#Boost #14 | soir de juin

Soir de juin. Jour long. Ta fenêtre baille au nord. Coup d’œil. Là. Passant. Coup d’œil traversant. Oblique. Par ta fenêtre au nord cap aux verts. Coup d’œil obliquant sur jardin. Inventaire de propriétaire. Vue sur houx. Rosiers sans fleurs. Olivier. Pots divers. Herbes en friche. Chemins tondus. Trois avec Pâquerettes. Atelier maison crépi moche. Chaises. Table. Chiures de pies. Gamelle de chatte morte. Ciel par-dessus. Juste un nuage pour dire . Balles et ballon. Ballon Crevé. Doux soir de juin. Par la fenêtre nord traversant. Cap au sud à travers vitre. Toi dans ta pièce verre en main buvant. Lui dans sa terre. Intérieur vers extérieur. Du dedans vers dehors. Vue sur jour en extinction. Vrai jour encore. Ambré. Vrai jour de soir allant vers sa fin. Vrai jour de juin en descente lente. Calme. Vent en berne. Mais de ce côté. Voire ici. Là. De ce côté de la vitre au nord. Dedans. En intérieur. Ton corps qui bouge. Trop de mouvements encore. Ton corps tout à son agitation. Mouvement comme pellicule protectrice. Armure de gestes. Ton corps. Lui. Agité. Assoiffé. Bavard. A ce moment ldu moment. Ici. Là. Tout de suite. En ce commencement de soir. Ça bouge encore. Trop. Encore. Coup d’œil oblique. Mâchoires serrées. Coup d’œil oblique précipité. Pieds en aller-retour. Coup d’œil avalant la mousse d’ambre. Visitant ses peurs. Œil traversant par nord. Se parlant avec gestes. Trop. Regardant l’or dehors avec agitation. Buvant. Marchant de long en large. Corps bavard. Pour finir ça commence par cette agitation. Du moins ce soir. À force d’aller-retour creuser son calme. Toucher à l’immobile par le mouvement. Jusqu’à épuisement : that’s my character disait le scorpion à la grenouille traversant la rivière sur son dos avant de la piquer. Bouger encore. Passer d’une pièce dans l’autre. Aller d’une pensée à l’autre. Toujours une bonne raison de ne pas se poser.  De ne pas s’arrêter. Pense à ce tableau devant lequel ton cœur avait cessé de battre. Ton cœur à l’arrêt ce jour-là . Pense à ce rouge d’apesanteur. De pure couleur. Pense à ton corps devant lui. Immobile. Ton corps devant le tableau comme sur la pointe des pieds. Bras longs. Mains longues. Tout immobile. Immobile mais ouvert. Jusqu’aux cils. Tout calme. Recevant. Ce tableau qui t’avait saisie par le col avec douceur. Et d’un coup plus rien ne bougeait . Mets-y toi face au soir de ce soir comme face au tableau de ce jour-là. Ne bouge plus. Regarde. Tout se couvre d’or. Là dehors. Mosaïque du couchant. Mais regarde. Tiens-toi tranquille. Là sur cette chaise. Là assise. De paille et bois cette chaise un peu bancale comme toi. Tiens-toi là immobile. Toute yeux. Comme tu te tenais face à la femme dans la lumière qui tenait sa tête hors de son trou pour s’y enfoncer lentement tout à fait. S’enfouir . La femme sur la scène. La femme comme le jour qui tombe. Comme la charge lente du rideau du soir. Elle avec ses mots. En extinction. Comme l’orange disparaissant à l’ouest. Tombant doux derrière la terre. Tirant sa nuit. Et ce bleu dans le prolongement. Pense à toi enfant devant celle qui bougeait les lèvres dans la lumière de la scène et tu ne bronchais pas d’un pouce. Ni d’un cil. Tu gobais bouche ouverte. Pense à cette sidération douce. Offre au soir ta manne contemplative. Arrête-toi de bouger. Sors ton calme offre le au soir. Il le réclame. Pense au tableau. A l’éblouissement du tableau. Pense à la femme au trou dans la lumière. Mets-toi sans remuer devant la fenêtre. Prends l’or du soir pleine face. Vis-le. Mets- toi face au déclin du jour. Déclin. Voila le grand mot. Le mot tragique. Mets toi juste face à l’effacement de ce jour de juin. Son extinction calme. De presque été. Bois sa lenteur. Tu bouges encore. Suspends la robotique intérieure. La saccade respiratoire. Le tressautement. Reste là assise. Mains calmes. Par le travers dehors contemple. Par l’ouest le couchant creuse son lit.  L’autre rive se dore. Vitesse lente. Ton corps s’est déposé. Ton corps se plie au bois de cette chaise . S’y informe. S’y oublie. Tout à l’orange en décroissance. Tout à la course ralentie du jour vers la nuit. Extinction toute proche . Affaire de minutes. Charge lente du rideau avec couleurs. Sans précipitations. Reflets . Éclaboussures. De l’orange au bleu en passant par les roses. Arrosant d’or la mosaïque de verts. Et ce fouillis de jardin assoiffé. La terre desséchée. Feu ta journée bientôt. S’étirent les ombres. Vient  le sombre. Viendra la nuit. Pour finir. La nuit. Elle encore. La même pas la même. Elle. Toi assise. Fenêtre pleine face. Vous. Toi. Et la nuit. Dehors dedans. Joli soir de juin. De presque été. De presque nuit. Toi. Immobile. Bras nus. Pieds aux barreaux de la chaise. Œil traversant. Versant nord. Cap au sud. Mâchoires déliées. Langue au repos dans la cavité humide. Dents calmes. Toi tout au jour t’effaçant. Tout au jour s’effaçant. Toi tout à l’éblouissement du passage. Ultime Grand huit des ors. Jet de roses. Puis repos. Pas un souffle. Pas de drapeau dans le canal. Juste une pie. Le battement de ses ailes. Juste sa crécelle. Toi immobile. La mosaïque verte s’exténuant. Ors glissant vers l’abime. Là juste derrière la terre. Et bleu. Puis noir.
 
