broderie qui n’aura pas de fin
du téléphone de bakélite noir au bout duquel elle dirait que c’est fini
qui se pendrait pour de vrai, pas un fil sur une scène, mais à une corde dans une salle
Impressions volatiles
pie
poussière
avec renard
de ton regard un soir
main agitant un mouchoir sur un quai
biche traversant le chemin qui descend au lac, hier
buse survolant la table vers la mer du côté de l’ile sans couchant
d’un homme marchant dans une forêt et de la terre monte des vapeurs de pluie
corps
œil
main
salive
souffle
déglutition
grincement d’os
effleurement de peau
bruit de sa langue qui tourne
bruit de sa langue qui tourne avant de parler un mot
En oir
noir
miroir
butoir
dortoir
foutoir
hachoir
heurtoir
gueuloir
mouroir
en oir, pourquoir?
et pourquoir pas y aller voir
mais surtout ne pas trop t’y croire
Langue
de l’autre
intégration
babillement
du chat qui pend
à force de coups, oubliée
apprise pour ne pas mourir
entendue hier dans l’ascenseur
employée pour que tu ne comprennes pas ce qui se disait entre eux
de ton aïeule qui avait serré la main du grand poète, qui en parlait sept et mourut sourde
Prénom
Anna
Ismaël mettons
de la chanson apprise par cœur
du personnage de la pièce qu’elle jouait
qui dénote une époque : Odette, Marcelle, Jeannette
Suzanne, prénom de la mère de, ou crêpe en changeant deux lettres
de l’importance des prénoms des personnages et pourquoi il faut les écouter de très près
Marée basse
dépôts
plus de sable
plus de sable et de cailloux
choses à nue qui peuvent blesser
pêche à pied avec épuisette et couteau
plus de sable, de cailloux : algues et rocher
plus de sable de cailloux, algues possibles rochers et moins de mer
grand poisson échoué qui fait rêver l’enfant qui voit Pinocchio, Jonas puis un jour la baleine blanche mais c’est trop tard
Cheval
de bois
chevaucher
du manège du jardin
de bronze avec enfant
décapité par la mère dans l’histoire
qui est apparu dans beaucoup de textes, qui ne demanderaient qu’à se développer
de bois du marché de Cracovie, avec une patte cassée qui donne le titre à une nouvelle qui ne peut pas s’écrire, à cause du souvenir du père mort
Ch
Chute
Chaise
Choses venues en rêve ou quoi que sais-je
Choses dont on ne savait rien avant d‘avoir tenté de les écrire
Mais encore
Choses qui doivent être courtes
Choses lues, vues, et beaucoup de silence
Choses courtes
Reste ou restes
Trace ou traces
De l’usage du singulier et du pluriel
Phrases plus ou moins absurdes suivant le contexte
De l’incidence d’un s
Passé simple
Recto
La neige la première fois
Du parfum des fleurs de la nuit
Que faisions nous hier ?
Cailloux et brindilles
Marée – basse de préférence
Choses perdues
Pas
Fatras d’enfance
Ce que disait l’enfant
Je t’en souviens
Choses dans la brume
Choses courbes
Choses oubliées à se rappeler d’urgence
Choses à laisser de côté
Vu de loin
Au verso
Langue
Comme un ciel calme à mes pieds
Détails
Choses en vue indirectes
Reflets
Choses qui tombent du ciel
Miroirs et autres flaques
Quand tu racontes et c’est la nuit
Titres ou phrases pour rien
Codicille sans objet
Histoires
Travail au noir
Nom
Trouvé
Perdu
C’est quelqu’un, sans qu’on sache vraiment qui
De peu de mots
Indécidable
Poussière
Cendre
Mots récurrents dans ta bouche ou sur la page
Expression et proverbes
Cailloux tombé de ta poche crevée sans retour jusqu’au silence
Trous à plus d’un titre
Choses de silence
Chemins
Détours
Égarement
De pure couleur: verts s’exténuant, ors. Et bleu. Puis noir
En pensant au tableau
C’est un des effets possible du noir de faire revenir
De l’oubli qui est à l’origine
Des acuités particulières du noir, mots et pensées à la manière noire
Venu en rêve
Vertige
Fantômes
Contournement
De vie recluse
Biographie fictive
Gestes
Après coup
Choses cousues à la main
Machines
Choses qui marquent ou battent le temps
Choses inscrites
Lézardes
Choses qui inquiètent
Choses qui tiennent en éveil
Vitesse et durée
courir deux fièvres à la fois : belle image (je trouve)
et les listes qui d’un mot s’amplient en phrases, font plis comme jupe plissée (je savais bien qu’elle avait des choses à dire la jupe plissée de la #09 (si mes souvenirs sont bons)) ^^
Oui, quelle mémoire, avec des plis, de celles qui s’augmentent quand on tourne . Merci Cécile des commentaires et remarques, de ce temps accordé .
