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#40 jours #14 | Tarkos #3, trousseau de clés
Ce printemps 2022, paraît chez POL un appendice majeur à l’oeuvre de Christophe Tarkos : Le kilo. Un livre massif, où viennent se rejoindre tous les registres du travail de l’auteur.
Dans les textes que j’y découvre, trois pages intitulées « Poème d’une enfance », où immédiatement je reconnais les éléments inclus dans un des textes, tout au bout du livre, et un de ceux qui y a le plus de portée, dans Anachronisme cette accumulation portée sur papiers et documents administratifs. Je l’insère ici pour rappel :
Ce texte, je le connais quasiment par coeur. C’est avec émotion donc que je le retrouve comme en filigrane dans Poème d’une enfance, je l’insère aussi :
Les mêmes mots, les mêmes éléments.
Seulement, ici, c’est une fiction. Un personnage au féminin, et contextualisé : je suis assise à ma table. À mesure qu’on avance dans le texte, on visualise la porte d’entrée, une penderie, la salle à manger, le portefeuille et une boîte en fer, un tiroir de buffet.
Ainsi, après ce texte d’Anachronisme si singulier, et emblème de nos forges contemporaines, parce que l’accumulation devient récit, y compris dans sa responsabilité et sa gravité politiques, Christophe Tarkos en a repris les éléments pour en faire un texte narratif, la construction d’un personnage.
Seulement voilà : à consulter l’annexe de Le kilo, datant documents, fichiers, dossiers, je découvre que le texte narratif (Poème de l’enfance) date de 1996, tandis qu’Anachronisme est publié en 2001, si peu de temps avant le décès de Tarkos lui-même (1963-2004).
À preuve une étape intermédiaire, de nouveau dans Le kilo, qui semble une liste où l’auteur extrait du texte narratif les éléments futurs de l’accumulation. La voici, et le fichier d’ordinateur où la retrouveront les éditeurs de Le kilo les font lui donner pour date d’écriture 1999... 3 ans après le texte narratif, 2 ans avant l’accumulation. La voici :
carte grise
vignette
papier vert
assurance auto
assurance maison
carte sécu
talons de chéquiers
remboursements, ordonnances
factures de téléphone
factures d’edf
le bail
les quittances de loyers le reçu du dépôt de garantie les contrats de prêts bancaires certificats de ramonage
factures d’appareil photo
le livret de famille
le livret militaire et les pièces justificatives les diplômes le contrat de mariage
livret de caisse d’épargne les fiches de paie
analyses médicales, radio, carte de groupe sanguin carte d’électeur les bons de garantie certificats de scolarité déclarations de revenus, les preuves du paiement de l’impôt fiche d’état civil
fiche d’état civil avec mention « non décédé » : certificat de
certificat de non-gage pour le véhicule
permis de chasse
extrait de casier judiciaire
certificat de vie maritale
carnet de santé des enfants
passeport
carte de fidélité des magasins
carte de téléphone
carte de la photocopieuse
clés de la voiture
double des clés de la voiture
certificat d’activité par l’employeur
contrat de travail
factures de réparations de l’auto
vignette de contrôle de la voiture et papier justificatif
papiers de la mutuelle
Alors nous, dans ces 3 versions ? Eh bien comprendre que l’écriture fictionnelle peut servir de moteur pour faire émerger un territoire neuf : l’enjeu, dans la relation où nous sommes au monde, de cette myriade de liens administratifs et reconduisant la norme.
Nous, on va explorer ces liens et ces normes, les nommer, les convoquer dans le texte. Mais on aura appris, via Tarkos, que cette convocation est aussi construction d’un personnage, de l’insertion de ce personnage dans un contexte (de spatialité, d’objets, mais aussi de temps : « je suis assise à ma table »).
« Je suis assise à ma table » c’est ce que j’ai failli d’ailleurs choisir pour titre à l’exercice. Mais le trousseau de clés est pile à la frontière, entre l’administratif, le privé, et l’objet matériel, à la fois commun et individuel. Dans le texte. Les clés sont « à droite de la porte d’entrée » et qui parmi nous pour ne pas en porter immédiatement l’image, voire le réflexe ? On partira donc du trousseau de clés, ces clés qu’on retrouve dans la version 3, Anachronisme, mais ce sont les clés de la voiture et non celle de l’appartement, tandis qu’elles ont disparu de la liste.
Dans Anachronisme c’est lui qui parle, et rien n’est spatialisé, aucun objet, pas plus de buffet que de tiroir que de portefeuille, encore moins de porte d’entrée, tandis que c’est tout cela rassemblé qui permet, dans la version fictionnelle, d’installer le contenu –- papiers, formulaires, courriers...
Alors à vous maintenant ce grand écart : tout passe par l’énoncé de ces papiers, formulaires, contraintes administratives, portefeuille vidé et papiers en retard dans la corbeille du bureau, mais ce qui nous concerne c’est ce je au féminin qui ouvre la version 1996 : « je suis assise », c’est bien de construction de personnage qu’il s’agit.
Et donc bonnes écritures !
1ère mise en ligne et dernière modification le 23 juin 2022
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