 
 

A propos de Nathalie Holt

A commencé en peinture, a vécu de théâtre et d’opéra, des années de scénographie plus tard ne photographie pas que son lit, tient son journal en images, écrit et marche chaque jour a publié un peu pour aller au bout d’un geste ( Ils tombaient ) ( Averses) https://www.amazon.fr/stores/author/B09LD7R2KY . Écrit pour lire.

9 commentaires à propos de “#Boost #14 | soir de juin”

  1. « Toi tout au jour t’effaçant. Tout au jour s’effaçant. Toi tout à l’éblouissement du passage. »
    Merci Nathalie. Quelle force dans ce rythme qui donne son temps au temps.

  2. magnifique et méditative, cette bataille mot à mot contre le soi tout agité et cette épiphanie finale… Bravo!

  3. La lenteur, la menace, la paix, la mort, la vie, la joie, l’extinction…
    « armure de gestes »
    « Creuser son calme »
    « sidération douce »
    « manne contemplative »
    Etc…

  4. « Mouvement comme pellicule protectrice. Armure de gestes. « À force d’aller-retour creuser son calme. Toucher à l’immobile par le mouvement. »
    « Mâchoires déliées. Langue au repos dans la cavité humide. Dents calmes. Toi tout au jour t’effaçant »
    C’est tellement dommage, ce découpage que je fais, quand tout dans le texte est lié comme fondu progressif, depuis les mâchoires et les dents aussi qui ne sont pas oubliées.
    Et ce « pense à ce tableau ».
    En fait tu peins avec des mots ( mais accordés de façon si particulière), tu réussis ce truc, le tableau, tu nous le donnes. Merci, Nathalie.