#40jours #27 | Nathalie Sarraute, fatiguer la question

au défi d’un exercice quotidien d’écriture pendant 40 jours


 

 

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#40 jours #27 | Nathalie Sarraute, fatiguer la question


La ville oui, donc les personnages, donc laisser prendre et accompagner la poussée du récit, la construction des personnages.

Et l’idée qui venait d’une empreinte en creux. Dans l’instant même qu’on le construit, le je qui écrit, le je auteur, on chemine comment, vers et dans le personnage ?

L’idée devenait celle-ci : dans l’instant même de notre écriture, déplier le simultané, déplier notre interrogation même sur le personnage.

Alors non pas déployer linéairement le personnage, mais tenter de le sculpter par cet ensemble même de questions, qui à chaque instant de l’écriture en voie d’amorçage sont la simultanéité de toutes nos interrogations sur le personnage.

C’est ce qui m’a poussé à reprendre le vieux et consistant volume usé de Nathalie Sarraute. Cette idée de salves simultanées de questions.

L’idée d’aller voir ses textes de théâtre, Pour un oui pour un non ou C’est beau. Mais non, le déclic ne se faisait pas.

Et, feuilletant, la surprise à ce texte que j’avais peut-être jusqu’ici négligé, parce que faisant juste suite au déjà classique, si complexe Enfance (ah, cette histoire de ciseaux dans la boîte à ouvrage), écrit donc dans la même période biographique : Tu ne t’aimes pas, elle a exactement 90 ans quand elle le publie, Nathalie Sarraute...

Alors un texte qu’on va tromper.

Elle, elle dit : — C’est un roman. Ça tombe bien, c’est ce que maintenant on cherche, nous aussi.

Elle, elle dit : — Je me sens intérieurement tout et personne. Quelle phrase, pour passer de soi-même scripteur au personnage qui s’ébauche.

Elle, elle dit : — Mettre au jour cette parcelle de réalité qui est la sienne. Ça me va parfaitement, pour le·la personnage qu’on va construire.

Elle dit aussi, Nathalie Sarraute, dans les très beaux entretiens avec Simone Benmussa de la même période : — Le roman va vers l’abstraction.

Et ça, c’est le saut que nous avons à accomplir : passer par l’artefact, voire l’artifice, d’une abstraction pour conquérir que ce·cette personnage soit vie, mouvement, mais donc d’abord parcelle de réalité.

Ce qui m’avait frappé, feuilletant Tu ne t’aimes pas, c’est la suite partout de séquences, séparées par des blancs, apostrophes orales, séquences donc disjointes mais parfois une ligne, parfois deux, parfois trois. Donc brèves, mais ça se prolonge sur 140 pages...

Sarraute, ce n’est pas son genre de respecter une contrainte : parfois une suite de séquences plus longues vient s’accumuler et recréer un centre de gravité. Parfois on prend distance de l’oralité et on voit les personnages tou·te·s ensemble, dans un train, parmi la foule de la ville.

Où nous allons la tromper : chez elle, le questionneur est unique, et tous les personnages chacun·e son tour répondent.

Je vous propose le jeu inverse (et c’est vraiment un jeu qu’on pratique en répétition, au théâtre) : un·e personnage, celle·celui que vous avez l’intuition de construire, mais multiplier à l’infini les questionneurs. De toutes parts des questions l’assaillent. Et pas besoin de réponses : à une question succède une question, et encore une question.

C’est la somme de ces dizaines de questions sans réponse qui va donner peu à peu son empreinte — comme en sculpture on fait le moule, pour la cire, qui fondra avant la coulée, la cire qu’on a élaborée depuis le plâtre.

Et ce sera cela la difficulté de l’exercice : ces questions, les multiplier. Ces questions, pas se contenter d’une poignée. Commencer avec quatre ou cinq, les plus générales. Il y a des jeux d’enfant, construits ainsi par devinette. Mais continuer. Mais que les questions, toutes brèves, et comme énoncées par trente locuteurs différents, soient trente. Plus si vous pouvez.

Que la question se fatigue. Qu’on la pousse.

Aujourd’hui, c’est le grossissement même du texte qui est l’enjeu.

Et c’est bien l’abstraction, c’est bien le procédé, qui vont nous permettre de réussir.

De Nathalie Sarraute, nous reprenons le rythme, les salves. Les points d’interrogation. Un moment, le questionneur lance : — Dans le Bonheur ? Mais comment ?

Ça, on pourrait bien s’en préoccuper nous aussi, et lui poser la même question, à notre personnage.

Bonnes écritures.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 7 juillet 2022
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