vers un écrire/film #01 | onze heure trente

Le cri des écoliers s’échappe et résonne contre de hauts murs de béton. Joies invisibles cachées derrière une architecture moderne et froide. Disparus le parc boisé, l’école ouverte à tous les regards et les toilettes extérieures d’antan. Était-ce mieux avant ? A l’intérieur des jardins, les arbres sont nus, les grenades éclatent leurs écorces, l’asphalte courbe ses formes laissant la route disparaître le long de la maison aux volets gris souris. Tout près, un passage buissonnier se dessine à travers les herbes du champ, mince serpent de terre dessiné au hasard d’un jour paresseux où bruisse le feuillage des peupliers. On le voit filer à droite pour une promenade champêtre, à gauche à la rencontre d’un chemin terreux et sinuer jusqu’au fond d’une impasse. Des trous se dévoilent, anciennes alcôves de jeunes pousses ramassées par des jardiniers en herbe. Le terrain vague rassemble tant de jeux et de flâneries, de parties de cache-cache et de premiers baisers. Combien de temps restera-t-il encore sauvage ? Une école à nouveau, ouverte aux regards, des ballons multicolores rebondissent au sol, sur les portes en fer, les rires tintent, les langues enfantines lèchent le grillage vert bouteille. A la poursuite d’une joggeuse au survêtement mauve, le regard trottine jusqu’à l’espace boisé, tant attendu et si improbable entre des résidences. Quelques mètres seulement, un fossé à sec, des herbes folles, quelques pommes de pins suffisent à imaginer la forêt jusqu’à retrouver l’asphalte et les pots d’échappement, des immeubles de deux, trois étages de part et d’autre de la rue, le linge suspendu aux balcons, les poubelles communes débordant de sacs opaques noirs. Enracinées dans le caniveau, les marguerites agitent leurs pétales jaunes au vent, frôlent les roues des vélos empruntant la piste cyclable. Elles annoncent le calme d’un lotissement où les jardins semblent inhabités. Piscines bleu lagon et herbe bien tondue. Au printemps, les prunus perçant le trottoir, révèleront le rose de leurs bourgeons. Au loin, le ciel est ardoise et à l’angle de la rue, des tuiles volent du toit jusqu’à la remorque d’un camion. Est-ce assez pour écrire un poème ? Soudain, une route, l’attente au passage piéton près du ralentisseur. Dépasser le figuier, longer les blanches clochettes des perce-neiges et quelques mètres encore avant de rejoindre l’Hers, respirer la nature offerte aux citadins. Des emballages de bonbons « tête de mort », comme des papillons rouges, se mêlent aux feuilles mortes, tapis plastico-organique menant à l’affluent de la Garonne. Les promeneurs ralentissent le pas, observent les enfants sur les toboggans, emmêlent la laisse des chiens, laissent passer skate-boards et vélos avant le retour à une voie de circulation bruyante, juste après la poubelle en béton taguée d’un toucan géant aux plumes vert d’eau, au bec et griffes jaune canari. La bordure du sac poubelle transparent le coiffe-t-il d’une charlotte de bain ? Les graffitis se moquent et déclarent, Elise forever. La passion s’invite. Au bout de la rue, un magasin bio, une pizzeria, un coiffeur et une boulangerie. Une file pour l’achat d’un déjeuner à manger sur le pouce, une autre pour la boulangerie. Deux baguettes de campagne pas trop cuites, s’il vous plait ! Manque-t-on de passion ?

A propos de Fabienne Savarit

J'ai toujours eu envie d'écrire des histoires. Le temps me manque, alors j'écris par petits souffles, en atelier, dans des carnets, sur un coin de table. Mon premier roman a été publié en juillet 2020, j'en suis encore ébahie. Mes mots sont voyageurs et se perdent au creux des courants marins. https://www.facebook.com/Fabienne-Savarit-Autrice-105753008006663

2 commentaires à propos de “vers un écrire/film #01 | onze heure trente”

  1. « Est-ce assez pour écrire un poème ? » Détour fabuleux qui réécrit l’environnement par trop cru et réel
    Merci Fabienne pour cette étrange divagation