< Tiers Livre, le journal images : 2024.05.11 | Saint-Michel en l'Herm contrejours, traversée au 35

2024.05.11 | Saint-Michel en l’Herm contrejours, traversée au 35

C’est un problème je sais qui n’intéresse que moi mais justement, comme c’est ici mon journal, j’en parle encore. Quand je suis passé au Lumix S5 plein format, je l’ai équipé d’un Sigma Art 24 1.4, parce que j’étais familier des Sigma, et connais la précision des piqués, la dynamique des contrastes etc. Lumix à l’époque proposait un objectif « kit » 20-60 mais je n’aime pas les zooms. Le Sigma est formidable mais lourd et encombrant, et aussi toujours lent, ce qui n’est pas un désavantage, par exemple dans un musée ou dans mes virées Rabelais. Pour la vidéo, je me suis procuré un Lumix 18 1.8 et je m’en sers au quotidien pour tous les YouTube face cam, c’est souple, silencieux, l’autofocus fiable etc. Mais, pour la photo, c’est quand même trop grand-angle, avec la déformation des bords. Mon tuteur vidéo m’a conseillé, pour les déambulations Rabelais, de ne pas descendre en dessous du 35. Qu’on ne me parle pas de l’équivalent vision humaine : ma propre vision ce n’est pas l’angle d’un 50 ni d’un 35, mais plutôt celle d’un 11, je vois mes deux mains encore à 170°, et c’est peut-être la myopie qui m’a poussé à utiliser en permanence la périphérie rétinienne mais peu importe. Avec le 24, j’ai l’impression non pas de faire ou composer une image, mais de témoigner d’une immersion : l’image résultante est le récit de mon expérience avec le réel que je saisis. Avec le 35, j’ai l’impression d’en être détaché, de composer un rectangle avec géométries, juste une plastique. Au-delà, 50 etc c’est même plus possible. Seulement, il est tellement plus léger que le Sigma, et aussi beaucoup plus réactif. Alors plusieurs fois que je me force, reviens déçu, repasse au Sigma bien sûr avec une qualité plus douce ou progressive (même en RAW comme je fais), mais je m’obstine. Là, ce matin, j’étais pour une fois à l’arrière-droit de la voiture, face soleil. Ces paysages, je les connais au détail près depuis l’enfance. Par exemple, le pignon à contrejour c’est la maison de Roland David et moi je me dis au-dedans : « la maison de Roland David ». C’est donc des images en mouvement, à contrejour, en partie à l’aveugle, voire en rafale (manuelle) et pourtant, en les important sur LightRoom, l’impression que ça y est, j’ai fait quelque chose de mon 35 : retrouver le récit d’une expérience par la maladresse à voir, la vitre un peu sale de la voiture, le trop de lumière, la vitesse du véhicule. Et donc je garde. Important, parce que cet été, il se pourrait bien que je parte, routes et villes, avec seulement le 35 (et le 18 pour les vidéos, mais ils sont légers et Lumix en propose une série, le 50, le 85, un 100 même, strictement au même format, un seul filtre suffit pour tous etc). C’est la façon de s’en servir qui est en rupture, et que peut-être ce matin j’ai compris : la distorsion même pour retrouver, à travers l’arbitraire de la composition, un peu de l’expérience sous-jacente à l’image.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 mai 2024
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