#été2023 #03bis | Quatre bars

Le maitre disait : les carrés sont néfastes. Il faut les diviser en triangles. Quatre : Carmel, La femme de l’Égyptien, Les Rochs, Les Boeuf. Ce sont les quatre à avoir un bar.

La femme de l’Égyptien : Quand il a su que j’allais fermer, il est venu me voir tout sourire, Carmel. Comme s’il voulait racheter le fond. Je lui ai dit non évidemment, sans même le laisser parler. Je ne veux pas d’histoire. D’où sortirait l’argent? Les Rochs, et elle souffle comme un chat presque. N’ajoute rien. C’est une famille, ils sont d’ici. Ils peuvent se permettre des choses. Ce que j’ai dû faire pour que cela reste propre ici, pour nettoyer. Les autres ne font rien, alors forcément il y a du monde, des affaires. Le bar Bœuf, oui, ils ne trempent dans rien, oui, mais l’oncle a été maire et il y en a eu des combines mais je ne peux rien te dire.

Carmel, on va dans son bar évidemment, même si on sait ce qui se passe autour et dedans. Les maitresses d’école envoient chercher leur café du matin. Il a une grosse voiture neuve. Il ne dit rien de mal de personne en public. Son succès est insolent, il est nonchalant, de bonne humeur. Il ne voudrait pas de dispute. Il est certain de gagner. Il tient à la médiocrité de ses concurrents. C’est important qu’ils existent, qu’il ne soit pas tout seul.

Les Rochs sont une des familles du village. Il y a une rue à leur nom. Un parent, un ancêtre. Ils sont beaucoup. Le père, la mère, les trois filles, le fils, le fils du fils, et Giu. Ils ont repris le bar qui était géré par Carmel quand il s’est déplacé de l’autre côté de la place pour reprendre le bar plus grand géré par le Mac. Ils sont là à tour de rôle, la mère rarement, le père le matin tôt, deux des filles rarement, toujours à deux, même si l’espace est restreint. Le fils ou le père gouailleur parlent des délinquants, avec des sous-entendus, des coups d’œil se dirigeant vers le côté opposé de la place, et par là même s’en excluant.

Au bar Bœuf, il y a du monde On se gare en double file. On se serre au comptoir dès l’aube. Il y a le tabac à côté. On travaille, et vite.On ne dit rien. Pas le temps de raconter, de s’étendre. Gagner jusqu’à un jour pouvoir revendre, arrêter, se reposer. Il faut éviter le malheur. Juger coute cher.

A propos de Tristan Mat

Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. A la main. Site http://www.tristanmat.net/ Profil Facebook: https://www.facebook.com/tristan.mat.735