#été2023 #12 | La couchette du haut

Allongée sur la couchette du haut, je ne dors pas. Ou alors par courte séquence, lorsque les paupières se ferment et que le corps croit chuter. Chaque gare desservie relance l’attente du sommeil qui ne vient pas. Chaque nouvel arrivant m’éloigne de Morphée, peut-être ne sait-il pas que d’autres passagers occupent déjà le compartiment et que les plus chanceux dorment déjà. Le contrôleur est également responsable, lorsqu’il entrebâille la porte coulissante et prévient le dormeur heureux qu’il est bientôt arrivé à destination. 

Dans ces moments là, la veilleuse du couloir permet d’apercevoir ces inconnus qui partagent votre nuit. 

Allongée sur la couchette du haut, j’observe ces abandons intimes des corps endormis. Ceux qui dorment sur le ventre, un bras passé affectueusement sous l’oreiller au logo de la SNCF. Savoir qu’il dort avec un oreiller-doudou et ne pas connaître son nom ni même le son de sa voix. Ce petit oreiller posé sur la couchette, propre et emballé de son plastique que l’on s’empresse de déchirer pour marquer son territoire des heures à venir et que l’on abandonnera sans un regard au matin. Ceux qui dorment tournés vers la parois du compartiment, pour oublier qu’ils ne sont pas les seuls dans ce lieu. Ceux qui dorment sur le dos, s’étalent comme dans un lit king size, débordent des bras et des jambes sur la travée centrale et sont protégés de la chute par les deux sangles dont ce n’est pas la fonction première. 

Allongée sur la couchette du haut, j’écoute ces sommeils. Les discrets que l’on oublierait presque, les bruyants qui se tournent d’un côté puis de l’autres, les soupirants qui ne trouvent pas le sommeil et souhaitent le communiquer à tous, les rêvants à petites phrases incompréhensibles et la hantise de tout voyageur : le ronflant, dont l’asphyxie intermittente vous pochera sous les yeux pour le reste de la semaine 

Allongée sur la couchette du haut, je me souviens de ce voyage de nuit entre Lyon et Rennes, je devais rentrer précipitamment, j’ai pris le premier train après les cours. J’étais seule dans toute une voiture. Pleine de sollicitude l’employée ferroviaire m’a proposé de me déplacer dans la seconde voiture où il y avait déjà un passager. J’ai refusé : partager sa nuit avec cinq inconnus dans un compartiment, c’est banal mais accepter qu’il n’y ait qu’un seul autre dormeur non.