#nouvelles boucle 3 #02 | Gaëlle Obiégly, Sans valeur

vers une éco-poétique


 

boucle 3, #02 | Gaëlle Obiégly, Sans valeur


D’abord, on revient à ce livre essentiel de Gilles Clément, Traité de l’art involontaire, textes plus photographies couleurs plus photographies n&b plus dessins de l’auteur, et une construction à échelle planétaire, dont l’organisation en elle-même est une invite à l’exploration.

Et de là une axiomatique : ce qu’on explore sous le nom d’éco-poétique ne saurait être un genre en soi, mais plutôt comment se reconfigure la littérature — et l’histoire peut en être rétrospectivement reconstituée bien en amont des dernières décennies — lorsque s’établissant depuis un point d’énonciation hors d’un pré-acquis d’une domination de l’homme sur ce qui l’environne. Préoccupation évidemment démultipliée dans le contexte de l’anthropocène.

Pour Sans valeur de Gaëlle Obiégly (Bayard, 2023), l’argument est simple : lors d’un « running » autour de son domicile parisien, la narratrice s’arrête auprès d’un tas de débris posé sur un trottoir, incluant un livre, un ticket de PMU, un billet de bus EuroLines, finalement on n’en saura pas beaucoup plus. Mais elle emballe le tout dans un cageot récupéré de l’épicerie voisine, et le stocke dans deux de ses chambres successives. Et voilà comment, sur 140 pages, vont se succéder avec une virtuosité symétriquement inverse de la simplicité apparente une bonne vingtaine de figures quasi autonomes de l’archive, ce qu’on garde ou pas, l’intérieur des sacs de la maternelle à la fac, les appareils photo-jetables du temps d’avant les smartphones, les vêtements recyclés ou d’occasion, les déménagements eux-mêmes avec les archives emportées ou jetées. Et, en arborescence depuis le récit personnel, des figures plus indépendantes : une visite au dépôt légal de la BNF, Andy Warhol récupérant des chutes inutilisées de films, ou — extrait à télécharger — le « trésor » constitué à New York par un éboueur dans le local même où sont garés les camions.

Et proposition volontairement simple (on est à nouveau dans notre registre des « marches d’approche », accumulation de matériau, constitution d’un territoire) : si je cherche pour moi ce qui correspond à la suite des figures rassemblées ici, autour de ce petit tas d’ordures dont on ne disposera même pas de l’inventaire précis, je trouve au moins trois pistes possibles (la grange de mon cousin Brocq à Damvix, le service des objets perdus de la ville de Paris, les décharges de récupération de matériel informatique occidental en Inde, mais liste non limitative).

Alors, vous, sur ce thème des archives, du jeté, de ce dont on se débarrasse et comment ou pourquoi, vêtements, sacs, photos, ou de ce qu’on a récupéré, de ce qu’on garde parce qu’anonyme ou récupéré, vous ajoutez quoi à cette liste qui pourrait devenir mémoire collective ?

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 2 juin 2024
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