Comme libérés par le vent, tous vos mots livrent, libèrent un intime accès aux amonts et aux silences de vos écritures . Ne mettez pas ces pages en sursis. Laissez les à notre chevet afin qu’elles nous encouragent. La palette de ces papiers déchirés que vous nous offrez en affrontant cette difficile consigne 11 est rare et précieuse.
Merci Nathalie. Merci à la chaise de votre si beau codicille. Merci, merci.
Merci beaucoup Ugo, (pas convaincue par le codicille l’avoir écrit m’aide cependant)
Merci, ce texte m’a permis d’écrire. Comme souvent, je suis soufflée.
Merci Lisa beaucoup. Ces échanges de lecture et d’écriture sont très précieux.
Incroyable cette prise directe avec l écriture entrain de se faire, tt est dit ds le titre « notes au chevet des pages » merci de livrer et délivrer cette exploration . Bravo Nathalie !
Merci beaucoup Carole c’est assez involontaire, c’est venu de la difficulté à écrire la 11, maintenant j’ai envie de recommencer autrement
je me laisse emporter par les creux de vagues dessinées par les mots au nombre de lettres croissant ou les petits groupes de mots) , comme si le dessin nous portait en leur intérieur et amplifiait leur sens
aimé les choses soulevées par le vent
et puis « avoir un trou »
retenu aussi l’image forte du cheval associé au souvenir du père mort (ça m’a percutée et ramenée vers certains de tes textes…)
enfin tout ça, rien que de la richesse accumulée…
C’est superbe Nathalie, le codicille m’a déjà emmenée avec toi et la suite, même graphiquement, cela parle, cela est imagé et tous ces mots, beau. Pour ton monde, merci.
Je me sens très, très proche de ce codicille, de son questionnement.
Sinon, j’adore l’humour qui s’y glisse (la chaise) et toutes les choses
notamment les droôlement poétiques « pour penser à autre chose quand … » et les « En oir ».
Toute cette 11 est super et hautement prometteuse. Merci
Je suis très impressionnée par ce texte qui se lit, se regarde. J’aimerais l’écouter, écouter le rythme des phrases. Pour tout dire je l’ai lu à voix haute mais ce serait mieux si je l’écoutais de la bouche de quelqu’un d’autre !
Merci beaucoup Sylvia ( oui tenter la lecture c’est un projet que je reporte trop souvent)
Quand même étonnant ce battement de fréquence cardiaque, monitoring du phrasé des mots en train de se dire.
Merci Nathalie pour toute la sincérité du codicille qui trouve sa justesse là où elle manque, et nous libère à la lecture de sa question épineuse ; comment ça s’écrit ?
On traverse ce flot comme un rêve éveillé, dense de matière, de souvenirs,. Ton codicille, à la fois esquive et aveu, cette façon de ne pas trop vouloir dire et pourtant tout laisser affleurer, jusqu’à la robe, au fil, à la poussière. Merci pour cette profusion qui touche juste.
Michael, Caroline merci de vos lectures et retours.
« Pour penser à autre chose quand on ne sait pas qui quoi
épeler une pomme
courir deux fièvres à la fois
changer l’ordre des pauses
faire un nœud à son mouroir
dormir dans un drap de sapin
regarder un bœuf dans les yeux et faire voler un œuf
souffler sur les chaises ou pendre ses jambes à un clou
vendre la peau du bébé à l’ours puis jeter sa langue au chien »
Ces quelques mots et beaucoup d’autres
Tanguent sur le bout de ma langue
Après Les éc-rire, les dire, redire,
à haute voix oui, sans farder,
A te relire bientôt
Merci beaucoup de ton retour
Quel scintillement d’images et quel souffle !
Merci Steven