#techniques #01 | sentiments

Sentiment

de maintenant, est toujours là, je ne me remémore rien, ne me rappelle rien, je peux rappeler à la surface, à l’ici et maintenant tout ce qui, enfoui, le maintenant contient l’ici, la chambre, la main tenant un bic-cristal, trace les mots maintenant, la main tient le mince cylindre transparent, dedans le tube, couleur noire, pointe conique dorée, opercule bleu, sentiment de facilité, pourrait durer, décrire, détails, papier quadrillé 5×5, feuilles, cahier 21×29,7, posé sur table, blanche, ronde encombrée, lassitude, ennui pénètre dans le maintenant, pousse à faire, autre chose, agir, action autre maintenant, restaurer le maintenant, maintenir, maintien, main tient le livre saisi, lire titre, LE JARDIN DES PLANTES, le livre ouvert, maintenant troublé, mise en page étrange, perte du maintenant, parcours d’obstacle, maintenant labyrinthe…

Sentiment

de conscience, en amont du maintenant, surgissant , ouvrant les portes du maintenant, rapporté au moi, enivrant, effrayant, calculant des proportions, relativisant l’existant, le sentiment »océanique », sentant le corps dans ses mouvements, avançant, pivotant (danger, conscience du danger), s’arrêtant, s’observant, conscience miroir, s’obligeant à faire, gestes prouvant l’existant, jambes me portent, décidant, disant la phrase, présent toujours, parfois non affleurant, oubliant, impossible de dire « je ne suis pas conscient », contradiction, enregistrant tout en écrivant, le fameux « en même temps », environnement, la Sonate Arpeggione, sotto voce, acouphènes légers presque oubliés, rayon de soleil succédant aux averses, paix installant le maintenant propice, accélérant les mots, pas brillants, présents.

Sentiment

d’appartenance à la langue, lors la langue lie, la langue lue, la langue livre, ouvert, découvert, la découverte, aller à, la couverture avant l’ouverture, tu te lies par la langue, enfant, adulte, lestés par les textes, par là, la langue tu lis, te lies, le français te lie, le breton te lie, l’anglais te lie, le suédois te lie, l’espagnol te lie, te ligote, l’argot se ligote quand il veut se lire, tu lis ta langue, la langue que tu lis te lie, appartenance, te saisit, quand tu saisis le sens, la musique, la langue chante avant d’être chantée, sentiment rassurant, tu emportes le livre, la langue choisie, d’un livre il suffit, jamais seul avec ce livre, dans ton sac, avec les mots, tu es lié par les mots, lus, sus, relus, mots en mémoire, livre lie, relié tu es par le livre lui même relié, jeu de mots dans la langue, mots pliés, oubliés, ou(b)liés, erronés, on te dit « toi tu n’es pas… « , eh si, le lien seul porte « tu es… de, ou de… « , il suffit de lire, d’écrire des mots, dans la langue, à laquelle, tu décides, d’appartenir.

Sentiment

de respirer, lieu commun, égal inspirer, aussi pousser l’air, vers le haut, cordes vocales, outils des, acteur, comédien, chanteur, diseur, conteur, musicien, besoin de pousser vers l’instrument à vent, respirer du vent, volume, quantité, pression, alors vibrent, cordes vocales, air suit le tuyau, embouchure, lèvres, anche vibre, bec ouvert, fermé par l’anche plaquée, par la langue, relâchée, disant « toc », disant tu, du, lu, ké, dans le mouvement, diaphragme, agir sur le, monte, descend, pousse, aspire, pompe, respirations écrites, partition, repères, baisser les épaules, avec le ventre, terreur, ne pas finir, plus de souffle, aller chercher, tout en bas, dans le profond, temps d’arrêt mesurés, secondes, lectures à haute voix, sentiment que ça respire… ou non.

[Sentiment

de métissage, bâtardise, du croisement de la terre avec l’eau, pâtée gluante, pralinage aux racines, enroulement, vautrant dans, glèbe, argiles, boue fécondant, calcul donne 140 000 générations, vertige de l’avant, tentative élucider, passer du sentiment vague au réel, quatre générations, issues des souvenirs, des récits, photos, témoignages tels qu’ils surgissent :

celui qu’on appelle « l’inconnu » – le père inconnu –une photo le montre jouant de la guitare – à la fois lâche et généreux derrière ses grosses lunettes.

celle dont on ne parlait pas mais qui tenait la ferme – trayait, sans doute à la main, vingt vaches matin et soir.

celui qui faisait la classe aux petits berrichons – coiffé en brosse – un regard de feu.

celle qu’on appela « sergent » le jour de son mariage pour avoir fait l’estafette entre résistants.

celle qui parlait breton en arrivant à Paris – ne savait pas écrire – cuisina pour les artistes et quelque « Prince des gastronomes ».

celui qu’emporta la tuberculose, nous privant d’un dandy clarinettiste et charmant plumitif.

celui qui fut le patriarche, le paysan, le bûcheron, le pêcheur de brochets légendaires, aux moustaches blondes.

ceux dans la nuit bretonne – ardoisiers, paysans de misère, matelots perdus sur les rives du St Laurent.

ceux qui firent de « l’inconnu » un pharmacien à Montparnasse.

celle que son violon, ses élèves, son veuvage, épuisèrent jusqu’à ce que son cœur l’abandonne en route.

celle qui s’agenouillait devant le cœur flamboyant de Jésus, qu’elle retrouvait les vendredis au Chemin de Croix.

celui qui réussit à faire oublier sa férule en laissant parler sa bonté.

Sept rencontres, imprévisible résultante dans le miroir.]

Sentiment

d’une rivière à franchir, proche, de plus en plus, le temps te rapproche de, poussé par, fuyant peut-être, tiré vers, sachant que plus de passeur, de nocher, de Charon, doutant d’un gué, d’un pont, passer bottes en main, chercher, longeant le cours, fixer l’autre rive, cherchant un point de vue autre, inversé, retour possible ?, sentiment de passage, importera, le passage, temps de l’entre-deux, douter au bord, douter du pourquoi, franchir, à quoi bon, (aqua… bon), ponton, demi-mesure, bois lisse, doux, tiède aux pieds nus, sentiment du mi-chemin, mi-parcours, mi-cours, approcher, extrémité, plongée dans l’eau, observer, transparence, algues, poissons, au fond, vase, sable, cailloux, sentiment d’une vie, autre, profondeurs, courants, rapides, bulles entre nénuphars, mystère, sous-jacent, végétation inaccessible, à l’envers, faire marche arrière, découragement, sentiment d’éternel retour, pour repartir, sources, , atteindre l’autre bord, seule certitude, ignorant où et quand, doutant de savoir, pouvoir, passer comme en rêve, peur du, fleuve grossi des pluies, boues, mottes de terre arrachées, arbres à la dérive, enchevêtrés aux piles, accumulés, passage, droit de passage, raconter,  souffrance, franchir enfin, apercevoir l’ailleurs, l’autre bord…

2 commentaires à propos de “#techniques #01 | sentiments”

  1. Ces sentiments sont parfois « claudesimoniens » (et je crois repérer un soupçon de personnages#02 dans techniques#01) — cet exercice n’est pas loin d’être addictif : il ouvre des écluses