#enfances #07 | Odradek le baigneur

Nu la tête enfouie dans la travailleuse tout de cellulose rosée, sauvé du dernier recours en grâce, ses pieds potelés témoignent d’une solide santé. Pourtant une fois extirpé d’entre les boutons et bobines la tête rigide en sa matière semble ne plus appartenir à ce corps que par un fil élastique. En relief sa mèche de cheveux châtains moulée à même la peau, réclame les caresses auxquelles je m’adonne sans retenue.

Il écarquille des yeux bleus extasiés de tant d’amour reçu et même bat des cils, ses lèvres  sourient, compagnes de moments de complicité. Ce balancement suscite la curiosité me laissant fouiner, farfouiller son corps par l’ouverture assez large pour que ma main de ses doigts explore l’intérieur à chaque fois mystérieux et différent de ce qui se glisse au hasard des manipulations, pressions agrafes, emmêlés de fils inextricables, étrangeté de matières. Un ensemble me racontant à quoi peuvent ressembler nos intérieurs, une histoire de chairs molles ou dures, un fatras de sensations. Des bras, des jambes charnus retenus par des cordons. Pas d’autres fêlures, la matière à la fois lisse et tiède ; je ne le serre pas contre moi je le visite sans cesse à la recherche de trésors et de rêves. 

De ceux chuchotés par l’enfance.

6 commentaires à propos de “#enfances #07 | Odradek le baigneur”

  1. « Je ne le serre pas contre moi je le visite sans cesse… » Ce texte à farfouiller les intérieurs. Suivre cette main d’enfant aux doigts explorateurs. Merci, Raymonde. Amitié.

  2. L’insolite image de ce baigneur nu la tête enfoncée dans la « travailleuse » (j’ignorais ce terme, merci!!) qui à son corps ne tient plus qu’à un fil me plaît beaucoup. J’imagine qu’il attendait là une réparation dont il n’a peut-être jamais bénéficié. Et puis cette main qui explore les intérieurs, qui imagine, projette, voit – ce geste-là, sa curiosité, tellement enfantin… C’est fabuleusement rapporté, merci.

  3. quelle superbe approche…
    j’ai pensé un peu à une dissection, enfin pas tout à fait, plutôt une exploration du cœur de l’objet à l’aveugle
    très étrange et parfaitement réussi entre fils inextricables, matières, cordons et fêlures…