#40 jours #30 | batman

Avec une nouvelle légèreté, il arrive à Londres sans un sou en poche. Il fait la manche à Victoria Station. Pas grand-chose, rien de grave, il dit simplement qu’il lui manque one pound pour prendre son billet de retour chez lui. Parfois, cela marche et il reçoit dans le creux de la main une lourde pièce de one pound, d’autres fois on lui donne fifty pi et il est heureux. Il s’est fixé l’objectif de gagner ainsi ten pounds. Quelques pounds pour manger au restaurant qui fait buffet à volonté sur Charing Cross road, et garder au moins one pound pour aller — une fois récupéré le flyer qui donne droit à entrer pour moins cher — il ira danser dans ce club Le Pink sur Charing Cross Road. Il rentrera avec un garçon, ira chez lui ou comme la nuit dernière dormira sur la pelouse de saint James ‘s Park. Il y a très bien dormi la nuit dernière. La police est arrivée vers une heure du matin, lui a demandé de voir ses papiers, après les avoir analysés sous la lampe torche, ils lui ont conseillé de dormir un peu plus loin. Quand il a les dix pounds, il arrête. Si c’est trop long pour les obtenir, s’il sent que cela accroche, que les réactions autour se font plus hostiles, s’il se fait envoyer balader plus souvent que d’habitude, la somme étant rapidement gagnée au début puis ensuite au compte-gouttes, il se contente généralement de eight pounds. Il pose ensuite son bagage dans un casier de la consigne de la gare à twenty pi et va manger avant d’aller danser. 

Un endroit idéal pour se cacher, il a quitté son pays non pas parce qu’il y était réprimé ou persécuté, mais simplement parce qu’il ne pouvait pas être lui-même. Et le pays n’était pas en cause, lui non plus d’ailleurs. Quand il arriva à Londres et qu’il vit des hommes se tenir par la main dans la rue et qu’il s’aperçut que cela ne suscitait pas le moindre problème, il sut qu’il avait sous les pieds une sorte de terre promise. Il se souvient de la longue tour sur Tottenham Court Road et au-dessus le ciel. Il n’y avait pas beaucoup de tours comme celle-ci, pas comme chez lui, où il y’en avait partout, il vivait même dans l’une d’elle, une fenêtre un peu près au milieu de la barre remplie de fenêtres identiques, donnant sur un immense cimetière. Et si aujourd’hui il ne nomme toujours pas ces lieux, c’est parce qu’il ne vient pas de là-bas, mais de ce trottoir de Tottenham Court Road, du quartier de bloomsbury. Oscar Wilde n’avait-il pas fuit vers d’où il venait ? Lui, rejoignait ici pour se cacher, ou plutôt arrêté de se cacher ce qui revient au même, car le territoire où l’on ne se cache plus c’est forcément au détriment d’un autre et là où l’on ne se cache plus devient une cachette. Et se cacher de quelque part, cela passe par le masque qui tombe ailleurs. Comme le masque qui tombe quelque part, c’est se cacher d’ailleurs.

Sois toi même si tu ne peux pas être Batman, le superhéros n’a toujours pas dit ce qu’il en était de sa tendance. Robin, dernièrement surpris avec quatre mecs dans la vignette d’un album illustré, aurait à moitié assumé en avouant être bi. Facile et compliqué à la fois. Quand le temps de dire sa vérité approche, on est porté à s’en libérer que d’une moitié, cela contente les deux parties. D’un côté, parce que cela éclaire, et de l’autre parce que cela désobscurci, c’est la même chose, dira-t-on. Si la posture de Robin est bancale, celle de Batman est intenable. Il devrait quitter Gotham City. 

A propos de Romain Bert Varlez

J'écris pour mieux lire.

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