A propos de François Tastet

J’ai trente-deux ans et j’enseigne les sciences naturelles à Paris. J’ai grandi dans la région bordelaise, près de l’océan. C’est la discipline de fer dont j'habille ma pratique de l’écriture qui apaise mes démons, règle mes journées et me fait voir le beau. Pour écrire, il me faut : lire, aller au cinéma, marcher seul loin de la ville et savoir mon corps capable de mouvements compliqués. Certains de mes textes ont été édités dans des revues à très petit tirage. Je brouillonne dans des cahiers d’écoliers dont on peut consulter certaines pages ici https://cahierdetravauxpratiques.notion.site/Cahier-de-travaux-pratiques-v-2-711e5b0ec46f45889271102f9b69e8e8.

#anthologie #09 | je vis casqué

il n’y a pas d’instants où j’ai pris le chemin opposé, où je suis notablement sorti du rang ; j’ai toujours suivi la ligne, soit celle que l’on traçait pour moi, soit celle que l’on me conseillait de tracer, soit celle que je traçais dans l’aval avant de remonter la pente pour la suivre,c’est un triste constat : si mes Continuer la lecture#anthologie #09 | je vis casqué

#anthologie #08 | le roi est mort

C’était seulement lors de notre deuxième nuit passée ici que j’avais remarqué la présence de cette seconde porte dans la chambre. Une table de chevet bien garnie en bibelots ainsi qu’une tapisserie la fondaient dans le décor, et rien dans l’architecture de la maison ne laissait suggérer l’existence d’une pièce supplémentaire. Maude n’avait pas voulu qu’on en discute ce soir-là Continuer la lecture#anthologie #08 | le roi est mort

#anthologie #07 | lumière selon Kafka

Je suis dans cette maison extraordinaire, sur le canapé du salon. Tout ici m’est encore inconnu et l’accumulation des œuvres ne va pas aider à lever le voile. Le soleil use le tapis et y découpe les ombres de statues. Les terres cuites retrouvent, un peu chaque jour, la chaleur qui leur a donné, dans des passés et des endroits Continuer la lecture#anthologie #07 | lumière selon Kafka

#anthologie #06 | seul

Seul sur la route de sable blanc. Seul entre les javelines brunes. Seul sous le bleu, frappé par le halo, fort, fort. Seul à sentir la soif qui tire, le risque terrible de l’étincelle. Presque seul à avoir remarqué la présence du platane, borne incongrue, stèle à la poésie des Anciens. Seul à se rendre compte que les plants d’hier Continuer la lecture#anthologie #06 | seul

#anthologie #05 | Gollum

Je sens ma chair de poisson rouler contre mes os. Je vois un écureuil sans queue, une chauve-souris sans aile, un gobelin sans dent, une araignée à laquelle on aurait arraché moitié de pattes. Au fond de mes globes, il reste l’avant : mon sourire, les vertes collines, mais c’est l’obscurité pour moi maintenant, la moiteur des grottes qui blanchit Continuer la lecture#anthologie #05 | Gollum

#anthologie #04 | maisons

  1. Ce projet, toujours repoussé, de consigner avec précision les adresses de tous les endroits où j’ai habité.
  2. L’idéal serait une pièce blanche avec une grande fenêtre, un bureau en bois de seconde (au minimum) main, une chaise raide, un tableau, une plante — peut-être un cactus —, une bibliothèque de travail, un futon et un rocking-chair pas trop imposant.
  3. La bicoque des Stamper, les maisons des Caskey.
  4. J’habite plus souvent ma tête que le toit qui m’abrite.
  5. Les quatre mille touristes journaliers piétinent la rémanence des hommes qui croupissaient là, sur cet exact sol, entre ces exacts murs. Beaucoup plus que l’audioguide, ce sont les écailles de peinture sur les barreaux qui m’ont ouvert, pour quelques secondes, une brèche vers eux.
  6. Un colibri niche dans le jardin. Sur la highway, les GMC vrombissent.
  7. Il m’a fallu longtemps avant de me sentir chez moi chez elle. Je n’arrive toujours pas à savoir ce qu’a été le déclic. Peut-être l’acceptation que cet endroit ne serait jamais chez moi.
  8. Une maison coûte cher, particulièrement si la moquette est épaisse dans les escaliers.
  9. Il ne m’est arrivé qu’une seule fois de dormir dehors, par terre. Ces quelques heures résonnent encore en moi.
  10. C’est la Maison des feuilles qui me logera cet hiver.

#anthologie #03 | chambre à air

Il y a ce toucher presque poisseux, cette odeur poissonneuse, ce bruit de friture lorsqu’on la déroule. Il y a cette angoisse que tout cela prenne plus longtemps que le temps dont on dispose . Il y a de l’énervement, de la chaleur, de la sueur sous les aisselles. Déjà, les doigts sont douloureux et sales. Je la gonfle à Continuer la lecture#anthologie #03 | chambre à air

#anthologie #02 | Alexandre

Une porte légère, qui se coince contre la moquette lorsqu’on l’ouvre ; sa poignée souple ; une étagère de bois aux planches minces et striées ; des Sciences & Vie qui s’entassent ; une boîte de puzzle pleine de poussière qui promettait de construire la Terre en 3D, quelques morceaux encore assemblés, vestiges d’une tentative avortée ; les fondations abandonnées Continuer la lecture#anthologie #02 | Alexandre

#anthologie #01 | Jean Moulin

Sonner, saluer la loge — plutôt réflexe que politesse. Lino pisse, carrelage, escalier, poussière, parfois crachats. Saluer Frédérique, prendre soin d’éviter la condescendance d’une fausse proximité. Parler du temps plutôt. Photocopies. Pour éviter de bavarder, paraître occupé. Encore des escaliers ; allumer les néons — ting ting ; allumer l’écran ; enlever une ou deux couches ; vider la gourde Continuer la lecture#anthologie #01 | Jean Moulin

#anthologie #00 | bébé nageur

Depuis la fusion, je suis une machine. Impossible de lire le mode d’emploi dans son intégralité, mais je sais qu’il manque des pages. J’appuie sur des boutons, fait tourner des manivelles, tire sur des leviers, des nouveaux, des anciens, des polis par l’usage, des toujours inconnus. Je grince, je couine. Il manque déjà des dents à certains de mes engrenages. Continuer la lecture#anthologie #00 | bébé nageur