Rien

ELLE : Là. Rien. La tête qui crève en feu, la douleur atroce, atroce. Le vide horrible de l’écran vide, du petit couteau, là, le couteau petit qui émerge et m’éclate et puis sombre, sur la page blanche, et revient, là, là, tu vois ? Je vais être folle. Je suis folle. Oui. C’est peut-être l’écran comme le corps de ma mère, son ventre, qui m’avait fait naître un jour au monde. Froid c’était, gluant. A ce ventre je m’y collais pour vomir. C’est immonde. Tu y meurs. Je regarde la petite lame qui émerge et se noie sans cesse, une coupure dans le vide et le ventre. Je vais revenir aux temps d’avant de la vie, avant tout, tout. Je vais vomir.

L’AUTRE : Tais-toi. Tu mens. La lame n’est pas une lame. Ce n’est rien. Tu vas bien, très bien même. Écris un mot, écris ce que tu viens de dire. Commence à fumer. Ça va. Tu ne sens plus le froid. Le fil noir automatique commence à envahir l’écran. Regarde c’est comme des blattes qui rongent l’écran c’est drôle non ? C’est toi. Pas de vide. Des mots familiers, la douceur des courbes des petites lettres noires, tes yeux, tes cils noirs, tes lèvres, une fiction, là encore. C’est beau. Fume.

ELLE : Oui. Imagine si la cigarette elle disait ? Attends, je vais dire… – « Brûlure folle de chair et de peaux. Ses doigts froids. Je touche presque à l’abîme blanc que je peux brûler, là, encore un peu plus près. Les mots de l’encre naissent de ma fumée, comme un rêve éteint. Je suis là entre deux flottements hagards, entre deux vides. C’est moi le ventre. »