#été2023 #lire&dire | dire ce qui arrive

Pas seulement écrire avec application. Pas seulement poursuivre avec ce désir personnel de trouver des chemins neufs, d’inventer des tas d’histoires. Pas seulement se lancer de nouveaux défis. Pas seulement travailler au silence de soi. Dire aussi cela — du moins tenter. Dire ce qui arrive à la lecture attentive des autres jours après jour.

Je suis fidèle à l’atelier Tiers Livre depuis l’année 2017 et l’idée s’est renforcée en moi que se limiter à l’écriture « pour soi » ampute de moitié les bénéfices de l’atelier. Il y a comme un retour qui s’effectue à force d’allers et retours vers les textes des autres, un renforcement des sillons où ça creuse, où ça bout. Pas de profit sans investissement (puisqu’en ce moment on parle d’argent dans l’atelier d’été !), pas de récolte sans accompagner la croissance. C’est un fait : se relier au travail des autres amplifie le nôtre, nous anime en persévérance et en modestie. Au contact on « s’enrichit », un peu comme si on sautait et criait tous ensemble sur un trampoline. J’ai envie de dire que ne pas trouver le moyen d’aller visiter les autres est se priver d’une part immense d’avantage et de plaisir. Et puis autant que possible laisser trace de son passage, relever une phrase qui touche, poser un encouragement — quelque chose qui doit venir du cœur. Car le partage fait partie du projet et de l’expérience sans compter l’idée de légitime retour vers ceux qu’on côtoie virtuellement et émotionnelle-ment, aussi vers celui qui invente sans cesse, bouscule nos limites et ouvre pour nous des brèches imprévues.

aussi vers celui qui invente sans cesse, bouscule nos limites et ouvre pour nous des brèches imprévues.

Photographie, ©Françoise Renaud – Pulsion vivre, 2020

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

13 commentaires à propos de “#été2023 #lire&dire | dire ce qui arrive”

  1. Très beau texte tellement vrai. Oui on s’enrichit, on s’agrandit de la lecture des autres, on sème, on récolte, on y puise du courage aussi.
    Merci Françoise pour ces mots si justes.

    • je trouve vraiment que ces échanges font partie de l’engagement qu’on a dans l’atelier, sinon autant prendre des cours par correspondance ou mettre sa main pour cacher ce qu’on est en train d’écrire, s’en revenir à son petit ego d’écrivain qui se croit écrivain…
      aller vers les autres, les lire, actionner sa bienveillance et sa curiosité…
      merci Emmanuelle, alors à ton tour…

  2. Tout à fait d’accord avec toi, Françoise… Beaucoup aimé l’image du trempoline :)) n’y aurais pas pensé !
    Il m’arrive aussi de ne pas commenter, ne sachant que dire à part « beaucoup aimé », mais peut-être que je devrais. Je voulais écrire quelque chose sur « Commenter », on verra

    • oui Muriel, si l’envie est là, alors il faut s’y coller…
      Commenter… oui bien sûr, un sujet comme en prolongement de la brèche ouverte ici, dans cette tentative…

  3. Tout à fait d’accord avec toi, Françoise ! Parfois, une petite phrase et une porte s’ouvre, met un point d’interrogation quand on avait déjà pensé au point final. Parfois aussi, on n’y croit pas, mais les autres croient pour nous. Des univers différents, différentes manières de dire et de penser. Merci d’y avoir pensé et de l’avoir dit si bien !

  4. Même commentaire que pour Catherine, je serais curieuse de te lire exprimer ce que génèrent ces frottements, en quoi l’altérité te permet en retour de mieux cerner ce qui te touche et te plaît, ce qui fait noyau dans ce que tu écris, curieuse aussi de lire en quoi telle ou telle remarque t’auront conduit à découvrir certaines choses et les prolonger, cela m’encourage moi-même à faire l’exercice cela dit…

    • Hello Marion,
      Je crois comprendre à la deuxième explication ce dont tu parles, il y a moyen déjà d’accéder à tous les commentaires par le tableau de bord et de trier, un travail de chenille patiente mais possible de suivre des fils,

    • Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que tu veux dire…
      Ici je voulais simplement écrire quelque chose de général sur l’atelier, exprimer l’importance de toucher du doigt les recherches des autres en parallèle, l’enrichissement que ça procure, et le plaisir…
      le noyau de ce que j’écris ne vient pas des autres…
      de temps à autre une remarque peut alerter sur un point important, ouvrir une piste, mais la plupart du temps son effet majeur est de soutenir… comme vient de m’écrire Michaël Saludo : « Chaque avis est un puissant encouragement à persévérer. »

  5. Merci Françoise pour ce beau texte inspirant. Je te rejoins: les retours encouragent, soutiennent. On oublie peut-être parfois ce qui est franchi pour écrire, et que c’est – au moins dans certaines phases, certaines étapes – difficile. Pas seulement techniquement mais éprouvant moralement. Le collectif – même si les commentaires ne sont pas énoncés, et j’ai envie de dire même si les textes n’étaient pas lus – joue son rôle de contenant. On se lit à la vitesse qu’on peut, au rythme possible dans les contraintes de chacun mais tu as raison de souligner l’importance de le faire, surtout dans un atelier à distance.
    Personnellement ce qui vient du collectif, de la trame générale, la toile de l’ensemble des textes, le petit bout que je peux en suivre, et qui agit dans mon écriture, c’est en amont : dans la façon dont chacun s’empare de la proposition pour l’amener à soi. C’est là que je me dis  » ah oui, d’ici on peut dire ça, et de là on entend ça… « . Et on perçoit sa voix narrative là-dedans. Elle peut bouger, mais elle passe à un endroit et s’y pose. Je vois ça comme une danse des voix, une chorégraphie d’espaces d’énonciation possibles. Petit à petit les espaces sont plus mobiles, sans perdre son timbre pour autant.

    • J’aime beaucoup quand tu écris « d’ici on peut dire ça, et de là on entend ça… » En effet ça fait bouger des choses en nous et on ne peut pas toujours dire quoi ni où exactement…
      Belles, tes images de « danse des voix » et de « chorégraphie d’espaces d’énonciations possibles »…