#nouvelles | françoise renaud

table des matières
#1 installation
#2 librairies et libraires adorés
#3 perdu enseveli
#4 le voyage par la poste
#5 ubasute

1 installation

Drôle de charnière que ce deuxième hiver après l’installation dans un nouveau monde. Étagère après étagère les livres avaient été rangés en hâte dans des cartons couleur Kraft, entassés en une impressionnante colonne, charriés en brouette jusqu’au camion garé sur la place du village où j’habitais, transportés sur 500 kilomètres, déchargés puis stockés dans un hangar sous un tapis berbère et une bâche pour les défendre de l’humidité. Longtemps les livres sont restés hors vue, hors service. Longtemps les livres m’ont manqué. La plupart d’entre eux avaient beaucoup compté à un moment donné de mon histoire — je pense à Histoire de l’œil ou Une chambre à soi  — au point de faire corps avec mon propre corps, et la plupart m’ont servi pour grandir en vrai et en écriture. Drôle d’affaire que de les retrouver après plusieurs longues saisons, les prendre chacun en main, les dévisager et les dépoussiérer, les associer en fonction des niches et au gré de la configuration des rayonnages conçus pour les recevoir.

J’avais écrit certains noms sur le flanc des cartons. Repères insuffisants pour s’y retrouver. Au bout d’une heure le contenu de plusieurs caisses en vrac à mes pieds réclamant calme et patience.

Une chance finalement que d’organiser un nouveau mur de livres.

Sûr qu’il va dépendre de mes relations actuelles avec leurs auteurs et de mes dernières acquisitions. Il sera bien différent du précédent. Il va refléter le nouvel état de ma vie tout en laissant part belle au hasard. Certaines collections convoitent déjà les meilleures places. Verdier, Minuit, Corti, Verticales. Tout en haut, les polars et les vieux poches — ceux qui libèrent cette odeur douceâtre quand on les ouvre. Près de la statue d’homme bastar, la poésie. Derrière la chaise du bureau, les femmes, celles que je sens si proches qu’elles me parlent à l’oreille quand je travaille. Woolf, Duras, Sarraute, Ernaux, Lafon — impossible de les nommer toutes. Autant je peux disperser les hommes selon leur nationalité ou le genre de leurs œuvres, elles demeurent ensemble envers et contre tout. Leurs textes entre eux sont devenus compagnons. Un peu excentrée, la littérature de langue latine. Un rayon pour le Japon. Un autre pour les auteurs scandinaves à l’écriture sobre et percutante. D’autres encore et puis des parties en désordre. Le coin pour les revues. Objets rapportés de voyages lointains en terre cuite ou métal intercalés en fonction des espaces restants — boîtes, encriers, statues, minéraux —, nécessaires, complémentaires, comme une mémoire visuelle. Photographies aussi, en particulier celles de mes petits morts. Quelques beaux livres en évidence, ceux offerts par une amie de goût, qui viennent rompre par leur format les lignes de rangement. Les ouvrages d’art vont trouver place ailleurs, dans une autre pièce, une autre bibliothèque. Ici, tout près, seulement ceux qui parlent d’écriture.

Mais elle est encore trop neuve, trop guindée. Elle a besoin de fréquentations, de traces d’usure, de toiles d’araignée, d’éraflures, de fouilles et de dérangements, de jours de pluie et de désordre.

Photographies ©Françoise Renaud, début 2024

2 librairies et libraires adorés

Nantes, librairie sans nom, hiver 1975

Aucun souvenir du nom du lieu ni de sa situation dans la ville. Était-ce dans le quartier de la cathédrale ou du côté de la place Graslin ? Franchement aucune idée. En revanche je suis sûre que cette librairie était la première que je visitais. Espace étroit et sombre, atmosphère confidentielle et craquements de parquet. Je me souviens de la compagnie de Fabrice dit Fab, camarade de fac. Il avait tenu à me présenter cet endroit connu de lui seul. Sur la table de l’entrée, quelques livres proposés aux clients lecteurs. La table était pareille à un autel, les livres à des offrandes. On s’était parlé en chuchotant et personne n’était venu nous déranger. On avait feuilleté avec délicatesse, on n’avait pas d’argent pour acheter, on n’avait rien volé.

