#2023 #14 | Réveil au parking

Réveil, reprise de conscience. Lumières, flashs, blancheur, grande salle, gare de triage, mouvements, lits roulés jusqu’à leur parking. Conversations « Celui-là, je le mets où ?- Pousse-le jusqu’au 5, tu sais bien, les patients de Blaise ». On me pousse, vers un box, une alcôve. Un moniteur, écran fond noir, courbes mouvantes en bleu-vert, en rouge, pied à roulettes, m’accompagne un moment. Paysage, plafond ripoliné, colonnes section carrée, sur mon côté droit, un autre lit. Visage, buste penché au-dessus de moi, infirmière : « ça va, Monsieur ? » Que répondre ? « ça va, ça va…  » Je tente de me redresser, non, c’est trop tôt, la vision du plafond inchangée, je replonge. Je capte des bribes, un peu de tout, cuisine de la cantine, constantes que relèvent les moniteurs… Je referme les yeux, je ne suis pas prêt, je tente à nouveau, le plafond semble instable, en giration lente. Patients endormis sont poussés jusqu’à…  leur numéro, je peux enfin comprendre, au-dessus des box, je vois un chiffre peint en rouge… « le 10 ! » « non, mets-le au 9 pour l’instant, laisser le 10 en attente « , j’aperçois l’aide-soignant qui manœuvre un lit-brancard, arrivée mouvementée, carrousel de blouses blanches et vertes « Le 10, c’est bon » Le visage, en surplomb « on va vous mener à la radio, puis dans votre chambre ». Les bruits, par effluves, crescendo, decrescendo, acouphènes poussés au maximum. Coiffe sur un visage, penché de nouveau, sans masque, blouse bleue cette fois, stéthoscope, plaquette agrafée à gauche, je le reconnais, Dr Rémond « Tension descendue à 12/7, vous sentez quoi si je vous touche le genou, la plante du pied ? », tout va bien, je ressens un vague quelque chose, « on vous a donné un peu de morphine », je peux suivre les courbes bleues sur le moniteur. « Pas de difficultés respiratoires, Monsieur ? La SAT est un peu faible, je vous mets sous oxygène… Put… pas moyen de brancher ce truc… ça y est, vous sentez l’air frais ? » « Je sens sur le visage » « OK, à plus tard ». On tire le lit, couloirs, gris, de temps en temps une porte, choc léger, virage 90°, ascenseur, bruits stabilisés, couloirs jaune pâle, on roule. Virage 90°. Dans la chambre, bleu pâle, pan coupé à gauche, la salle de bains ? Fenêtre translucide, pas de paysage, à peine ciel gris en haut ; on m’a « démasqué ». Les soignants conservent leurs protections anti-covid. Difficile de lire certains visages, d’autres sont immédiatement là. Les yeux sourient ou se fixent sur les chiffres du moniteur. Le lit me redresse, automatismes, on me remet une plaquette en plastique gris, boutons, curseurs « la commande du lit…»

« Vous évaluez la douleur à combien ? ».

2 commentaires à propos de “#2023 #14 | Réveil au parking”

  1. un rythme tout en saccades qui semble s’articuler avec les bribes de pensée du narrateur-patient, hachées et saccadées elles aussi
    on y est…
    on redoute
    on a tous connu ça à un moment ou un autre… alors on redoute jusqu’à l’excellente chute qui laisse la nuit en suspens

    • Merci, Françoise,j’aurais préféré ne pas connaître, mais tout est « bon » pour faire littérature…