vers un écrire/film #03 |  ce jour-là

7 heures. Voix de radio. Chaude et percutante. Le temps en marche. En ordre de bataille. Je sors dans le noir moite et ouateux. À mon corps défendant. La machine s’ébranle. La bouilloire siffle. À mon corps défendant je quitte l’espace du dedans.

8 heures. Sonnerie de cour récréative. Espace du dehors. Glas. Grouillement de vêtement froissés en mouvements fébriles. Fourmilière de regards en bandeaux. Nous chuchotons dans le matin frais. Rires étouffés. Je lis le texte à voix haute. L’enfance est un couteau planté dans la gorge. Silence. Puissance du tragique.

11 heures. Cloches tubulaires. Fureur de vivre. Rémission de la solitude. J’accroche la chambre studieuse. Je refuse à mon tour l’eau fade du Lignon. J’ai soif. J’implore la fraîcheur des mots. Comme un bruit de mandoline.

12 heures. Tintamarre des voix d’assiettes. L’oiseau se tord au bord du fil de fer. Il triture sa fioriture. Je friture une dorure. Ce qui n’est pas. La lumière n’est pas assez vive. Les nuages ne s’évaporent pas en fumée légère de printemps. Attendre la consolation.

14 heures. Froufrous de pas. Salle de classe. Sacerdoce de qui a tout donné aux mots. Prière de paumier paume contre paume. J’explique le rituel sacré. Le rituel d’amour. Fin. Comme une brume de corne.

16 heures. Son de crécelle. Éclats de mômes. Urgence du désir. Ne rien céder à l’enfance désordonnée. Une ligne de vie s’étend dans la fulgurance du soir déjà là. La zébrure du signe indique la route à suivre. Éclair. Abandonner. Tout laisser à l’enfance. Qu’elle s’exhausse. Qu’elle m’exauce. Chanson d’école. Pof. Blop. Wiz.

18 heures. Comme un son de mellotron de son de boucles. Chant du vieux roi cramoisi. Qui progresse et ne cesse. Sacerdoce de celui qui a tout donné à l’accordance des rythmes. Dans une lente acculturation de consentements. Éblouissement. Je renouvelle en murmures de promesses. Trente ans et un jour. Peut-être toujours.

22 heures. Vrombissement lointain de la ville sans sommeil. Recroquevillement. Errance dans les pages survoltées. Tout lire. Ne jamais arrêter. Étreindre le monde. Comme un possible.

A propos de Olivia Scélo

Enseignante. Bordeaux. À la recherche d'une gymnastique régulière d'écriture.