Montpellier, librairie Molière, fin 1997

Proche de la Comédie, en haut de la rue des Étuves, cette librairie était devenue célèbre pour sa cave où se déroulaient des rencontres avec les écrivains, bondée souvent. Célèbre aussi pour Jean et Fanette qui la tenaient avec amour et bienveillance. Le local s’étendait en profondeur et, malgré son étroitesse, on réussissait à se perdre dans le dédale des rayonnages tant ils étaient resserrés et hauts à toucher le plafond. Là aussi, du bon vieux plancher sous les pieds. L’odeur de papier oxydé et de calcaire humide m’est resté et j’aimais cette façon qu’ils avaient l’un et l’autre de prendre les livres entre leurs mains, d’en caresser la couverture, de les ouvrir tout en parlant de l’intrigue et en vantant la manière. Jean, écrivain lui-même, portait une attention particulière aux jeunes auteurs. Il m’avait invitée pour mon premier roman. Toujours il parlait avec une voix douce et se montrait encourageant. Quelques jours avant de mourir il m’avait téléphoné, il avait dit : « Laisse-moi parler, je n’ai plus beaucoup de force ». Dans cet instant grave, j’avais écouté ses mots qui parlaient d’effort, de résistance et de ténacité. Ce lieu dans la ville où j’ai vécu pas loin de quarante ans, est fixé dans ma mémoire, indissociable de ces deux amoureux de littérature qui tenaient leur monde comme une chocolaterie, voire une bijouterie. Une fois Jean parti de l’autre côté, la librairie est devenue magasin de vêtements et plus personne n’avait le cœur de passer devant pour se rendre à Saint Denis.

Montpellier, librairie Rouchaléou, 2006

Un fourre-tout de livres d’occasion inséré entre une banque et un grand magasin boulevard Jeu de Paume. J’y passais en rentrant chez moi dans le quartier Figuerolles. La boutique était en désordre et généreuse en propositions pas chères. Le gérant, à demi caché à l’arrière et absorbé dans un écran, levait à peine les yeux quand quelqu’un entrait. Toujours des habitués. Et même qu’il devait être propriétaire, le fonds ayant appartenu à son père, d’où le nom donné à la librairie, et il connaissait à fond la peinture régionale. Il avait une voix très douce et me mettait de côté les romans japonais, à l’occasion m’invitait à découvrir des ouvrages de peinture. D’ailleurs je lui dois la rencontre avec les sœurs Richarme. Quelques années plus tard, j’écrirai une biographie sur l’artiste qu’avait été leur mère.

Le Somail, Le Trouve-tout du livre, 2012

On y arrive par le chemin qui longe le canal du Midi. Poussière et vent dans les arbres. La lourde porte de l’ancienne cave viticole est entrouverte. À l’intérieur c’est une caverne immense, un univers en marge. Après le chaud du dehors, l’atmosphère y est fraîche. On y perd la notion du temps, on a le sentiment d’être protégé des tempêtes. Depuis la mezzanine on découvre le ventre de la librairie, large, opulent, exploré par les vacanciers et les voyageurs en péniche. 50 000 livres anciens. J’y déniche Le livre de l’intranquillité volume II, Christian Bourgois éditeur 1992. Pas de majuscules aux titres en couverture. Il est recouvert d’une enveloppe plastique et porte le numéro 3047.

La Souterraine, Librairie L’apothicaire, décembre 2024

Dehors l’hiver et la petite ville déserte. J’ai franchi le raidillon au long de l’immense église en granit noir et suis entrée dans le magasin à 14 h 30 tapantes. Cinq minutes plus tard, les petites pièces se sont remplies de monde. Ancienne pharmacie herboristerie. Encore les grands casiers en bois où étaient méticuleusement rangés les pots d’herbes et de fleurs séchés et une odeur indéfinissable à la fois piquante et sucrée. Un charme inédit.

