#40jours #08 | protocole bustes et statues

Sur le boulevard maritime, Gerty Archimède, première femme avocate des Antilles françaises, assise tout en bronze dos à la mer visage tourné vers le tribunal de Basse-Terre : devant elle, dans le tombant du soleil, les quatre chevaux du rond-point se cabrent face au flux des voitures ; à sa gauche, la gare routière où vrombissent les moteurs des bus à l’arrêt pour garder la fraicheur de la climatisation, tandis que sous les abris, sacs et corps fatigués par une longue et chaude journée de juin patientent sur les bancs ; à sa droite un grand kiosque à musique vide et muet ; un peu plus loin, les camions à bokits dans le ronflement des générateurs, pendant que trottinettes vélos coureurs flâneurs balaient le front de mer ou s’arrêtent pour regarder le soleil tomber.

Dans le quartier de Bas-du-Bourg, square Chevalier de Saint-Georges, au pied de la rue du même nom dégringolant des hauteurs de la ville, est érigé le buste, taillé dans une roche des Grands-Fonds du Moule, de Joseph Bologne, dit Chevalier de Saint-Georges, né d’une mère esclave et d’un père planteur, musicien et compositeur qui fréquenta les milieux abolitionnistes d’un siècle que l’on dit éclairé sous d’autres latitudes : aux abords du square, grappes de jeunes gens du quartier, les uns assis sur des scooters, d’autres sur des chaises posées sur le trottoir devant un des lolos ouverts, ou bien appuyés sur les carrosseries qui s’interpellent, rient fort, trafiquent, zonent le pas lent, gros son musique à bloc rap trap ragga ; un peu sur la gauche, rue trouée par une friche ouverte sur un bout de mer port bateaux container vendeurs de poissons, comme une vie parallèle.

(texte en chantier comme le prologue sur les lieux disparus de la ville)

A propos de Émilie Marot

J'enseigne le français en lycée où j'essaie envers et contre tout de trouver du sens à mon métier. Heureusement, la littérature est là, indéfectible et plus que jamais nécessaire. Depuis trois ans, j'anime des ateliers d'écriture le mercredi après-midi avec une petite dizaine d'élèves volontaires de la seconde à la terminale. Une bulle d'oxygène !