#gestes&usages #06 | Consigne et sens

Tapis de caisse de l’intermarché de Montignac, 15h35 :

Bière 1 litre étiquette invisible, boisson à l’amande légère marque regain, boîte ronde rouge de masque capillaire multi repair marque non repérée, jambon blanc marque ranou (réduction car DLC imminente), huile lesieur cœur de tournesol 50 centilitres, beurre montfleury, sac papier au contenu inconnu glissés dans sac jaune en toile (coton?) par jeune homme (35 ans?) cheveux longs en chignon, vieux blouson cuir noir, jean, baskets montantes usagées, suivi par femme d’âge similaire (sa compagne sans doute), longs cheveux auburn frisés en chignon, doudoune sans manches, écharpe, jogging, baskets. Ont accepté le bon d’achat proposé par la caissière (montre en or ou imitation)

Vous êtes encore là ?

Vous avez accepté de me confier quelques minutes de votre précieux temps, c’est un honneur et une responsabilité : celle de ne pas en faire du temps perdu, sachant que ledit précieux temps s’écoule à la vitesse de l’éclair et que tout à l’heure, c’est la mort. Transcender donc l’anecdote pour en faire du Sens. Quelque chose qui élève. Que vous puissiez vous dire ce soir « Je me couche moins con ».

Qu’est-ce-qui fait que, avec Annie Ernaux, Georges Perec ou François Bon, on se couche moins cons, quand ils nous parlent de quincaillerie ? Que l’anecdote s’élève au-dessus d’elle-même ? La plaquette de beurre montfleury, plus qu’une plaquette de beurre montfleury ?

Une vie, sans doute, à regarder profondément les êtres et les choses. On ne s’improvise pas conteur du quotidien, ventriloque de la matière. On cueille le fruit de l’arbre qu’on a planté, longtemps, très longtemps avant, pour le plaisir du geste.