3 perdu enseveli

choses perdues, ensevelies — peut-être à jamais — bon sang qu’est-ce qu’on aurait bien pu perdre en route et jamais retrouver, tout ce mal qu’on se donne à fouiller l’histoire loin de soi à partir de l’enfance, à s’inquiéter de ne rien dénicher de particulier qui manquerait aujourd’hui, sans doute parce qu’on n’a jamais rien possédé en dehors de quelques coquillages rapportés de la plage, d’un ballon dégonflé et d’une poussette bricolée pour promener des poupées de chiffon héritées d’une cousine jusqu’à ce que la vie prenne un autre virage. Alors quitter le domaine des objets, des petites possessions matérielles, pour se tourner du côté des sens, des odeurs, des décors, là où quelque chose palpite encore, ensablé ou tapi dans le fourré, quelque chose d’unique qui serait passé par le corps et ensuite aurait disparu. Et non, on ne le retrouverait pas parce que désintégré et personnages décédés, quelque chose de définitif, quelque chose d'impossible à reconstituer sinon avec des lettres qui s’assembleraient en mots, et puis

ça s’annonce peu à peu, ça se fait tirer par les cheveux, on guette, ça vient comme une ligne fragile sur l’horizon au lever du soleil, juste une ligne vibrante derrière laquelle hurlent des émotions jamais signifiées
et on en aurait peut-être jamais rien su si on n’avait pas fouillé, ou alors

la boîte aux 6 petits suisses
la voix d’Édith
le chien sage assis devant la ferme de la Corbeillière
les grandes marées au Pré aux Goths
la promenade sur le môle
le visage du père dans les derniers temps
le pré de la tante Marie
la flore des grands chemins
la maison de Maurice Freulon
le cheval de bois sans tête
les rivages de Parangtritis
la librairie sans nom
les ruines de Montferrand émergeant des falaises
les lettres de Freiburg im Breisgau

et maintenant laquelle de ces pistes emprunter pour me relier à l’une ou l’autre de ces figures de chair ou de pierre qui sont posées au bord du chemin telles des stèles par endroits patinées ou couvertes de lichens, j’évite de choisir et m’oriente naturellement vers cette absence, l’absence de l’enfant qui aurait dû grandir et se comporter comme tous les autres enfants, vers cette douleur de la perte, vers l’érosion fatale des souvenirs — oui trop longtemps que ça s’est passé et j’étais si petite —, d’ailleurs à chaque fois je vais visiter sa tombe, je relève les dates aux deux bouts de sa vie 1950-1960 et je calcule quel âge elle aurait aujourd’hui, inimaginable, et ce qui me trouble alors que sa figure renaît, tête ronde ornée de boucles retenues par un ruban blanc, c’est l’absence totale de vision de son corps de petite fille, je ne la revois pas en train de jouer ni de manger son goûter, je ne la vois qu’allongée dans son lit blanc dans les derniers temps, dans les temps où le souffle traversait encore sa poitrine, et je cherche sa voix, rien ne vient, je cherche encore, mais où est donc allé se cacher le son de sa voix, un peu rauque sans doute et déformé par sa langue qui ne voulait pas rester en place dans sa bouche, ou alors ne poussait-elle que des cris et peu de mots —  il faut que je me tourne sans tarder vers sa mère qui est aussi la mienne, encore vivante, dont la mémoire envers son aînée est infaillible et aussi tranchante que l’amour qu’elle nourrissait pour elle et aussi précise et longue que la douleur de la perdre —, et bien sûr la voix est aussi absente des photographies et c’est quelque chose de cruel, je n’en avais jamais pris conscience, ma sœur n’était pas muette pourtant, elle était si douce à ce que racontent les gens et elle devait raconter des petites choses toutes simples et avoir des murmures de moineau, alors voilà où j’en suis avec ce fardeau qui

4 le voyage par la Poste

Les livres s’associent avec d’autres livres, s’empilent, se confondent, finissent par se perdre dans la marée des livres sauf s’ils se distinguent par leur couleur de couverture ou leur épaisseur singulière ou au contraire leur format si petit qu’ils doivent être rangés à part. Une question de géométrie, de sédimentation. Mais il n’y a pas eu de livres au début de ma vie ou si peu. Rien de notable sinon ceux dont j’ai déjà parlé comme les seize volumes de Tout L’Univers, l’encyclopédie série rouge des seventies, ou L’Allumeur de réverbères, gros livre brun avec gravures offert à mon père en récompense à l’école. Comment puis-je choisir dans le si peu ?

