#été 2023 #8 | dans le vestibule

Dans la pénombre du long vestibule, la faible lumière du jour s’endormant qui franchit la porte de la cuisine caresse le mur gris, le bois sculpté et doré du grand cadre, laisse deviner entre les colonnettes-tiges bornant les côtés avec leurs petits branchages s’échappant irrégulièrement, et sous l’épanouissement des épis explosant et des pampres rampant au sommet, signant une interprétation plus ou moins contemporaine | un contemporain relatif qui pourrait dater du début du siècle précédent | d’un rêve de l’époque baroque puis vers le bas du très grand collage qu’il enserre la tache blanche d’un crâne se détachant sur un fond sombre avant que l’oeil s’adaptant peu à peu à cette pauvre lumière détecte les grandes zones que la mosaïque d’éléments, de fragments d’images, de superpositions, de petits éléments ajoutés, unis par l’éclat mat du vernis, brouille d’ordinaire… les brindilles d’un brun clair ou jaune et des pétales de rouges plus ou moins sombres entourant comme une corolle irrégulière les deux grands tournesols écrasés sur lesquels courent de minuscules silhouettes d’un gris sombre, végétaux séchés aux couleurs dénaturées avant que le vernis ne les fixe en leur nouvel état, qui occupent le milieu du panneau, au dessus de deux rangées presque rectilignes de fragments de photos de plantes juxtaposant musicalement des nuances de vert et quelques ponctuations bleues (ciel, des fragments d’une photo d’une bordure de scabieuses, vaguelettes) et dans le coin droit, contre la grande zone étroite qui monte le long du cadre, une affiche rouge portant, en biais, le dessin d’une tête de loup hurlant. A droite donc une zone à tonalité brune, séparée du centre par une petite latte de bois de cerisier incorporée au collage, zone dont on distingue mal les fragments d’images dépecées (des bouts de lattes de bois d’une table sous le soleil, la photo de troncs nus se découpant sur un ciel d’un bleu presque violet découpée en six morceaux disposés comme au hasard, un mur de ciment sale avec restes d’un papier peint à fleurs pales sur fond crème répété plusieurs fois,) collés de façon apparemment anarchique sur ce qui semble avoir été l’image d’un versant de montagne couvert d’un bois sombre automnal, au dessus de la reproduction intacte d’un tableau représentant à grands coups de pinceaux énergiques une foule multicolore | Ensor ? | et sous la photo en noir et blanc, en biais, d’un groupe en épais manteaux sur le perron d’une maison dans la neige. Comme plantée en haut de la bande de bois une feuille blanche sur laquelle est finement dessinée à la plume une main paume ouverte, marque la frontière du camaïeu d’images claires, miettes de photos, dessins déchirés, lacs, fleurs de formes tailles et tons variés, aplats unis, fragments de draperies peintes, joues rebondies de putti et boucles dorées prélevées sans doute sur les mêmes, ciel bien sûr où volent des oiseaux, et le dessin presque intact d’une branche portant un minuscule perroquet, qui domine le collage de plantes central. -La lumière éclaire surtout la partie gauche, un peu plus large que celle de droite, qui monte au dessus des rangées à dominante verte des fragments de plantes, entre les tiges du cadre et une corde tachée de bitume collée verticalement en pendant de la latte de bois, zone à fond gris sombre assortie au mur, sur laquelle des images : tête de squelette à côté d’un chandelier devant une tenture bleu nuit, un bout de couverture de revue avec en grandes lettres d’un rouge sombre ARRÊT sur un mur peint en vert, un bonze assis collé au centre d’un massif de roses corail et le lac qu’il devait contempler sortant avec les arbres qui l’entourent de la gueule d’un mérou, le dessin aquarellé d’un projet de costume dix-septième aux rubans extravagants, la photo d’un quai gris où un filet jaune git à côté d’un cabestan, la reproduction d’une photo de morgue d’Andres Serrano : corps dont le haut du visage est couvert d’un drap blanc s’élevant en une sorte de pyramide sous le jupon jaune de la Sainte Apolline de Zurbaran, cachent presque complètement ce qui pourrait être la silhouette tracée en plusieurs couches de fusain d’un homme aux larges épaules, comme projeté directement sur le mur de la pièce.

image montage Brigite Célérier :Zurbaran/Andres Serrano

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.