#gestes&usages #02 | courir avec Echenoz

un cycle sur corps, mouvement et interaction avec le monde


 

#02 | courir avec Echenoz


D’abord, replacer Courir (Minuit, 2008) dans son contexte : Jean Echenoz a toujours convoqué en amont de ses livres un système de code précis, le polar pour Cherokee, le roman d’espionnage pour Lac, l’aventure pour L’équipée malaise. En 2006, 2008 et 2010 vont se succéder trois brefs livres qui explorent un autre système de codes : le récit de vie, la biographie. Trois ancrages réels, le musicien Ravel, le scientifique Tesla, et un athlète, Emi Zatopek.

Choix arbitraire ? C’est l’affaire d’Echenoz. Dans Courir on croise les tenseurs de l’histoire, l’épopée nazie et sa chute, la Wehrmacht et l’occupation de la Tchécoslovaquie, puis la domination bureaucrate et répressive de l’URSS, enfin le Printemps de Prague. Mais la victoire d’Emil Zatopek aux jeux d’Helsinki, la fabrique symbolique du héros populaire, voire légendaire, c’est aussi une question de chamboulement technique de la course elle-même.

Courir s’écrit en 20 chapitres, donc de 4 à 6 pages chacun, et, dans le centre de gravité du livre, le chapitre 8 (téléchargez-le en fichier joint) a un rôle bien spécifique : aucune strate informative, historique ou biographique, à inclure, mais simplement ce en quoi Zatopek réinvente courir. On parle des bras : oui, alors on parlera des mains, des coudes, des épaules.

Revenons à nos enjeux dans ce cycle : la marche, une affaire simple ? Je mentionne cette rencontre en 2012, au STAPS Orsay, avec un chercheur dont le travail est dédié à la marche, la mise en déséquilibre qui la provoque.

Il faut un verbe de départ : marcher, courir, sauter, nager, grimper, pédaler, à vous de choisir. Mais un verbe qui inclut et convoque le corps tout entier. Et un exercice (l’exercice de ce qu’induit le verbe) qui comporte une histoire : un apprentissage, une transmission, un combat avec soi-même, dépassement ou pas.

Ensuite, les pistes divergent, et c’est à vous de sentir, percevoir — c’est toujours irrationnel, une intuition, mais notre travail en atelier c’est aussi d’apprendre à la reconnaître et lui faire place —, choix 1 si le texte s’appliquera à vous-même (donc vous-même marchant, courant, sautant, nageant, grimpant, pédalant), choix 2 s’il appliquera au contraire ce verbe à une collection d’individus : reprendre une vieille photo de classe, et appliquer le verbe — si c’est danser, comment dansaient-ils et dansaient-elles ? Enfin, choix 3, comme Echenoz avec Emil Zatopek, s’il s’appliquera à un personnage, réel ou fictif équivalent, pris à votre propre univers de travail, aussi bien autobiographique que fictif ?

Nous sommes en terrain neuf, mais avec toute l’audace des découvreurs. Je ne me serais pas permis cette proposition (un rendez-vous, donc ce chapitre 8 d’Echenoz, que je m’étais assigné de longtemps), sans la force et la diversité des textes publiés cette semaine à partir de la proposition Annie Ernaux.

Au fait, une remarque : Echenoz, il fait 4 pages, d’accord, de « petites » pages mais c’est quand même 1130 mots et 6839 signes selon votre manière de compter : alors, et si vous augmentiez un peu la dose ?

Langage familier pour provoquer un peu, mais j’assume !

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 janvier 2024
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