Je fouille ma mémoire-bibliothèque d’où rien n’émerge, encore des choses qui se seraient perdues dans la masse confuse des matières et des odeurs, des choses impossibles à retrouver et même à identifier — j’aurais dû mieux relever les choses pendant que je vivais. Maintenant je cherche, me désespère, m’accroche à la description de ces corps de papier, à leurs texture, odeur, couleur des dos, jauni des tranches. Lequel retenir ? Des livres cristallisés dans le souvenir, métamorphisés telles des géodes d’améthyste ou de marcassite. Des livres dépouillés de leur histoire — histoire aspirée désapprise —, finalement de peu d’importance parce qu’au fond, c’est leur compagnie qui a compté bien plus que ce qu’ils racontent, leur douceur sous la main, leur présence longue dans le temps et dans nos solitudes. 

Ce livre-là m’a fait un effet très spécial quand je l’ai trouvé dans ma boîte aux lettres — et voilà que je retombe sur lui encore une fois —, mais quoi m’a séduite d’emblée et m’a presque prise à la gorge quand j’ai défait l’enveloppe en papier Kraft, et puis dedans il y avait un étui cadeau à motifs incarnats avec des cordons en ruban blanc où il était bien protégé, et quoi m’est rentré dans le corps sitôt que je l’ai sorti de l’étui pour que je mette à le chérir autant, vite abîmé écorné gondolé parce que trimballé à travers la maison et même emporté au jardin, une sorte de possession dans le toucher, la couverture épaisse avec minuscules stries détectables sous la pulpe des doigts, le papier confortable pas trop blanc agréable au toucher, la graphie, la disposition des paragraphes, l’élan du texte à travers le feuilleté des pages, la folie qui prend à le lire — et pourtant rien à voir avec le récit lui-même —, enfin toute l’émotion ramassée au fil du long voyage du livre vers moi, dans l’attention de la personne qui l’avait choisi exprès pour moi, l’avait acheté dans une librairie, enveloppé d’un si beau papier puis rangé dans un colis pour l’emporter au bureau de poste et me l’adresser avec toutes ses pensées, cet acte d’offrir qui l’a rendu si particulier au point qu’il s’est enfoncé dans ma chair avec tout son poids d’ombres et de miracles
réveillant le désir de lire
d’écrire
un désir fragile et inquiet pareil à un petit animal enfermé par mégarde dans un cellier ou une cabane de jardin qui chahute toute la nuit pour qu’on l’en délivre.

5 ubasute

Désormais l’âge la prend, elle sait qu’il est temps, elle sait qu’elle doit décider, partir, s’extraire de la vie quotidienne pour l’ultime vie. Aborder le dépouillement. Lâcher l’espérance du terrestre. Elle regarde le grand jardin autour de la maison dont l’homme s’occupait, ratissait avec soin les allées. S’en détache. Pense au grand jardin de montagne dans lequel elle veut se perdre.


Ubasute. Elle connaît la pratique mythique. Elle la réclame à son fils à présent, en silence. Depuis plusieurs mois elle y pense. Mais il y a les livres autour d’elle, beaucoup de livres, des couvertures du noir dense au bleu pâle en passant par le blanc. Des murs de livres. Et ce sont eux, les livres, qui la retiennent encore.


