autobiographies #14 | les deux tanches

Les deux tanches presque immobiles sous le pont de l’voie, ce tableau.

Le goudron fondant, qui collait aux tongs et aux pieds.

La terre noire des marais, son odeur de tourbe.

Le fou dans son bleu de travail qui nous faisait peur.

Le grand dogue allemand beige du garage, l’accélération de nos pas.

Le parc, les enfants heureux et criants, alors on crie, comme eux.

MME P. et son dos tout courbé, ses deux grands yeux bleus pleins de tendresse dans son corps de sorcière.

L’odeur du cerf, bien longtemps après son passage, même les hommes sont excités.

Les fourmis volantes de la fin aout, la fin des vacances arrivent.

Les petits loirs éclatés sur le trottoir par les bêtes.

Leurs regards, leurs forces, ils ont été nourris à quoi?

Les fantômes assis sagement sur les sièges passagers, qui vous parlent peut-être, on se demande s’il va falloir acheter un bus pour les transporter, est-ce que les fantômes doivent attacher leur ceinture de sécurité?

L’arrivée au service pédiatrique, le regard étonné du jeune médecin un peu con.

Le couscous de Mme B., je crois que le secret c’est la semoule.

Le diamant qui se pose sur les trente-trois tours, ce petit silence avant la musique.

La MZ 125, une grosse moto, la première sur laquelle je pouvais monter.

Le sable grossier de la plage de Galeria, le masque, le tuba, les palmes, le froid qui vient après plusieurs heures dans l’eau.

Les osselets qui vous écartent les doigts, on lance et on ramasse.

La chaudière qui ne démarrait pas tout seule dans ce foutu sous-sol.

Ma main sur son cou, ce jour là sous ce soleil.

Le Larousse des chiens, lu, et relu jusqu’à l’écoeurement.

La bourde qui a fâché le forain, j’ai parlé trop vite.

La grande vadrouille, ensemble, rire avec les autres, les siens, quel bonheur.

Les dents de la mer, l’angoisse en entrant dans l’océan après.

Les roues de travers des R8 GORDINI, des voitures de rallye.

Les Blues Brothers à 18H, cette musique, John Lee Hooker, la transe.

Ce clochard qui tabasse son chien, encore, et le chien qui reste.

Ses colères rouge et sa tendresse, sa capacité à se taper sur les doigts avec un marteau.

Ses jambes sur le bureau, difficile de se concentrer.

L’anguille dans un rayon de soleil qui dévorait tranquillement l’oisillon mort.

La pluie sur les chemins qui libère les parfums de la campagne, l’odeur de la liberté.

A propos de Laurent Stratos

J'écris. Voir en ligne histoire du tas de sable.

2 commentaires à propos de “autobiographies #14 | les deux tanches”