#40 jours #31 | très court métrage

La ville n’était qu’à douze kilomètres. Filmer avec son smartphone ce trajet pour ne voir qu’une route dans les phares de la voiture n’avait aucun intérêt. Il s’agissait de montrer la ville en cette nuit. Au tournage, un plan ça commence quand on déclenche la caméra et ça s’arrête quand on stoppe l’enregistrement.Le plan-séquence commencera à l’entrée du tunnel, 800 mètres dans les lueurs orange de l’éclairage souterrain.Puis viendront les rues, les gens attablés aux terrasses des cafés, les groupes de jeunes debout qui boivent du vin comme dans les séries télévisées dans de très grands verres. Une dernière remontée du boulevard principal avec les vitrines qui ne s’éteignent jamais sur les signes extérieurs de richesse. Le long traveling avant de ce plan-séquence s’achèvera par la traversée et la sortie du tunnel dans les lueurs orange de l’éclairage souterrain. Il voyait les choses comme ça. Mais rien n’alla ainsi. Déjà à l’approche de la ville, elle semblait éteinte. L’entrée du tunnel était un trou noir. L’éclairage public absent. Obscurité étrange, inhabituelle. Il pensa qu’une panne, une coupure générale. Il ne pensa pas longtemps. Il n’eut pas le temps de freiner. Sa voiture s’écrasa sur un camion renversé à l’entrée du tunnel. Mort sur le coup. Il ne savait pas que la ville était sans électricité depuis longtemps, qu’elle avait été abandonnée il y a plusieurs années, que la nature avait repris ses droits, qu’il y avait des lianes sur les lampadaires aveugles. Sur les images noires que le smartphone enregistrait encore, des yeux brillants, presque vert fluorescent. Des sangliers reniflaient un cadavre.

A propos de Ugo Pandolfi

Journalist and writer based in the island of Corsica (France) 42°45' N 9°27' E. Voir son blog : scriptor.

6 commentaires à propos de “#40 jours #31 | très court métrage”

  1. La ville éteinte plongé dans un trou noir. Belle séquence vidéo et la chute qui rappel à l’ordre. Si la nature reprend ces droits. merci

  2. Un trou noir et les yeux fluorescent d’une bête jusqu’à épuisement de la batterie. Très court et très percutant métrage. Saisissant. Merci Ugo.