Elle en prend un, puis un autre. Elle veut n’en choisir qu’un seul. Elle veut qu’il contienne tout ce qui a compté : la beauté des fleurs, l’intensité du blanc de la neige. Elle veut qu’il contienne toutes les sortes de vents et de parfums, les odeurs piquantes des émotions, l’amour de la mère pour le fils, l’acéré de la solitude. Elle veut qu’il contienne les bruits de la terre du levant au couchant et les chants de la nuit après une soirée chaude. Quand elle aura trouvé le livre, elle pourra le dire au fils, fixer le jour avec lui. Une promesse qu’il doit lui faire parce que la vie la quitte chaque soir un peu plus. Et elle sait où elle veut qu’il la conduise, elle a repéré le lieu, elle le guidera quand il la prendra sur son dos avec le livre qu’elle pourra serrer dans ses mains. Et le jour est arrivé. Elle est sur son dos. Ils avancent sur le flanc de la montagne. La vie d’ici-bas s’épure, se tasse dans la vallée, demeure avec les hommes et les femmes des villages. La mère et le fils qui la porte s’élèvent, atteignent rapidement le seuil de la neige et reconnaissent la cabane dans la fissure au bord de la forêt. La nuit sera dense et froide. Ensuite il partira.

Dernière station. Deux randonneurs marchent dans la neige fraîche. Ils sont bien équipés pour le froid. Ils ne vont pas la remarquer, elle couchée sur le lit de branches, ensevelie. Ils voient juste le livre posé sur le banc à l’intérieur de la cabane. Un livre là, inattendu. Ils en reviennent au commencement du livre après avoir lancé le feu pour se réchauffer. L’un d’eux décide d’en faire lecture à l’autre dans la lumière des flammes. L’un tourne les pages du livre tandis que l’autre nourrit le feu de bûches jusqu’à la toute fin de l’histoire.

Photographie ©Françoise Renaud, au jardin, janvier 2024

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

45 commentaires à propos de “#nouvelles | françoise renaud”

    • la proposition pouvait pousser davantage à la description de bibliothèques blindées de livres et ayant traversé les siècles, en tout cas composées au fil de nos existences… je suis restée dans mon fil puisque je viens de « reconstituer » la mienne après multiples tris et divers transports il y a peu…
      maintenant elle va pouvoir vieillir un peu !
      merci d’être passée Stéphanie…

  1. passionnant l’installation, oui les retrouver et immanquablement tout un boulot au sol pour les reconnaître, les préclasser avec l’envie d’en ouvrir un ou un autre ou
    et tes mots pour le dire (sans t’étendre mais on est avec toi… bon si ce n’est que je te l’envie ton mur de livre pour la place et cette impression de page blanche)

    et tes mots tes phrases encore pour donner envie d’y entrer dans ces librairies, surtout la seconde malgré la fin tragique et le Somail,(un rêve)

    • oh la la j’adore toute ta patience dans ta lecture de mes lignes, chère amie Brigitte
      et pas la peine de délayer, jamais… aller droit, dire, dessiner d’un trait net et si possible délicat, mais pas toujours réussi !
      merci encore d’avoir pris ce temps

    • oui, impossible de dissocier les lieux (espaces souvent confus, indéfinis) des silhouettes qui les habitaient, celles furtives de certains clients attardés et surtout celles discrètes des gens de la maison qui se faisaient oublier derrière leur caisse ou des piles de livres en équilibre

    • oui ces amoureux du livre nous habitent et hantent les images ancrées au profond…
      j’ai vu Jean sur son lit de glace dans l’appartement au-dessus de la librairie quelques jours après avoir cessé de respirer, un moment que je n’oublierai en effet jamais…
      (merci Betty pour ton passage qui me touche)

  2. Votre texte résonne si fort avec la phrase d’accroche du texte de P. Tarel plus haut : « le perdu est d’enfance »… et cette voix recherchée, cette voix disparue. Bonne journée Françoise

    • cet écho m’a conduite vers Pedro Tarel autour du « perdu d’enfance » et c’est une découverte
      j’adore ces entrecroisements qui nous poussent les uns vers les autres et nous enrichissent
      à tout bientôt, Stéphanie

    • oui, c’est revenu d’un coup, ce vide, cette absence, cette existence perdue, alors que je peinais et que je me demandais vraiment quelles choses j’avais perdues en route
      Comme ça que j’ai décidé de l’écrire dans le prologue… et c’est lui qui permis d’accéder à la suite et de poser des éléments très vite…
      merci pour ton intérêt et pour ta bienveillance

