#nouvelles-2 boucle 1, #04 | bête faramineuse, le livre moins ce qu’il dit

un cycle sur la construction de récit


 

#04 | bête faramineuse, le livre moins ce qu’il dit


Travailler sur l’apparence matérielle d’un livre, pour rejoindre son contexte de première lecture.

De nouveau une marche d’approche, quatrième facette d’une problématique du livre en tant que tel dans le récit, après le #01 ranger sa bibliothèque, #02 les librairies et #03 choses perdues (pas forcément les livres mais eux aussi, et on y reviendra dans la #05), je voudrais tenter une expérience — donc pas forcément, pour une fois, de textes longs mais... mais possibilité l’appliquer à plusieurs livres, pour cela qu’ai sorti dans la vidéo plusieurs des miens exemplaires exemples — de prise en compte de la part matérielle du livre, c’est-à-dire en partant non pas de l’histoire ou du texte, mais de ce qui nous reste en mémoire quand on évince le texte.

Et qu’il y a des exemples matériels de livres conçus de cette façon même, ainsi le Reading the remove of literature de Thurston Moore (il y a d’autres tentatives similaires, d’Andy Warhol à Derek Beaulieu), imprimant un livre reproduisant les titres de chapitre, ses propres soulignements, et bien sûr ses annotations, sur un volume homothétique, traduction anglaise du Livre à venir de Maurice Blanchot, qui disparaît donc.

Mais cette proposition, prévue de longue date, renforcée encore par le cours inaugural de William Marx au Collège de France, ce début janvier 2024, insistant sur comment la mémoire du livre lu c’est aussi celles des conditions matérielles de cette lecture. Le lieu, les bruits, le vent, les conversations, la posture du corps. Et puis tout ce que cela inclut de physique, posture du corps (penser au « plat ventre » convoqué par Perec au tout début de Espèces d’espaces et repris dans W), comme justement aussi l’existence même du livre, son poids, sa reliure, sa couverture, son usure...

Et c’est cet exercice que je voulais vous proposer. Parce que notations disséminées dans l’ensemble de notre bibliothèque : je cite ainsi la légendaire ouverture de la soirée chez les Guermantes dans Le temps retrouvé, quand Marcel Proust fait attendre son narrateur dans la bibliothèque fictionnelle du quai Malaquais (non fictionnel, lui, les pavés dans la cour des Beaux-Arts sont toujours là), et lui fait saisir un exemplaire du François le Champi de George Sand, que reviennent la voix de la mère, les heures de Combray — on sait comme ce bref texte Journées de lecture écrit en préface de sa traduction de Ruskin a servi à Proust de matrice amplificatrice pour les lieux et heures de lectures dispersés dans la maison (fictionnelle) de Combray...

Alors peut-être, une fois de plus, qu’une bibliographie de ces livres matériellement décrits nous allons la constituer ensemble. Chez Lovecraft, l’usage récurrent de son Necromicon (fictionnel) complété d’un texte non repris dans ses récits sur l’histoire et les caractéristiques matérielles du livre inventé.

Chez Bergounioux, dans un de ses premiers livres, La bête faramineuse, je reprends ce passage parce qu’il inscrit l’ensemble de ces paramètres matériels, mais sans convoquer — précisément — la lecture. Le livre, dans sa matérialité, est là pour son rôle, son usage symbolique, sa fonction quasi rituelle.

Et gratitude à vous toutes & tous si vous voulez bien vous prêter à l’expérience, de nouveau pointer du doigt une possibilité de l’écrit, sous-jacente dans tant et tant de livres, mais dont on fait aujourd’hui le thème même de notre récit.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 14 avril 2024
merci aux 127 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page