# 40 jours # 07 descendre | la sueur des villes

Si nous étions au bord de la mer, rien n’aurait plus d’importance – le silence et la mer, les oiseaux droit surgis des corps allongés, les puces de sable et les chardons, le flot sangre étoilé, la vie dense en plein air. Mais nous sommes à plus de cinq cents kilomètres des eaux. L’été nous fabrique de petits enfers dans les yeux, nous devenons dérangés, fourbes, amers. Nous ne sommes plus dignes de confiance. Inventons des lois pour battre les trottoirs : jupes fines, mousselines, barbes, taffetas, matière qui gratte et s’étire sous les ongles, nous fabriquons des nuages à cinquante centimètres du sol pour éviter de ne pas perdre la tête. Les hommes passent très vite à vélo, ne se retournent pas. Trente-cinq degrés, nous sommes les seules à hanter la ville en plein après-midi. Même les corbeaux aux terrasses ne sifflent plus. Les paupières lassées tombent sur le petit café. La chemise ouverte, le bras déglingué sur un rebord de table. Et nous passons, nous descendons sous la ville, relevant le front sous les gouttes de sueur qui giclent des balcons, des trottoirs, la douce condensation de la sueur des villes, là gouttant jusqu’aux souterrains des RER bleus, les couloirs envahis de fraîcheur, à pleine course traversés, David Bowie sur les oreilles, tombons encore plus bas, sous la seconde métropole qui gronde et vrombit dans les sous-sols d’une galerie marchande. Alors nous commandons des glaces et des thés froids, le dos déplié lourd à nous allonger au trente-sixième dessous, là où personne, ne voudra de nous.

A propos de Françoise Breton

aime enseigner, des lettres et du théâtre, en Seine-Saint-Denis, puis en Essonne, au Cada de Savigny, des errances au piano, si peu de temps pour écrire. Alors les trajets en RER (D, B, C...), l'atelier de François Bon, les rencontres, les revues, ont permis l'émergence de quelques recueils, nouvelles, poèmes. D'abord "Afghanes et autres récits", puis en revues "Le ventre et l'oreille", "Traversées", "Cabaret", "La Femelle du Requin"... Mais avant tout, vive le collectif ! Création avec mes anciens élèves d'Aulnay-Sous-Bois de la revue numérique Les Villes en Voix, qui accueille tous les textes reçus, photos, toiles...

4 commentaires à propos de “# 40 jours # 07 descendre | la sueur des villes”

  1. Plaisir de te lire. Vrai que la canicule est un genre de descente aux enfers incitant à descendre en sous-sol

  2. il est des endroits ou l’on adapte la vie à la chaleur. Nous ne savons pas vraiment faire quand pas l’habitude. Je ressens tout à fait l’idée de cette moiteur ressenti pleine ville. 🙂 Besoin d’eau !

  3. Comme c’est beau, cette transformation avec des mots choisis d’une réalité en quelque chose d’irréel ! On pénètre avec eux dans un monde en marge. Magnifique. Merci.