  3. « les dépoussiérer (pour pouvoir) les dévisager ». Tout grand lecteur, toute grande lectrice est invité.e à jouer du plumeau autant que de la plume pour ne pas perdre de vue les visages singuliers des livres, dans la foule décompactée des livres au moment des déménagements et aménagements. Les livres sont des enfants qu’on n’abandonne pas volontiers lorsqu’ils ont été choisis et choyés dans la fameuse « chambre à soi » de l’écriture. L’ennemi des livres , c’est l’humidité et ses fleurs vénéneuses de moisissure. Qui aime ses livres, les emballe comme de la porcelaine, même tout mélangés.L’Art de stocker et de trier les livres dépend de l’astuce et des opportunités de celle ou celui qui lit sans pouvoir se passer de garder les meilleurs à portée de voix. A chacun.e ses méthodes. Un livre te manque et tous deviennent des étrangers ?

    • merci pour ton long commentaire que je découvre ce soir…merci toujours de ce soin que tu prends à livrer tes sentiments après lecture…
      je saisis au vol *fleurs de moisissure, amour des livres, art de stocker, à porter de voix*
      et c’est drôle parce que mon chantier de roman en cours s’est articulé au commencement sur un livre unique qui occupait le chevet de ma nouvelle chambre après mon déménagement, et oui tous les autres livres étaient absents, étrangers, mais il y avait celui là, précieux…

  4. la voix, c’est formidable – tu sais comme chanter – mais une enfant sans mue – et non, les photos ne parlent pas (ou plus ou moins ou peu) mais la mémoire des voix c’est quelque chose (formidable : je me souviens de celle de mon père, je l’ai transformée, je l’entends toujours raconter ses histoires du genre « un cheval perdant son fer fit un faux pas qui lui fit mal moralité faux pas sans fer » avec son petit sourire accroché à son regard – non, la voix tu as raison,la voix – c’est formidable

    • te retrouver là me touche et m’encourage
      oui cette voix me manque, je n’en ai aucune trace comme si l’enfant avait été muette… et ça tourne en boucle dans ma tête… chose perdue, chose perdue…

  5. Je m’étais promis d’aller directement à la proposition 3, mais l’étagère fabuleuse et vierge a happé mon regard, les mots m’ont accueillies, je voulais assister à l’installation. T’ai suivi pas à pas dans tes librairies, tant de douceur feutrée dans tes descriptions. Pour arriver à ta 3 avec le premier texte à résonner si haut d’interrogations partagées, ta liste et finalement un sujet déjà quelque peu dévoilé, mais surprise, c’est du neuf, aborder les choses depuis un autre angle et c’est magnifique aussi et il fallait l’écrire aussi celui-là. Voilà qui répond à tous mes questionnements présents. Merci, Françoise.

    • sans doute qu’on écrit plus ou moins toujours sur les mêmes « sujets » qui ne cessent de rôder en nous depuis longtemps…
      donc là, un sujet déjà un peu connu et présent dans ci et là dans mes romans, mais je ne peux m’en défaire
      et toujours tenter d’aller plus loin ou autrement
      c’est bon de t’avoir, chère Anne, dans ces parages…

  6. Merci de la confiance de nous donner à lire ce texte Perdu enseveli. Comme une offrande. Et ce préambule , « ne rien dénicher » , « se fait tirer par les cheveux », et finalement « m’oriente naturellement ». Très touchée par ce portrait, ce geste d’écriture.

    • envie de te répondre sur le mot confiance…
      confiance oui….
      je me souviens de la terrible inquiétude qui m’avait prise à recevoir le premier exemplaire de mon premier roman (c’était en 1997) après son impression et juste avant sa distribution en librairie
      d’un coup j’avais réalisé que j’allais être lue et soudain j’avais pris peur
      ce livre s’appelait « L’enfant de ma mère »…
      et le sujet est toujours d’actualité pour moi…
      (merci infiniment, Betty)

  7. J’adore m’abandonner à la lecture de tes textes (#1-2-3), on s’y promène comme on marche dans une forêt, à la découverte d’un bel arbre, d’une odeur, d’une lumière. C’est étonnant. Je reviendrai me promener chez toi.

