#Nouvelles boucle 2 l Natacha D / schizophrénie

C’est une chambre. Je sais qu’il y a un lit, je sais qu’il y a un fauteuil, et un coussin, style zafu. C’est une petite chambre, avec une fenêtre donnant sur l’ouest. C’est une chambre mais c’est juste un décor, un peu flouté, comme au cinéma, quand la focale est mise sur les personnages de la scène.

Deux personnages : je suis assise sur le zafu. 27 ans, plus d’os que de chair (anorexie) et plus de peau que de textile (canicule). Sur le fauteuil, et voilà que l’émotion qui enfle depuis le premier mot de ce texte fige mes mains, à quoi bon ? À quoi bon écrire ? Il y a dans cette pièce trop de lumière, trop de ce qui ne peut être nommé, et puis je te vois avec tes yeux rieurs, que dis-je, tes yeux cyniques, toi qui lis ce texte et qui m’attends au tournant, Trop de lumière, dit-elle ? Je la vois venir, ricanes-tu ; tant pis, je l’écris quand-même, la pièce floutée par la présence rayonnante, sur le fauteuil, du maître, imposant, immense, B.K Rinpoche. Vas-y, moque toi, je suis aux pieds du maître, il me regarde, il me sourit et je le trouve immense, oui, il me parle et je ne sais pas ce qu’il dit, je m’en fous, je l’aime, ça je sais, je l’aime, j’ai le cœur tellement ouvert que ce n’est plus un organe, juste une ouverture, je l’aime. Il me demande d’approcher encore et pose sa main sur ma tête, la paume de sa main, sa paume sur ma tête, tu comprends ? Non, tu ne comprends pas, tu te marres, la dévote, le maître et la bénédiction, quelle blague, ou bien tu attends le dérapage, « plus de peau que de textile », tu as bien lu, tu attends que ça tourne au vinaigre. Fais-toi plaisir, je n’écris pas pour toi, j’écris pour faire revivre.

La chambre, donc. Il paraît que de l’autre côté de la fenêtre il y a le monde, quel monde, il n’y a qu’une chambre et dans la chambre, une main qui donne.

Longtemps après, quand il a retiré sa main, le maître me taquine. Me dit : « Si on partait en retraite tous les deux ? ». Après tout, il est aussi un homme. Tu es content ? Tu as tord. Il y a eu la lumière.

(Pourquoi le spirituel et la littérature, comme l’huile et l’eau, semblent refuser de se mélanger sous ma « plume » ? Pourquoi ce besoin du détour par le sarcasme pour me protéger de… mon propre cynisme ? À explorer : ce que ça dit de la littérature, ce que ça dit de ma spiritualité, ce que ça dit de moi – mon allégeance rampante et médiocre à la réception)

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