vers un écrire/film #01 | bye bye

L’esplanade de Beaubourg désertée, striée, grisée  par la pluie froide qui tombe drue l Un dimanche glacial de décembre à 13 heures l les gouttes lourdes et ventrues frappent mon parapluie avec rage, rebondissent sur les pavés crépitent palpitent glapissent  l C’est une mélodie joyeuse quand on est à l’abri  l Slalom entre les flaques, attention escalier glissant l Une centaine de pigeons gris battent le pavé mouillé devant la sandwicherie Subway  l course folle pour se réfugier sous le grand hall du Musée mais trois cerbères obligent la poignée de visiteurs trempés à suivre le serpentin de piquets qui tourne en rond du milieu de la place  jusqu’aux portes vitrées, dispositif  prévu pour les jours de grande foule totalement inutile un jour de pluie l Envie de leur faire bouffer leur badge l  Personne devant la billetterie I personne devant l’accueil I trois personnes dans la librairie I un couple  avec poussette double et jumeaux endormis à la cafétéria I cinq curieux à la boutique I personne  ne tend son billet aux gardiens lymphatiques à part moi l les murs gris I  les toits gris I  le ciel noirci I   les boursouflures sales des nuages  défilent  lentement au travers des vitres perlées de l’escalator l l’eau du parapluie dégouline I goutte à goutte  pour les petits poucets cultivés  qui se seraient perdus l l’horizon plombé écrase le moral,  il n’y aura plus jamais de soleil, plus jamais de ciel bleu, plus jamais de rires d’enfants courant hors d’haleine dans les longs couloirs du Musée Georges Pompidou l Les personnages en morceaux, tronçonnés, démembrés I tête en bas I  pieds en l’air de Baselitz s’insinuent dans ma tête vide I  Ils me ressemblent ça ne se voit pas mais je marche sur la tête I on peut clairement apercevoir le ciel gris à travers mon corps brisé I Ca ne se voit pas mais je suis l’homme jaune couché sur fond noir I prostré  I seul sous les giclées de peinture rouge I seul mais vivant I  seul mais tendu vers la lumière I Il ne le savait pas en se jetant sous la pluie il y a une heure mais il ne rentrera pas après l’expo I il ira dormir ailleurs I ce n’est pas la première fois I Ses histoires d’amour ou de désir finissent toujours par une disparition I soudaine I fulgurante I non négociable I vitale I pffuittt |évanoui dans la nature l Une seconde de plus et il en serait mort I C’est l’heure grise I l’heure spéciale I  l’heure où tu décides de partir sans retour I La première fois il a quitté le petit appartement de Ménilmontant pour acheter des clopes et adieu l Plus le courage I  besoin d’air I  Pas de message I pas de lettre I pas d’explications I pas de justifications I pas de jérémiades I  pas de mensonge I un départ net I sans bavure I au scalpel I  coup d’essai devenu coup de maître I Du dernier étage de Beaubourg I il contemple Paris à ses pieds I le ciel s’est brutalement déchiré I Montmartre s’illumine I  le soleil  fait soudain rutiler les toits I la place I les flaques d’eau et le ciel bleu I Sur la façade de Beaubourg des lettres géantes interrogent I qu’y a-t-il entre nous I  Rien I Plus Rien I L’éclaircie  confirme qu’il a pris la bonne décision. 

Catherine Marchi

Un commentaire à propos de “vers un écrire/film #01 | bye bye”

  1. Beaubourg devient de plus en plus rigide (mais heureusement il y a encore un homme pour s’allonger sous la pluie maintenant qu’il n’y a plus de fauteuils où ils peuvent s’asseoir pour dormir)