  8.  » c’est leur compagnie qui a compté bien plus que ce qu’ils racontent, leur douceur sous la main, leur présence longue dans le temps et dans nos solitudes », « cet acte d’offrir qui l’a rendu si particulier au point qu’il s’est enfoncé dans ma chair avec tout son poids d’ombres et de miracles
    réveillant le désir de lire
    d’écrire »
    C’est si délicat, si bien exprimé, comme ausculté. Merci, Françoise.

    • évidemment cette référence à un livre parvenu par la poste me ramène vers toi, tu te souviens bien sûr, cette surprise-là qui m’a donné tant à découvrir…
      merci Anne encore pour cela un an plus tard !

  9. Oh j’allais recopier le même passage que Anne … Comme quoi il y a des mots qui touchent et qui font écho de tous côtés. Peut-être parce que tu es dans une forme de don, toi aussi de par ton écriture…

    • sans doute que ces mots ne résonneraient pas de la même façon s’ils étaient privés de l’entrée en matière, du cheminement jusqu’à ce que ce moment arrive et se dessine plus intense
      il faut avoir le don du travail et de la musique (enfin, je trouve) pour bien conduire cette tâche difficile et moi, je fais simplement de mon mieux
      merci tellement Solange

  10. « ça vient comme une ligne fragile sur l’horizon au lever du soleil, juste une ligne vibrante derrière laquelle hurlent des émotions jamais signifiées
    et on en aurait peut-être jamais rien su si on n’avait pas fouillé, ou alors… », la ballade fatale de la vieille femme, ce film dont je ne peux évoquer le titre sans frémir; résume tout ce qu’il y a dans nos bibliothèques sans qu’on le conscientise à longueur de journée. Et c’est notre chance pour vivre un peu… La question de la séparation qui n’est pas matérielle, on ne le dira jamais assez même si nos fétichismes sont excusables pour passer la vie dans ses tamis, la séparation est ce qui nous sculpte intérieurement de la naissance à la mort. On a beau se tisser des couvertures de mots, la vie se découd en s’écoulant…Oui, Françoise, nous ne vivons que de pertes successives et c’est de le savoir qui nous active dans le lien humain, le seul qui nous procure la joie d’exister si l’autre nous en laisse le droit aussi. On sait bien que c’est toujours une question de peur de manquer ou de perdre qui nous nourrissent l’anxiété et les mécanismes de défense. Que me prends-tu lorsque tu t’éloignes sans explication ? Que puis-je te donner pour que tu aies moins peur de perdre… je ne sais quoi… ? De quels silences,de quelles paroles allons-nous survivre ?

    • pas sûre du tout que ça répondait à la consigne, peut être s’en rapprochait…
      pris le risque
      et c’était là, tout prêt à attendre, comme s’écoulant au pied du rocher au bord de la forêt
      (merci pour ta voix ici)

    • bien sûr, je n’ai pas inventée l’image (j’aurais aimé) mais elle est en nous tous depuis que nous avons lu, depuis que nous avons vu aussi
      pour moi elle est un peu la figure inversée de la pietà
      (vraiment merci pour ta visite, Stéphanie)

  11. #05 « Des murs de livres. Et ce sont eux, les livres, qui la retiennent encore.  » et qui la soutiennent et qui l’enferment aussi, jusqu’au jour où…
    Toujours autant de plaisir à te lire. La fin de ton texte est dérangeante, car je me demande avec quoi l’autre randonneur alimente le feu une fois la page lue.

    • Ils lancent un feu dans la cheminée de la cabane avec du bois ramassé aux abords (et non avec le papier du livre)
      L’un fait la lecture à l’autre tandis qu’il s’occupe d’alimenter en bois le feu pour qu’il flambe et les réchauffe
      (rien de si dérangeant…)

      • Merci pour cette confirmation, je l’avais compris comme ça car ton très beau texte amène à cela, mais je trouve que le dernier paragraphe laisse planer un petit doute.

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