
malgré le désastre, quelques traces web
Mais tout ne meurt pas si facilement sur le web, grâce à la WayBack Machine, pu télécharger le catalogue de la vente, tel que diffusé à l’époque par le cabinet Ivoire France, qui apparemment a plié boutique, le voici :
Toute une vie déballée, lui qui avait toujours tenu à discrétion et dignité.
C’est du crachat, c’est exhiber, c’est salir.
À part ça, lui qui souhaitait confier sa maison à la Fondation de France pour en faire un lieu vivant, une résidence d’écrivain, ladite Fondation l’a refusée, et passée à la mairie. La mairie l’a refusée, et le dossier doit être arrivé à la Région : en attendant, maison vide, volets clos. Et dépêchons-nous de tout brader, ça ne peut pas attendre...
Quand on rouvrira les volets, ce sera trop tard. Des marchands vont, ce mercredi 12 novembre, s’approprier morceau par morceau ce qui pourrait être l’encan d’une maison ordinaire de personnes de cette génération (tiens, ces descriptions d’intérieur de maison, poussées à l’inventaire, qu’on trouve dans Histoire de Claude Simon, ou ses Géorgiques, ces 2 hommes qui à la fin se ressemblaient tellement, même si aucun des deux ne l’aurait avoué). Seulement ce qu’on met en vente, ce n’est pas Louis Poirier, c’est bien l’estampille Julien Gracq qui en confère la valeur marchande.
Merci à Jacques André (Grapheus) d’être allé photographier ce fauteuil, mise en vente 150 euros. C’est bien ce fauteuil qui était près du poêle, sous la lampe, pour lire le journal. C’est dans ce fauteuil qu’il m’avait fait asseoir. Je suis lourd, Gracq il y a deux ans était déjà diaphane (nous avions cependant partagé le déjeuner et un verre solide de Muscadet). Quand je me suis enfoncé dans le fauteuil, j’ai cru que j’allais passer au travers et me retrouver sur le plancher. Lui, il était devant moi sur un fauteuil bridge (il y avait les mêmes, le club, les bridges, chez mes propres grands-parents), à vendre aussi. On avait parlé science et astronomie, Proust et Saint-John Perse, mécanique et deux-chevaux.
Pour moi, ce fauteuil, ce sont ces paroles, cet échange dans la lumière qui déclinait doucement d’un après-midi de décembre, il y a 2 ans. Et sa casquette, qu’il s’était excusé de garder parce qu’on était l’hiver, ils la vendent aussi ? Mettez m’en une !
En 1951, Julien Gracq refuse le prix Goncourt. Un demi siècle plus tard, on attribue toujours le Goncourt, et on fait sur Gracq. Mercredi je serai dans une humeur à vomir.
1ère mise en ligne 14 novembre 2008 et dernière modification le 1er juin 2025
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