SOLS #1

L’HOMME ABRASIF/ Oh sol,  qui sous nos poids plie sous nos roues chauffe transpire et  fond ! Tes couches d’assise de liaison et de roulement, stabilisants de nos chaussées. Couper coller, Quatre-vingt pour cent de colle, il faut que ça tienne que ça résiste à nos camions,  trafics de marchandises, à nos conteneurs à nos palettes   à nos achats et à nos ventes, à nos  bagnoles et  à nos SUV.  Oh sol sous nous !  béton bitumeux étanche, ou drainant, stone mastic asphalte,  je te  inhale-exhale.De tes micro, nano particules, hydrocarbures et  dioxyde d’azote, béton bitumeux, goudrons, mastics et autres vapeurs d’asphalte,  j’emplis mes alvéoles. Nos végétaux bio-indicateurs tombent malades et crèvent. Oh sous -sols, terres profondes, eaux souterraines  êtes-vous  encore,  vivants ? Si oui, faites  un  signe,  dites quelque chose !

FAIRE CORPS AVEC/Pattes nues sur la terrasse, longues antennes et sans ailes, taches rouges et noires d’un centimètre de long, venues de partout comme s’il en pleuvait,  bataillons de  gendarmes mobiles  raboutés les uns aux autres défilent en diable et  en uniforme sur la dalle de granit. L’autre jour, je leur ai offert une framboise, ils n’en ont pas voulu. Amateur  d’art  et de soleil, « Pyrrhocoris apterus » cherche seulement la bonne exposition. Ventre nu  sur la terrasse, c’est le tout  premier,  un très petit lézard sombre et commun ce soir vers dix-sept heures,  sur le granit, sur le pas japonais, se dorait la pilule ; plat ventre coulé dans la pierre chaude, abandonné. Aucun de nous deux n’a bougé. Suspendu, camouflé, Il venait m’apprendre la grande forme, l’art  de faire corps avec la pierre.

JUSQU’AU DERNIER /Fils conducteurs dans la trame : tapis de feutre lie de vin de  l’escalier du château de Fesles, tapis sisal  gratte cul dans l’immense salle de jeu de la maison de Nesles,  peaux de moutons bêlants au pied de nos lits. Estrades, grinçants parquets : dangers au tournant de nos récitations, de  nos  brèves échappées nocturnes dans la chambre voisine. Béton de l’escalier, dalle de la cave où nous avions notre salle de bain. Sols, entresols, sous-sols, bataille de nominations, de sons de cloche : balatum linoléum mélaminé. Rêve pourtant, de kilims et autres marbres blancs, sables dorés.Street art sous voutes plantaires, marelles  dessinées  à la craie, pour pieds et contre-pieds, à gazon ronron caresse. Jusqu’à quel point faut-il ?  Courir marcher danser ? Compter nos pas ?  Jusqu’au dernier.