< Tiers Livre, le journal images : 2020.02.02 | Chambord en hiver, et libraire vexée

2020.02.02 | Chambord en hiver, et libraire vexée

une autre date au hasard :
2020.06.21 | beau, 35 fois beau

Yannick Mercoyrol a eu l’air un peu surpris puisque je n’ai même pas ralenti, mais en ce moment j’aime bien faire des expériences à la Daïdo Moriyama, le GH5 à bout de bras et faire 5 ou 6 photos sans viser ni cadrer en moulinant les angles, vrai qu’avec celui qu’autrefois dans les charades on appelait « Anchois Pommier » ce n’était peut-être pas hyper respectueux, mais ça renvoyait à notre échange tout premier, quand Yannick m’avait proposé d’ouvrir ce cycle de conférences qu’ils proposent un dimanche par mois, dans le sein même du château de Chambord, je lui avais dit mon chantier Lovecraft à New York, qu’une impro Proust ça serait top aussi (ce sera le samedi 13 mars, à Paris, musée Henner, j’en reparlerai !), et que Rabelais à Chambord ça me semblait un peu trop consanguin.

Mais il a insisté : la première trace écrite du mot Chambord, c’est dans Rabelais, et moi Rabelais de Moncton à Kyoto en passant par le café Rabelais à Chinon, j’ai qu’à allumer les réacteurs. Puis, plus profondément, Rabelais et le pouvoir royal ça n’a jamais été simple, alors il n’y avait qu’à le considérer comme une revanche. Quand on parle un texte, les morts sont derrière votre épaule, ça triche pas.

Il faut dire que depuis ma 1ère lecture à Chambord, on est désormais reçu dans cette salle impressionnante, les anciennes cuisines, huit mètres sous plafond et vingt-cinq mètres de long (Fabrice Moonen, que je remercie de son accueil, rectifiera !), avec une vraie sono et micro HF enfin à la hauteur du lieu (et du plafond !) –– de quoi même donner à rêver venir là avec un ingé son comme Christophe Hauser et une vraie multi-diff à hauteur corps et non depuis le plafond, la réponse de la salle est très différente selon les fréquences, rien qu’avec 2 micros et un petit delay on ferait des trucs étonnants) mais l’equalizer est posé sur un soubassement de fenêtre il faudrait monter sur une chaise pour le régler : je dis ça sans acrimonie, puisque Yannick Mercoyrol est précisément en train de bosser, pour l’été prochain, à un concert de 4 saxophonistes grimpés à 15 mètres dans des arbres autour d’un des si mystérieux étangs du parc... c’est comme ça leurs idées ! Quand j’ai fini avec la Tempête du Quart-Livre, à la fin, je l’ai fait en acoustique loin du micro, et je crois que jamais le frère Jean n’avait engueulé Panurge le pleurard, le veau, assis sus ses couillons comme un magot d’une si grosse voix !

Et c’est Yannick qui m’avait suggéré d’apporter quelques exemplaires de mon Dedans Rabelais. Normalement je n’aime pas ça, après tout, les livres sont disponibles sur le site et voilà, avec même une librairie toute neuve, en service depuis le matin même. Sur mon étagère j’en avais 10, je les ai pris. À Nevers, récemment, avec le libraire ça s’était super bien passé : j’avais ajouté Commonplace Book et Erich Zann à ses propres livres, on avait gardé le même prix et il m’avait reversé les 2/3 de ce qu’il avait vendu, gagnant gagnant, chic type.

Mais là, bon, la libraire de Blois avait gentiment déployé quelques-uns de mes propres bouquins (Autobiographie des objets en poche, il s’en est vendu, plus ma vieille Folie Rabelais chez Minuit en 1990, pile 30 ans) et des Rabelais en poche, mais pas l’édition Pochothèque que je recommande, le Quarto « bilingue » (beurk : bi quoi ?), ou le Points « traduit » : non, si Rabelais écrit du coscosson dans un bourrabaquin ce n’est pas la peine d’écrire du couscous dans une marmite. Et la leçon de Paul Valéry : « l’ancien français est une langue étrangère qu’on sait d’avance », ça vaut pour aujourd’hui.

