hors série | récits de l’objet

les ateliers d’écriture Tiers Livre, été 2021



 

hors-série | récits de l’objet


Ce sur quoi insiste cette vidéo :

 pour le Prologue, il ne s’agissait que de familiariser l’ensemble des participants avec la publication en ligne, le fonctionnement du blog, et l’idée du livre est venue ensuite, par l’évidence et la force des textes — et si on renversait : en décidant à l’avance qu’on construit un livre (de maquette similaire), qu’est-ce que ça donne comme élan, risque, voire même responsabilité à l’écriture ?

 de toute façon, la question de l’objet était sur la route commune aux deux cycles : étape obligée pour « Progression », complément ou radicalisation de la non-fiction avec Emmanuelle Pireyre pour « Faire un livre » ;

 consigne générale : pas de contrainte de longueur, mais une contrainte rigoureuse pour la lisibilité collective, un et un seul paragraphe, on s’en tient au bloc — c’est d’ailleurs très prégnant dans les extraits du Savon de Francis Ponge ;

 d’autre part (contrairement au livre De l’eau) un seul texte par auteur, et donc le choix d’un seul objet (ou alors, si liste, accumulation ou inventaire, comme dépli à l’intérieur du monobloc) ;

 il ne s’agit pas d’une « consigne » d’écriture, mais d’un champ de recherche, à vous de trouver, assez de chemin déjà fait depuis 2 mois, pour vous installer dans votre musique, votre syncope, votre couleur, et en tenir la voix sur l’objet que vous aurez choisi : et rien que cet objet, le journal de cet objet, son histoire, sa fabrique, ses usages, au plus près, toujours plus près, et pour en rendre la plus singulière présence ;

 ce n’est pas une question de taille : un avion, une voiture sont des objets pareil que la bicyclette ou le patin à roulette...

 mais c’est une question de symbolique, de résonance sociétale, d’enjeu particulier dans la relation à l’autre –- pour cela que je cite le pneumatique ou le téléphone dans la Recherche de Marcel Proust, et les légendaires Mythologies de Roland Barthes, que nous incluons aujourd’hui dans le corps littéraire, mais tirant leur origine du hors-champ : parler du catch à la télé ou du bifteck-frites, ou de la séparation genrée des jouets, parce qu’on est dans Paris Match (un des chapitres d’ailleurs c’est sur les magazines)...

 comme exemple de ces objets transitionnels, à la fois liés à l’intime et aux conventions sociales, je cite bien sûr plusieurs fois le téléphone — avec un défi supplémentaire : ce n’est pas un objet qui puisse encore être considéré comme stable, il suffit de se remémorer chacun la liste de ceux qu’on a possédés (je parle très sérieusement, j’ai fait cet exercice avec des étudiants de Sciences Po), d’ailleurs si votre portable actuel ne se prête pas à l’exercice, peut-être que votre premier portable, ou votre avant-dernier, sera un parfait déclencheur ;

 on prend le risque de voir se rejoindre plusieurs fois dans le livre un même objet, assumons ce risque : mais autant le prévenir en établissant chacun un premier inventaire des pistes possibles de l’écriture (dans mon propre cas, une question posée téléphoniquement à ma mère, en 2010, sur ce qui était venu en premier à la maison, toute fin des années 50, le frigo ou la machine à laver, a déclenché tout un livre, et la conscience que ce livre traitait, sans jamais y faire allusion, de l’Alzheimer qui l’emporterait) ;

 d’où l’importance de ces livres-inventaires que je cite : les Graveurs d’enfance de Régine Detambel, le livre Mon catalogue de Claude Closky, et l’étonnant et si audacieux (comme toute la série d’ailleurs) Rituel d’anniversaire de Sophie Calle, qui s’accompagne d’un protocole dans sa vie même, hors livre (de ces 3 livres, on trouvera des extraits dans le dossier habituel) ;

 complément : le premier chapitre, Objects du livre de Gertrude Stein Tender Buttons, à retrouver dans oeuvres numériques complètes ;

 il est donc plus que vital de prendre le temps du détour mental dans ces textes et livres, non pour une idée, mais pour que le choc syntaxique découle de ce dépaysement, naisse de l’élargissement des repères ;

 d’où l’importance donnée ici à Francis Ponge : il y a des objets avant lui dans la littérature (voir Étienne Binet, voir Gertrude Stein), et désormais on n’y prête plus attention, tant l’objet est notre quotidien même, le jeton de supermarché ou la carte bleue sans contact à la place du porte-monnaie, le Navigo au lieu du ticket de métro, le chargeur de l’ordinateur (ou du téléphone, ou de tout ce qu’il y a à charger) : l’importance de Francis Ponge, c’est que l’objet compte moins que la poly-approche du texte qui le dit ;

 d’où le rappel de précédents exercices à partir de Francis Ponge, en particulier le journal du verre d’eau dans Méthodes, ou l’oeillet dans Rage de l’expression : voir par exemple ici...

 pas un hasard donc si je choisis ici un texte amorcé dès les années d’Occupation, mais qui trouvera sa vraie réalisation à Avignon milieu des années 80, le Savon...

Enfin, attention : la semaine prochaine on reprend l’atelier hebdo, pour 5 propositions encore, gardez le rythme !

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 27 août 2021
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