hors-série #impératif | regarde et ne tue point

C’est une terreur sans phrases sans paroles sans mots quand l’inattendu a raison de toutes les supputations de tous les doutes de toutes les conjectures
Pourtant ne sombre pas n’enfouis rien qui lacère n’enterre rien qui ne resurgira
De la torpeur avilissante extirpe-toi. Aucun ciel encore ne t’a brisé le crâne et la terre sous tes pas ne se déchire d’aucune urgence, aucun corps ne gît aucun glas ne sonne
Bafouille bégaye écris amorce quelque chose un cri une douleur une honte peut-être hurle au jour et puis émerge de tes draps 
Jamais ne tombe dans la misère des mots futiles, n’ajoute pas l’inutile au bruit des bombes
Au dehors les foules humiliées grandissent, bondis hors de toi, parle leur langue, arpente leurs rues épaule contre épaule, 
Expulse l’apathie, tout ce qui ravine et remue contemple-le en face
Cesse les lamentations, ne t’ensevelis pas dans les jérémiades et la férocité des hommes. Ailleurs ailleurs plus loin dans le passé si proche entends la peur des autres enfoncer les frontières 
Il y a longtemps déjà les images de déserts aux ventres défoncés, les bibliothèques écroulées, les vapeurs de gaz sur les cohortes de désespérés, le désarroi légion sur des embarcations qui n’atteignaient aucune rive, le grondement des arbres que l’on abat et les voix des peuples oubliés…
Les regards effarés que tu adresses aux dieux aux anges ou aux prophètes arrache-leur l’effroi, choisis d’être lucide, à la houle des larmes préfère les marées 
Ecoute l’écho de la barbarie, de l’injustice, de la sauvagerie et de l’indifférence qui joue en sourdine tandis que le métro repart que le café coule dans les gosiers que les moteurs avilissent l’atmosphère
Et puis dénoue chaque lambeau de violence en toi de fureur de véhémence 
Accroche-le au vide abandonne-le aux cendres 
Pose un œil lumineux sur la noirceur du monde et sur la cruauté déverse une insolente douceur
N’oublie rien 
Regarde et ne tue point