François Bon / François Place Voleurs de feu, vies singulières des poètes

en étroite collaboration avec Patrica Guédot

première publication Hatier, 1996 - épuisé

 

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Écrire pour mieux vivre

introduction aux Vies singulières des poètes

Saint-John Perse: Toute chose au monde m'est nouvelle

Villon : Je, Françoys Villon, eschollier
Poètes en guerre dans leur monde

Dante: Si grand fleuve de langage

D'Aubigné: Au lieu de ma langue une langue de flamme

Fureur de la langue

Louise Labé: Ces miens écrits pleins d'amoureuse noise

Bashô: Voyageur, tel sera désormais mon nom

Racine: Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe)
Romantismes

Caroline von Günderode: Apprends à penser avec douleur

Byron et Shelley: Fuir, mais non haïr, l'humanité

Gérard de Nerval: Inventer, c'est se ressouvenir

A pas de géants dans la langue

Hugo: L'esprit humain c'est l'infini possible

Baudelaire: Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau

Rimbaud: Semelles de vent

Questionner l'énigme même

Hölderlin: Et toujours vers l'illimité va le désir

Rilke: Silencieux ami de multiples lointains

Voyageurs de l'extrême

Surréalistes: Ralentir travaux

Ponge: Voyage dans l'épaisseur des choses

Artaud: Ma voix rongée

La poésie doit être faite par tous, non par un

conclusion : sur Emily Dickinson

Ceux qui font reculer les bornes de la langue sont des découvreurs, comme ceux qui dénouent le point mystérieux d'une science, ou ceux qui se risquent dans les taches blanches d'une carte de géographie. Ils nous aident à découvrir la part passionnée de nous-mêmes, et c'est notre dette principale aux poètes. C'est Rimbaud qui l'affirme:

Le poète est vraiment voleur de feu.

La poésie, comme un grenier ouvert, l'accès en est laissé à tout le monde. Et rien de plus exceptionnel pourtant que de parvenir à son extrême. Cette rareté, cette difficulté ont longtemps été, dans toutes les civilisations, honorées au plus haut : notre monde d'aujourd'hui privilégie d'autres valeurs, plus éclatantes en apparence. Seule, pourtant, la lecture des poètes nous permet d'accéder lentement à notre langue intérieure. Celle qui est notre visage du dedans, comment nous percevons et renvoyons en langage.

C'est à cette frontière qu'on doit se rendre, pour retrouver, derrière les imposantes statues des livres, des êtres de chair et de verbe, qui nous parlent de tout près.
On rencontre dans chaque langue ces arpenteurs du monde et ces voyageurs immobiles, ces forgerons précis de la langue et ces visionnaires intérieurs. Des artisans exigeants de miniatures longuement sculptées, et des brasseurs de grandes odes et d'épopées. Ils nous mettent face à la même énigme : la vie des poètes n'explique pas leurs textes. Parfois, une plongée dans une seule image ou un seul vers ramène l'homme tout entier, d'autres fois l'œuvre est comme un miroir indivisible où il se retranche. Pourtant, chacun est comme une aventure ou un rêve de vie, à découvrir au moment qu'on peut décider de la sienne.

Le domaine de poésie est aussi vaste que l'histoire du monde. Des hommes vivent dans le même temps, et rien de leur usage de la langue ne les rassemble. Et des hommes, comme François Villon, ont vécu à six cents ans de nous, qui pourtant nous donnent l'impression d'une immense proximité, d'une fraternité. Nous allons monter à notre tour sur l'épaule des géants, mais comme on irait, dans le vieux magasin d'un bouquiniste, ou sur les étagères d'en haut de l'armoire des grand-parents, chercher des textes délaissés, alors qu'ils nous parlent de l'urgence de notre monde, et de la force nue du langage. À chacun de choisir, parmi l'infinité des livres, ceux qui lui sembleront relever de cette nécessité vitale. La seule chose certaine et assurée : que les poètes détiennent le secret de ce chemin-là.

À Saint-John Perse, quand on lui demanda : pourquoi écrivez-vous? Il répondit : Pour mieux vivre. Il n'a pas donné d'autre explication : c'est bien dans ce mystère-là, où écrire et vivre désignent ensemble un même lieu secret de l'expérience humaine, qu'on voudrait se risquer, en suivant donc celui-ci d'abord, Saint-John Perse.

En neuf chapitres, vingt-deux brèves notices sur des poètes essentiels, avec des repères biographiques et la présentation de quelques champs de force de l'oeuvre. Voleurs de feu a été publié en 1996 aux éditions Hatier, avec des illustrations de François Place, préparation pour l'édition Patricia Guédot. Il vient d'être traduit en Corée.