40jours #23 | droit devant

J’ai l’impression d’être  plus dans le 19eme que le 12eme… voir dans les choux 

Il se sentit trahi alors il partit. C’était plus fort que lui, irrépressible, comme si une blessure ancienne s’était réouverte instantanément. Ainsi donc il ne pouvait faire confiance à personne, absolument personne, il ne prit même pas le temps d’emporter ses affaires il sorti de l’appartement dévala les sept étages traversa le couloir puis ouvrit la lourde porte menant directement dans le coeur battant de la ville.

Devant lui la place de la Bastille avec son ballet incessant de véhicules effectuant des cercles obsessionnels , le génie doré de la liberté tout en haut de sa colonne complice lui fit comme un clin d’œil, il traversa la place en ligne droite sans même se préoccuper des véhicules qui pilaient et klaxonnaient rageusement. Il atteignit l’autre côté de la place par on ne sait quel miracle jeta un coup d’œil aux cinémas que des bulldozers étaient en train de démolir en vue de construire un nouvel Opéra puis il s’engagea dans la rue du faubourg Saint Antoine , en constatant au fur et à mesure des pancartes à louer, à vendre accrochées aux façades signe de décrépitude qui s’ajoutait encore à la sienne . Il accéléra encore plus le pas le paysage changeait c’était des perpendiculaires tranquilles des immeubles à tailles modestes aux façades lépreuses, des hôtels borgnes, derniers vestige de ce Paris qui l’avait tant fait fantasmé. 

Puis ses pas , sa rage et sa nostalgie le conduisirent quelques instants plus tard à Nation.

Il coupa la grande place même façon, en ligne droite . rien ne pouvait plus l’arrêter. Bientôt ce serait Vincennes, le bois de Vincennes. 

C’est seulement lorsqu’il atteignit le lac qu’il s’effondra sur un banc et souffla. La vision des cygnes glissant à la surface de l’eau l’apaisèrent et durant quelques instant il eut les larmes aux yeux.

Puis il éclata de rire soudainement car il venait de comprendre soudain à quel point le fait qu’elle l’eut trahi le soulageait d’un fardeau insoutenable qu’il s’était flanqué tout seul sur les épaules. 

Bientôt il reprendrait sa course éperdue il reviendrait vers la ville et s’en serait bien finit des lacs et des forêts de ce Paris de pacotille qu’il s’était inventé , en un mot de tout ce romantisme, cette naïveté enfantine. Non ! jamais plus il n’emprunterait la peau de Lord Byron, Tout au contraire il serait Don Juan son modèle désormais. Il était parti de la Bastille comme un enfant désormais c’était un loup que le bois de Vincennes recrachait vers la ville.

En marchant de quartier en quartier suivant son progrès social il arriva ainsi assez vite dans le 8eme puis dans le 16eme, de femme en femme , il poussait ainsi son investigation des bassesses de l’âme humaine de plus en plus loin, jusque dans les plus belles apparences et leurs misérables recoins faciles désormais à deviner. 

Peu à peu sa vision s’éclaircit et contre toute attente il découvrit que parmi les valeurs qui lui étaient le plus chères l’amour passait loin derrière le respect. D’ailleurs n’était il pas à l’aise partout désormais dans les beaux quartiers comme dans les banlieues les plus reculées de la grande ville et tous ses mensonges incessants. 

Peu à peu aussi il sympathisa avec des individus louches, les bourgeois aimant s’encanailler , sauf que les voyous avaient pour le respect qu’on leur devait une opinion aussi élevée qu’il l’avait désormais envers lui même. 

Car c’était bien sur ce mot et uniquement celui-ci que tous les misérables se reconnaissaient.

Tentative 2

Comment regarder le monde quand on avance, quand on a décidé de se rendre au bord de celui-ci, comment est-ce que l’œil se fixe sur un point de l’horizon, un horizon qui recule tout le temps ou bien on peut aussi regarder sans s’arrêter de trop sur les détails latéralement en tournant la tête de chaque côté comme un spectateur assistant à un match de ping-pong 

Peut être qu’on pourrait faire un compromis regarder à la fois un minuscule point sur l’horizon et en même temps de chaque côté, oui s’entraîner à voir comme les mouches, avoir une vision périphérique. 

Les indiens Hopi en connaissent un rayon sur la vision lorsqu’ils marchent dans la jungle, jamais ils ne fixent rien trop longtemps, fixer quelque chose c’est risquer de mourir presque instantanément.

Mais quand on est en ville et qui plus est au cœur de la ville l’horizon est quasiment à chaque coin de rue, il se joue de nous comme dans une partie de cache cache. bien sûr on pourrait vouloir se dire Hopi avance et ne fixe rien… mais nous ne sommes pas dans la jungle ici nous sommes dans cette ville il est 12h30 pas un rond en poche et la faim commence sérieusement à réclamer son dû.

Aller dans le 15eme ce restau ou l’on mange un vrai repas pour 5 francs voilà l’urgence. En attendant d’arriver la bas il aurait bien le temps d’emprunter à quelques passant la somme requise. Et peut être si le ciel est de son côté trouvera t’ il un billet par terre c’était déjà arrivé et pas qu’une fois.

Mais à peine avait il effectué quelques pas que les rues s’étaient mises à changer comme à l’accélérer, de façon saccadée, un film de Charlot et ça allait vite, si vite que la couleur des choses devenait de plus en plus indéfinissable. 

Sa faim rendait floues ou extrêmement précis le contour des choses. Et il savait d’expérience qu’il fallait continuer à marcher, en évitant de trop s’attacher aux contours quelqu’ils soient, bientôt la faim le transformerait en guepard ou elle le transformerait en serpent il ne pourrait plus se fier qu’au sol, à toutes les aspérités les vibrations du sol et il pourrait alors filer en ligne droite depuis l’Odeon remonter Vaugirard et atteindre directement au but.

Alors sa vitesse serait incommensurable, il pourrait même s’il le désirait oublier la faim, oublier ce prétexte, oublier l’argent et les restaurants bon marché, oui il filerait plutôt ainsi au travers façades, murs, mirages il sortirait de la ville traverserait la banlieue, puis les champs, les forêts les gouffres et les monts le regard, son regard de serpent accroché désormais sur un unique but voir enfin le bord du monde.

A propos de Patrick Blanchon

peintre, habite en Isère entre Lyon et Valence. Rencontre du travail de F.B via sa chaine Youtube durant l'année 2022, et inscription aux ateliers en juin de la même année. Voir son site peinture chamanique. De profil je suis : Discret, bargeot, braque. Et de plus en plus attiré par la réserve, la discrétion , et ce plus je lis et écris. Deux blogs, dont un que j'ai laissé en jachère. https://peinturechamanique.wordpress.com/portfolio/voyage-interieur-patrick-blanchon-artiste-peintre/ En activité encore pour l'instant : https://ledibbouk.wordpress.com/2023/12/15/ambiguite/ Ce sont des sites gratuits, bien désolé d'avance si vous y voyez parfois de la pub.

7 commentaires à propos de “40jours #23 | droit devant”

  1. Ayant refilé la méthode, Patrick est passé devant tous les autres… Malin , malin ! Où va donc ce marcheur sans bouquet de fleurs à la main ? Il part à droite , c’est déjà un indice … il ne pourra pas aller à gauche, ni reculer… A moins que… s’il applique la méthode Zbigniew, il reviendra à son point de fuite en avant… On est pas sorti du leitmotiv là !