Reste que mes exemplaires sont partis en 20 minutes à la fin, j’en aurais eu le double que ce serait parti pareil, et au lieu de faire comme à Nevers, la libraire a dit aux gens que non, il fallait me les payer directement.

Moi j’avais trop à parler avec les gens, le livre est à 15 balles sur le site, mais je n’avais ni les frais de port ni la commission Amazon, le prix de fab c’est 2,80€ à peu près, donc j’ai dit aux gens : « 12 euros, 10 si vous n’avez pas la monnaie, ou ce que vous voulez », en fait je l’ai dit une seule fois au (François) premier, les gens mettaient leur billet (ou 2 chèques) directement sur la table et reprenaient leur monnaie, ça restait là comme ça en vrac, je n’avais pas la petite caisse en ferraille avec mini clé de ma voisine, et à une dame qui n’avait que sa carte bleue (ma voisine avait un lecteur de cartes) j’ai dit, malheureusement dit, je regrette de l’avoir dit : « Eh bien ça ne fait rien, prenez-le et puis c’est tout ».

Bon, non, c’est pas vrai, je ne regrette pas, les musicos font comme ça en fin de concert et pas d’aujourd’hui. Et puis les 80 ou 100 balles que j’ai ramenés (j’ai pas recompté, c’est dans une enveloppe parce que c’est pour Tiers Livre, pas mes dépenses perso, même pas à l’aire d’autoroute sur le chemin Auvergne retour) ce sera pour payer justement les 24 balles mensuels de la nouvelle boutique avec les livres et les podcasts, on s’habitue à tout ça, plus mon stock de nouveaux exemplaires à refaire dès ce matin (je dois recommander aussi Outils du roman qui part fidèlement).

>Je regrette que cette libraire de Blois, qui s’était déplacée en ce dimanche pluvieux d’hiver, ait remballé ses bilingues et ses poches sans me dire au revoir. Commonplace Book, par quoi l’aventure a commencé, nul éditeur pour en avoir voulu. Fictions du corps, dont elle avait un exemplaire, bellement édité avec des dessins originaux de Philippe Cognée (mon histoire avec Chambord et Yannick Mercoyrol est liée à Philippe Cognée) est chez un éditeur escroc qui ne m’a toujours pas remis ni un relevé de vente ni un centime de droits, malgré l’aide CNL qu’il avait touchée à condition que. Et ce Dedans Rabelais c’est à la base une suite de textes dont la 1ère version avait été publiée chez POL pour « La Collection », la toute première fois qu’on s’était donné le défi de publier un Rabelais selon la ponctuation des éditions originales, bien avant le web et c’est Yvan Leclerc qui m’avait sorti les fac simile de ces originales à la BNF.

Donc non, « amis libraires » comme on disait « amis disquaires » du temps que, il y a complémentarité et non concurrence. Je me prive de retourner dans une (petite mais ultra performante) librairie de ma ville, où j’ai acheté en 20 ans des dizaines de kilos de livres, sans compter les recommandations (tiens, Manganelli mais combien d’autres) parce que, la dernière fois, début de l’été dernier, j’avais payé avec la carte pro Tiers Livre et que ce gars que je connais en gros depuis un quart de siècle l’avait prise du bout des doigts comme si c’était du blanchiment de je ne sais quel trafic de merde, bon, tant pis, goodbye.

On est quand même à une bascule. Vraiment une bascule. Mais je crois bien que c’est à part égale. Quel dommage d’en être arrivé là. Question collectivement posée.

Immense merci renouvelé à Y.M. et son équipe pour l’accueil impeccable et les petites attentions, Haut-Médoc compris !

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 3 février 2020
merci aux 500 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page